C’est au lycée Gutenberg de Créteil que la rectrice de Créteil, Béatrice Gille, a choisi de venir lancer la plate-forme Parcoursup ce lundi 22 janvier, premier jour où il était possible de rentrer ses voeux d’orientation après le bac, à l’occasion d’une séance d’information aux élèves.
A cinq mois du bachot, c’est l’heure des choix de formation pour les futurs étudiants. Dans cette classe de terminale scientifique du lycée Gutenberg de Créteil, beaucoup savent déjà ce qu’ils veulent faire. «Pour moi c’est médecine et comme c’est une filière non sélective, je suis sûr d’être pris alors je ne m’inquiète pas», estime Dylan. Seule inconnue selon le jeune homme : l’université qui acceptera sa demande d’admission. Élodie, elle, opte pour une classe préparatoire mathématiques, physique et sciences de l’ingénieur (MPSI) mais a coché plusieurs cases, au cas où. «On ne sait jamais, c’est un tout nouveau système, nous ne sommes pas à l’abri d’un bug informatique, autant profiter du fait que l’on puisse émettre des vœux sans ordre d’importance». Si ces deux élèves ont, selon leur enseignante, de bons dossiers, nombre de leurs camarades ont été encouragés à envisager des “plans B” lors du premier conseil de classe de fin de trimestre. «Au vu de mes résultats, les enseignants m’ont conseillé de me renseigner sur d’autres options mais du coup, ces observations m’encouragent à travailler davantage pour améliorer mes résultats», lance avec optimisme l’un des élèves, devant la rectrice.
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La patronne de l’académie, venue voir la mise en pratique sur place, a pour sa part encouragé les élèves à se rendre sur un site dédié, Terminales 2017-2018, complémentaire de Parcoursup, comprenant des informations pour bâtir son projet d’après-bac. «Ne faîtes pas des vœux simplement pour remplir la liste. Il faut que cela corresponde à ce que vous souhaitez. Cette plateforme dispose également de Mooc (des cours ligne gratuits et ouverts à tous) proposés par les établissements d’enseignement supérieur pour bien cerner le contenu des formations ainsi que les attendus pour les suivre», enjoint la rectrice.
Pour Pierre-Marie Santamaria, psychologue de l’Éducation nationale, les plate-formes d’admission sont victimes des angoisses projetées par l’environnement du lycéen. «Tout ne se passe pas maintenant, ils n’ont que 17 ans. Il y a des tas de parcours pour parvenir à son objectif final, d’où l’importance du dialogue avec les enseignants, des professionnels de l’orientation et les parents pour bien appréhender le souhait du lycéen», rassure le co-psy.
Après le tollé provoqué par le tirage au sort des candidats l’année dernière, Parcoursup doit assurer une sélection des futurs étudiants plus transparente. Ainsi, les établissements d’enseignement supérieur devront étudier les candidatures des élèves à partir des attendus de la formation et des dossiers (notes, avis du conseil de classe sur la formation choisie, éléments complémentaires). «Contrairement aux filières sélectives et aux établissements privés qui ont déjà l’habitude d’examiner les dossiers de candidats, cela va être une première pour l’université qui va devoir gérer un nombre très important de candidatures. Cela va demander un travail colossal aux universités qui n’auront, cette année en tout cas, pas l’ombre d’un personnel en plus, ils pourront faire appel, en revanche, à des étudiants vacataires. Grâce à des outils d’aide à la décision, ils établiront leurs listes en pondérant les notes, les appréciations du conseil de classe, le bulletin, et d’autres paramètres», indique un ancien vice-président de l’Upec.
Caroline Aracil, enseignante en physique-chimie et professeure principal de la classe de terminale S, reconnaît des avantages à ce nouveau système tout en craignant qu’il élimine trop systématiquement les élèves aux faibles résultats. «Cela fait vingt ans que j’accompagne des classes dans cet étape de l’admission. Le non classement des vœux et leur examen intégral par les universités est une très bonne chose. Auparavant, il fallait se livrer à des choix stratégiques aux résultats souvent frustrant. Désormais, l’élève aura une réponse pour chacune de ses demandes. En revanche, je redoute que les élèves les moins bons ne se retrouvent en bas des listes de tous les établissements. Au moins, le tirage au sort pouvait y remédier.»
Calendrier
Les élèves doivent remplir leurs voeux d’ici le 13 mars. Ils auront ensuite jusqu’au 31 mars pour finaliser leurs dossiers. Les réponses des établissements tomberont à partir du 22 mai. Les élèves auront alors une semaine pour dire oui ou non, avec possibilité de maintenir les choix en attente de réponse. Une phase complémentaire pour les recalés de tous leurs voeux est prévue à partir du 26 juin jusqu’au 21 septembre.
