C’est ce mardi 22 mai à 18 heures que les élèves de terminale connaîtront le verdict de la première session Parcoursup, sensée mieux faire coïncider les choix des futurs étudiants et les places disponibles dans les établissements de formation que la précédente plate-forme APB.
Pour rappel, la plate-forme APB demandait aux élèves de remplir leurs voeux en les hiérarchisant et lorsqu’une formation était acceptée, toutes celles qui suivaient dans leur ordre de préférence étaient automatiquement caduques, libérant les places pour les autres. Les élèves pouvaient en revanche rester sur liste d’attente sur leurs choix prioritaires. Du côté des formations, les filières sélectives choisissaient les élèves sur dossier et les filières non sélectives des universités procédaient à un tirage au sort en cas de surnombre. Deux raisons principales ont remis en question ce dispositif. D’une part, les élèves ne hiérarchisaient plus leurs voeux en fonction de leur choix car les établissements prenaient en compte le rang de hiérarchie choisi par les élèves dans leur processus de recrutement. Ceci donnait lieu à de savants calculs stratégiques pour optimiser au mieux ses chances. D’autre part, le tirage au sort dans certaines filières universitaires suscitait la controverse. Ceci dans un contexte de croissance des effectifs de nouveaux bacheliers, qui devrait continuer encore cette année avec l’arrivée sur les bancs de la fac de la génération 2000.
Plus de souplesse ou plus d’angoisse pour les lycéens?
Dans le cadre de la plateforme Parcoursup, les élèves n’ont plus à classer leurs voeux. Ce 22 mai, ils pourront donc recevoir plusieurs réponses positives, en plus d’être sur liste d’attente sur d’autres formations. Ils auront une semaine pour choisir une formation parmi les réponses positives. Statistiquement, les meilleurs élèves devraient donc faire carton plein ce mardi et les élèves moins bien classés devront donc attendre les désistements des meilleurs pour commencer à avoir des places disponibles. Le tout devrait s’équilibrer d’ici quelques semaines. “Nous avons voulu remettre de l’humain dans le système. Les lycéens conservent les manettes. Le processus d’affectation ne s’arrête pas le 22 mai. Si l’un de ses vœux a été accepté, l’élève bénéficiera d’un délai pour donner une réponse définitive et pourra tout de même vérifier ses chances d’obtenir une autre formation sur laquelle il serait en liste d’attente puisque le système lui permettra de connaître son rang. C’est également un moment où le lycéen peut demander conseil auprès de ses professeurs principaux et psychologue de l’éducation nationale”, motive Daniel Auverlot, recteur de l’Académie de Créteil. “Cela va être anxiogène pour les élèves qui n’ont rien et va retarder peut-être jusqu’en septembre la visibilité complète sur la situation”, déplore en enseignant de l’Upec, de la filière sciences et technologies. Les candidats qui ne reçoivent aucune réponse à leurs vœux pourront demander de l’aide à la Commission régionale d’accès à l’enseignement supérieur (CRAES). Autre critère nouveau cette année, un quota réservé aux élèves du secteur.
Concernant la phase amont, toutes les filières doivent désormais sélectionner les élèves en fonction de leur profil lorsqu’il y a surnombre, plutôt que de procéder à un tirage au sort. Pour cela, un certain nombre d’éléments étaient à disposition : les notes et appréciations des bulletins, les appréciations de l’équipe pédagogique par rapport aux choix Parcoursup des élèves, un CV et une lettre de motivation. A partir de ces éléments, chaque établissement de formation supérieure ou chaque filière d’une université s’est faite sa propre méthode pour choisir les élèves. Au total, 810 957 candidats ont confirmé au moins un vœu sur Parcoursup en France et près de 6 millions de voeux ont été formulés.
Transparence sur l’algorithme mais pas sur les critères de sélection
L’un des éléments qui avaient alimenté la controverse d’APB concernait le manque de transparence sur l’algorithme utilisé (le processus de choix opéré par les systèmes d’information intervenant dans la sélection des dossiers). Dans ce contexte, le gouvernement a publié une note de présentation complète des algorithmes de Parcoursup. Télécharger ce document. Cette note commence par expliquer les principes retenus en cas de surnombre (taux minimum de boursiers, taux maximum de bacheliers résidant hors académie…). Ces taux ne sont en revanche pas renseignés concrètement par académie et formation. Le document détaille ensuite les modalités pratiques de calcul des propositions d’admission qui découlent de cette organisation. Cela donne une vision des grandes lignes. Dans le détail, les critères de choix relèvent toutefois de chaque établissement, et sein d’une même université, de chaque filière. Or, ces critères ne sont pour l’heure aucunement renseignés. Il n’est pas possible de savoir comment telle fac a choisi par rapport à telle autre par exemple.
