Parcoursup: le détail des quotas pour que les bacs S et ES ne trustent plus les BTS

C’est l’un des grands changements opérés à l’occasion du passage à Parcoursup en effet : la fixation de quotas minimum de bacheliers professionnels en BTS, pas seulement recommandés mais imposés et ancrés dans le système informatique. Si la fixation de seuils minimum par les recteurs avait été envisagée dès 2013 dans le cadre d’une loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, le changement n’a été que peu perceptible. Un rapport d’évaluation rendu en février 2015 faisait état d’une très faible progression du nombre de bacheliers pro en BTS et de bacheliers technologiques en DUT, en raison notamment de la réticence des établissements d’accueil inquiets d’une baisse du niveau d’exigence. Et le rapport de préconiser un accompagnement pédagogique renforcé et davantage de liaisons entre les enseignants pré et post-bac. Fin 2017, la situation ne s’était pas améliorée et le dernier bataillon des sans-formation fut essentiellement constitué de bacheliers professionnels, se retrouvant parfois dans une licence où il restait des places faute d’en avoir une dans le BTS correspondant à leur spécialité. “Les BTS et les DUT ont été conçus comme des filières professionnalisantes courtes mais ont été dévoyées de leur fonction principale au fil des ans, au point parfois de devenir des classes de prépa bis. 85% des étudiants poursuivent leurs études après un DUT, a ainsi rappelé Frédérique Vidal. “Je suis convaincue que vous conseillez d’abord les prépas, puis les BTS et DUT, puis les licences sélectives, puis les licences non sélectives. La conséquence, c’est que les élèves de bac professionnel se sont retrouvés à l’université alors que leur chance d’y réussir en fin de première année est de 2,5%! Il faut remettre les choses dans l’ordre!” 

C’est dans ce contexte que les recteurs d’Académie ont été invités à imposer des quotas plus importants cette année. “Nous avons fixé des seuils pour augmenter significativement la proportion des bacheliers professionnels en BTS“,  confirme le recteur de l’Académie de Créteil, Daniel Auverlot. Précisément, le seuil minimum de bacheliers professionnels a été fixé à 35% en moyenne, variant de quelques % à 100% pour les cursus très spécifiques comme la chaudronnerie. Voir ci-dessous le détail des quotas par type de BTS au sein de l’Académie de Créteil.

Pas de transparence sur les quotas

Ces quotas, adressés aux établissements d’accueil dans le cadre d’un arrêté officiel qui n’a même pas été mis en ligne parmi les circulaires rectorales, n’ont pas été communiqués à l’ensemble des futurs étudiants, contrairement aux quotas d’élèves boursiers et aux quotas d’élèves hors secteurs qui figuraient clairement dans les fiches de présentation de chaque formation. Ce changement des règles du jeu, variable d’une académie à l’autre, n’a donc pas pu être anticipé par les élèves ni leurs professeurs.

Au-delà de cet aspect, la professeure de S du lycée Arago a insisté sur le fait qu’un certain nombre de ses élèves se sentaient davantage confiants pour réussir un BTS plutôt que d’entrer à l’université. “Il manque des formations professionnalisantes pour les bacs généraux“, a reconnu sur ce point la ministre.

Accompagner les bacs pros au-delà des seuls quotas

Dans le cadre d’une expérimentation destinée à intégrer plus de bacs professionnels, ce-sont par ailleurs les chefs d’établissements du lycée où les bacheliers pro effectuent leur terminale qui donnent cette année leur avis pour intégrer tel ou tel BTS, et non le chef d’établissement d’accueil. “Nous avons découvert ces nouvelles règles du jeu en avril. Alors que nous avons toujours joué le jeu et fait des efforts pour intégrer un maximum de bacheliers professionnels, nous nous sommes vus imposer un quota encore plus important et des candidats dont les types de bac ne correspondaient parfois pas du tout à notre filière!” indique un professionnel d’un lycée accueillant des BTS. L’un des principaux obstacles à la valorisation des bacs professionnels aujourd’hui est surtout qu’un certain nombre de ces derniers ne correspondent à rien et qu’il y a en revanche des manques criants dans certains secteurs qui embauchent pourtant, comme par exemple l’informatique ou le développement durable”, déplore ce professionnel.

Reste également à donner toutes leurs chances aux bacs pro qui intégreront les types de BTS qui étaient jusqu’à présent plutôt occupés par des voies technologiques et générales. “Il aurait fallu penser aussi des Oui si en BTS, et pas seulement en licence, pour accompagner ces élèves, car certains sont très faibles. Sinon, ce-sont les BTS qui vont être dévalorisés“, ajoute encore ce professionnel de l’enseignement supérieur. “Il faudrait créer des classes préparatoires au BTS et DUT“, suggère Jeannick Le Lagadec, conseillère départementale LFI, qui était présente lors de la visite de la ministre. “En tant que membre du conseil d’administration de l’IUT de Créteil Vitry, je partage l’objectif d’accueillir plus de bacs professionnels sans en négliger la difficulté car ils n’ont pas eu les mêmes matières et n’ont par exemple pas suivi le même nombre d’heures de mathématiques, ce qui dans certaines filières nécessite un rattrapage”, motive l’élue.

L’apprentissage prisé, à condition d’avoir une entreprise d’accueil

Concernant les filière professionnalisantes, l’un des problèmes posés par les élèves à la ministre a aussi concerné la stratégie à adopter en matière d’alternance. Les cursus en apprentissage, prisés des élèves, dépendent en effet de leur capacité à trouver un employeur, ce qui n’est pas l’étape la plus facile. Lors de la table ronde engagée avec les élèves, une lycéenne a ainsi exposé son dilemme entre accepter une formation dans un établissement ne proposant pas l’alternance mais qui avait sa préférence en termes pédagogiques, et une formation dans un établissement qui proposait l’alternance, mais qu’elle ne souhaitait intégrer qu’à la condition “de trouver un patron”.  Pour Laurent Jeanne, conseiller régional LR qui était également sur place, il convient justement de généraliser l’apprentissage pour répondre aux demandes des élèves. “Sur ce sujet, je suis très inquiet de la réforme qui prévoit de transférer l’apprentissage aux branches professionnelles. En Ile-de-France par exemple, cela va fragiliser énormément le dispositif car 80% de nos CFA (Centre de formation en alternance) sont pluridisciplinaires et ne correspondent pas à une branche professionnelle en particulier. J’ai voulu aborder cette question avec la ministre mais elle a botté en touche”, regrette l’élu.

Des formations qui n’existent pas encore pour prolonger certains bacs pros

Une élève d’un bac pro sécurité s’est de son côté inquiétée qu’il lui soit difficile de trouver une filière appropriée car sa spécialité de bac pro était nouvelle. “Une excellente question!“, a reconnu la ministre.

Renforcer le -3 + 3

Les professeurs ont aussi fait remonter des difficultés lors des entretiens auxquels les établissements ont convié les candidats pro, faisant état de questions “déstabilisantes” pour les élèves. “C’est un problème que vous devez régler entre professeurs. Je voudrais que le “-3+3” ne soit pas seulement un slogan“, répond la ministre, qui plaide pour un rapprochement plus concret des professeurs de lycée et de l’enseignement supérieur.

Détails des quotas de bacheliers professionnels dans les BTS de l’Académie de Créteil

BTS de production

BTS services