Du côté des parents d’élèves
Du côté des parents d’élèves, on attend de voir comment cela va se passer. Pour Myriam Menez, présidente de la Peep 94, le changement est positif. “Au niveau de l’accès des élèves, il n’y a pas encore eu de remontées négatives. Les questionnements viennent plutôt des parents qui ont connu APB. Mais globalement, les parents sont satisfaits d’avoir des critères plus clairs car ils en avaient de toutes façons assez du tirage au sort. La hiérarchie des voeux obligeait en outre à des stratégies compliquées. Certains attendus sont certes un peu trop académiques, mais cela clarifie les choses. Concernant la masse des voeux à traiter pour les universités, je ne suis pas inquiète. Il y avait déjà des licences à profil dans les universités, donc elles savent faire, d’autant qu’il y a des outils de tri avec des tableaux par note, avis… Il est même plus facile de disposer de statistiques fiables sur un nombre important d’élèves.” Du côté de la Fcpe, on s’inquiète du rôle désormais déterminant du Conseil de classe. “Les conseils de classe de cette année charnière auront une importance capitale. En effet, celui du deuxième trimestre donnera officiellement un avis sur les choix d’orientation des lycéens, avis qui sera transmis aux universités. (…)Enseignants et chefs d’établissement du second degré auront ainsi l’avenir des jeunes entre leurs mains. (…) Pour la FCPE, c’est la forme du conseil de classe et son fonctionnement qui doivent évoluer pour garantir aux élèves un examen impartial de leur parcours. D’autres inquiétudes n’ont pas été levées, comme le manque de places dans les filières en tension où une sélection des élèves sera toujours opérée“, insiste ainsi la fédération qui souhaite avancer en même temps sur la réforme du baccalauréat, “chantier intrinsèquement lié à celui du supérieur”.
Journée de mobilisation le 1er février
Du côté de l’Union des lycéens, la réforme ne passe pas. “Sur le fond, c’est profondément injuste. On va sélectionner des centaines de milliers d’élèves sur leur bulletin, et c’est cela qui décidera de leur avenir, de leurs 60 prochaines années de vie ?” s’agace Louis Boyard, représentant de l’Union nationale des lycéens (UNL). Le syndicat lycéen s’est associé aux syndicats enseignants et étudiants FERC-CGT, FNEC-FP FO, FSU, SGL, SUD éducation, Solidaires étudiant-e-s, Unef, et UNL-SD pour appeler à une journée de mobilisation le 1er février. “En plus, certains parcours ne sont même pas dans le logiciel“, remarque le lycéen, évoquant le parcours Sciences po universitaire (à ne pas confondre avec les IEP, Instituts d’études politiques).
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Communiqué FCPE du Val de Marne
Choisy le Roi le 24 janvier 2018,
Depuis des années, le nombre d’étudiants augmente en France mais les gouvernements successifs ont préféré les coupes budgétaires aux créations de places en nombre suffisant dans l’enseignement supérieur.
Résultat : après le bac 2017, des dizaines de milliers de bacheliers se sont retrouvés sans affectation dans l’enseignement supérieur.
Le gouvernement, par la voix de la ministre de l’enseignement supérieure, a profité de cette situation dramatique (tirage au sort dans les filières en tension faute de place suffisante) pour introduire la sélection avec Parcoursup et mettre fin au baccalauréat, premier grade de l’enseignement supérieur qui permettait légalement de s’inscrire dans une formation post-bac de son choix, même si ce droit était de plus en plus remis en cause.
En précipitant la mise en place illégalement une loi qui n’est pas encore votée par le Parlement (la loi ORE, Orientation et Réussite des Etudiants,) va désorganiser profondément l’orientation et les affectations des lycéens de Terminale de l’année en cours.
Ce nouveau dispositif, qui sélectionne avec des attendus bureaucratiques et variables d’un établissement à un autre, est une usine à gaz qui va conduire à la rédaction de centaines de milliers de CV, lettres de motivations par les futurs étudiants qui ne pourront pas être lus faute de temps dans les universités : la sélection se fera donc par les notes.
De plus, les parcours personnalisés de remise à niveaux (utile lorsqu’un lycéen choisit une formation universitaire différente de ce qu’il a étudié au lycée) seront le plus souvent inexistants, les universités n’ayant ni le temps, ni les financiers et humains pour les mettre en place.
Cette nouvelle mesure renforce la sélection et l’exclusion d’une partie de jeunesse, elle vise à diminuer les dépenses publiques, favoriser la reproduction sociale de l’école, accentuer la sélection entre universités.
La FCPE du Val de Marne appelle à la mobilisation lors de la journée du jeudi 1er février 2018 suite à l’appel unitaire des lycéens, étudiants, organisations syndicales de l’enseignement supérieur.
La FCPE 94:
• La nécessité de travailler tout au long du parcours au lycée à une
orientation choisie, construite, accompagnée et évolutive avec les
moyens humains et financiers nécessaires.
• Le maintien du baccalauréat comme diplôme national et 1er grade
universitaire, garantissant l’accès de tous les bacheliers sur tout le
territoire aux filières post bac et aux établissements de leur choix.
• L’exigence d’ouverture massive de places supplémentaires en 1er
cycle post bac et le refus de toute sélection à l’entrée à l’université.
• Le refus de l’instauration de blocs de compétences en lieu et place
des diplômes et des qualifications.
• L’abandon du projet de loi sur 1er cycle post bac et du plan
«étudiants» qui l’accompagne, condition pour permettre une réforme ambitieuse qui garantisse le libre accès de chacun au supérieur.
En partenariat avec l’Union nationale lycéenne, l’UNEF et Plus passerelle, la FCPE a ouvert de nouveau son site SOS inscription pour aider les jeunes et répondre à leurs nombreuses questions sur la procédure.
Bonjour,
Je préfèrerais Gutenberg au lieu de Gutemberg…
« Les élèves les plus faibles en bas de la liste » « au moins le tirage au sort pouvait y remédier » Voilà cette enseignante vient de mettre le doigt sur la raison du taux d’échec des étudiants en première année et semble le regretter.
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