A l’Upec, chacun a fait à sa sauce
Au sein de l’université de Créteil, chaque composante a fait à son idée. En faculté de sciences et technologies, où ont été reçues environ dix fois plus de candidatures que de places (les mêmes candidatures étant envoyées à d’autres universités), on a regardé principalement la note de mathématiques, indique un enseignant. “Mais cela génère beaucoup d’ex-aequo, alors au final, cela devient du tirage au sort“, confie le prof. La lettre de motivation ? “C’est surtout une lettre de baratin, rédigée avec l’aide des parents pour ceux qui ont de la chance, et dans laquelle ils apprennent à expliquer qu’ils veulent absolument faire telle filière même lorsqu’il s’agit d’un choix par défaut!“, reprend l’enseignant, pour qui la réponse Parcoursup est à côté de la plaque. “L’an dernier, au final, il n’y a eu que quelques soucis en bio mais sinon tout le monde avait sa place. Le problème est surtout qu’il y a plus d’élèves alors que le nombre de postes d’enseignants n’a pas augmenté depuis 2009, obligeant à recruter de plus en plus de vacataires. Il convient aussi de garder un baccalauréat qui joue son rôle pour permettre d’accéder à l’université, et ne soit pas donné au terme d’un contrôle continu!”
Au sein de la faculté d’économie et de gestion, on s’est creusé les méninges pour multi-paramétrer le choix, en ajoutant une pondération en fonction des lycées. “Les notes de contrôle continu communiquées par les lycées sont abaissées pour les lycées les plus « gentils » avant d’en inférer des résultats virtuels au bac, déplore l’un des enseignants de la composante. Un lycéen qui aurait fait deux premiers trimestres médiocres, a fortiori si c’est dans un lycée jugé « trop gentil » par les économètres, n’a aucune chance d’être retenu en économie-gestion à Créteil, même si au final il obtient une mention bien au bac ! Car comme chacun sait, les économistes ne se trompent jamais et les modèles peuvent tout prévoir !”, poursuit le professeur, qui met en cause le système Parcoursup dans son principe. “Le traitement des candidats sera profondément inégal non seulement d’une université à l’autre, mais à l’intérieur d’une même université d’une composante ou d’un département à l’autre. Et ces inégalités resteront masquées, puisque personne ne dévoile quel est l’algorithme par lequel il a remplacé APB.”
En médecine encore, il a fallu passer du temps pour trier les 11 000 dossiers arrivés pour moins de 900 places. “Nous avons décidé de ne pas faire de distinction entre les lycées mais avons regardé les notes de mathématiques, sciences physiques, sciences naturelles, Français, en première et terminale”, explique le doyen de la fac de médecine de Créteil, Jean-Luc Dubois-Randé. Pour ce dernier, la nouvelle plate-forme ne changera pas tellement la donne au final mais a surtout donné plus de boulot en amont à chaque université. “Auparavant, nous avions un comité qui centralisait les demandes au niveau de la région et répartissait les étudiants dans chaque faculté en essayant d’équilibrer les bacs. Cette fois, il y a eu un effet doublon car chaque université a dû étudier des mêmes dossiers“, indique le doyen.
Tous les lycées n’ont pas non plus joué le jeu de la même façon
Au sein des lycées, tous les professeurs n’ont pas non plus joué le jeu Parcoursup, certains boycottant le principe. “Le dispositif Parcoursup a été intéressant lorsque les lycées ont joué le jeu, mais cela n’a malheureusement pas été le cas partout. Je ne comprends pas. Les professeurs veulent donner absolument leur avis en fin de seconde pour l’orientation en première mais en terminale, ils refusent de donner leur avis éclairé d’adulte qui ont connu les bancs de l’université, alors que cela a tout son sens”, estime une professionnelle d’un établissement du Val-de-Marne proposant des BTS. Au sein des lycées qui ont accepté la démarche, les appréciations sur les bulletins et celles pour Parcousup ont parfois divergé, donnant l’impression d’un message de sanction pour l’élève et d’argumentaire commercial vis-à-vis des établissements d’enseignement supérieur.
Le recteur de Créteil confiant
A l’occasion d’une conférence de presse donnée la semaine dernière, Daniel Auverlot, s’est montré très confiant dans l’amélioration attendue par le dispositif. “Au niveau académique, nous constatons cette année un nombre d’élèves plus élevé qui candidatent et qui formulent un nombre plus important de vœux. Ceci traduit une bonne appropriation de l’outil. Avec l’apport d’un professeur principal supplémentaire pour épauler les élèves notamment dans la formulation d’un courte lettre de motivation, les lycéens ont eu le temps de se poser des questions sur leur orientation et éviter ainsi de choisir un diplôme qui ne correspondrait pas à leurs attentes”, indique le recteur. “A l’exception de médecine, psychologie, droit et Staps, il n’y a pas de problème d’accès aux filières universitaires. Il y avait par exemple cette année sur l’ensemble du pays 154 000 places vacantes. Pour autant, il est peu probable qu’un lycéen obtenant 5/20 en histoire au baccalauréat ne parvienne à décrocher une licence d’histoire. Parcoursup a été conçu afin de favoriser la réussite des étudiants”, poursuit le recteur. A partir de l’année prochaine, 54 heures seront consacrées dès la seconde à l’orientation et les initiatives permettant aux lycéens de se familiariser avec les études d’après-bac vont être développées, promet-on au rectorat. “Tutorat, séances de renforcement, adaptation de la durée d’obtention du diplôme en fonction du niveau de l’élève… Jusqu’à présent, seuls quelques établissements d’enseignement supérieurs proposaient de telles modalités mais elles vont se développer de plus en plus puisque la tendance aujourd’hui est à l’individualisation des parcours”, souligne Christian Cuesta, conseiller enseignement supérieur au rectorat.
Résultats de ce tour de chauffe ce mardi à 18 heures sur Parcoursup.
Propos recueillis par Florent Bascoul et Cécile Dubois.
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