Pérenniser les studios de cinéma rachetés à l’été 2017 par le promoteur Nexity et faire de la ville un pôle incontournable des métiers de l’image, tel est le défi de Bry-sur-Marne. Pour emporter la partie, la ville, qui n’est pas la seule sur cette thématique,
mise sur un projet multi-sites s’appuyant sur son histoire étroitement liée à celle de la photographie, de l’audiovisuel et du cinéma, équilibré économiquement par de la formation, des entreprises de la filière, de l’hôtellerie et de l’événementiel. Le maire, Jean-Pierre Spilbauer, en a donné les grandes lignes ce mercredi à l’occasion de l’inauguration des illuminations de l’ancienne propriété de Louis Daguerre, prochainement réhabilitée. Explications.
A Bry-sur-Marne, on se sent déjà à Noël depuis ce mercredi soir. L’ancienne propriété de Louis Daguerre, l’un des inventeurs de la photographie, est totalement illuminée et son parc animé de bulles féériques. Jusqu’au 18 novembre, exposition des daguerréotypes accompagnée de conférences des meilleurs spécialistes américains de cette technique, ateliers de réalisation de daguerréotypes, exposition de photographies de l’Ina (Institut national d’audiovisuel), ateliers, manège et stands forains pour les enfants, animations musicales et encore restaurant éphémère composeront ce temps festif. Télécharger le programme complet.
Rebaptisé Villa Daguerre, cet ensemble composé de trois pavillons entourés d’un parc, symbolise la stratégie économique et culturelle de la ville au tour de l’image. En léger surplomb de la Marne avec une jolie vue sur la rivière, la villa, qui accueillit un orphelinat et des établissements médico-sociaux avant d’être rachetée par la ville en 2010, doit constituer la porte d’entrée du pôle image, depuis le centre historique de la commune où se trouve également l’unique Diorama de Daguerre qui existe encore au monde, un magistral trompe l’œil installé dans l’église. Au programme de cette Villa Daguerre en devenir : activités artistiques locales, lieu d’écriture pour les scénaristes, espace d’accueil de séminaires professionnels, formations, pépinière d’entreprises, fab lab…
Le premier bâtiment à être réhabilité sera le pavillon Jules Bache qui sera opérationnel dès la rentrée de septembre 2019 pour accueillir les activités actuellement à Malestroit. Le budget de sa réhabilitation, de l’ordre de 1,4 millions d’euros, a été bouclé. Reste à financer le reste. La réfection complète est estimée entre 12 et 15 millions, calcule le maire. Une somme qui devrait être financée en partie par des subventions (Etat, région…) et un appel au mécénat. Des entreprises comme Porsche, General electric, Airbus… auraient déjà montré leur intérêt pour participer.
Au-delà de la villa, le maire conçoit son projet Daguerre sur 21 hectares, c’est à dire en s’appuyant sur les deux pièces maîtresses du puzzle situées sur les hauts de la commune : l’Institut national de l’audiovisuel (Ina) et les Studios de Bry, tous deux issus de l’ex ORTF.
Extension de l’Ina et accueil de tous ses étudiants à Bry
Du côté de l’Ina, tous les voyants sont au vert. L’Institut en charge d’archiver l’audiovisuel public français, mais aussi de former les professionnels, prépare une extension d’ampleur sur site. (Voir notre présentation en images du projet). Les permis de construire ont été signés et les travaux devraient s’achever en 2020. L’Ina, “déjà premier employeur de la commune avec ses 1000 salariés”, accueillera alors plusieurs centaines d’étudiants à Bry-sur-Marne et souhaite postuler en tant qu’université de l’audiovisuel et des métiers de l’image, se réjouit le maire.
Studios de Bry : un équilibre par l’hôtellerie haut de gamme ?
Du côté des Studios de Bry, essentiel au dispositif, l’affaire n’est pas simple, qui a déjà connu de nombreux rebondissements en raison du rachat successif des studios par des promoteurs pour finir dans le giron de Nexity. La proximité de Paris et d’une future gare du Grand Paris Express pèsent en effet sur le foncier, offrant de belles perspectives de valorisation. Une tendance qui n’est en revanche que moyennement compatible avec l’exploitation de studios de cinéma. Le gros avantage du site, sa proximité avec Paris qui permet à l’acteur Omar Sy d’y retourner en un quart d’heure de moto-taxi lorsqu’il tourne sur place, en fait aussi sa fragilité. Même si les PLU de Villiers et de Bry (les Studios sont répartis sur les deux communes) prévoient 100% d’activité économique sur le site, cela ne résout pas le modèle économique. Et la fin du bail, prévue en 2021, constitue un sujet délicat.”Les loyers européens des studios de cinéma sont très faibles en général”, rappelle Pascal Bécu, directeur d’exploitation des studios, opérés par Transpalux (racheté par B-Live en 2017). En Angleterre, qui attire un bataillon de tournages de films américains en raison d’une généreuse tax shelter (un crédit d’impôt) qui couvre aussi la rémunération des acteurs, les studios sont situés à quarante kilomètres de Londres. Impossible donc de conserver l’activité en faisant la culbute sur les loyers, d’autant que la France n’est pas la plus compétitive sur cette activité en termes de fiscalité même si l’augmentation du crédit d’impôt il y a quelques années a permis de récupérer une partie des tournages studio qui s’étaient délocalisés. “Nous aurons besoin de savoir à quoi nous en tenir en 2019 pour pouvoir nous projeter”, indique Pascal Bécu. Reste aussi la question des travaux : réfection ou reconstruction en plus grand ? La première option a la préférence de l’exploitant. “Les studios sont dans un bon état global. Le problème d’amiante ne concerne que les joints des porte coupe-feu”, témoigne le directeur des studios. Le problème de la reconstruction risque de fait de poser encore plus crûment le coût du foncier car quitte à reconstruire tout neuf, cela peut revenir moins cher de le faire plus loin. Pour attirer les entreprises prestataires, très nombreuses dans ce secteur, et les professionnels, la proximité immédiate de Paris reste pourtant un atout indéniable.
Entre la ville et le promoteur, les discussions sur le devenir du site n’ont pas encore abouti. “Aujourd’hui, nous arrivons à nous parler, nous comprenons chacun nos problématiques“, indique Jean-Pierre Spilbauer, qui reconnaît que “le coût du foncier rend l’équation économique difficile.” Alors que l’élu reste résolument hostile à des projets de logements sur place, l’équilibre économique autour de l’activité des studios pourrait venir non seulement des entreprises prestataires mais aussi de la “formation et de l’hôtellerie haut de gamme”, indique le maire de Bry. D’où la logique d’associer la Villa Daguerre qui constitue un lieu événementiel et professionnel complémentaire, chargé d’une symbolique historique forte. “Venir écrire son scénario à la Villa Daguerre, en étant à deux pas des studios où on va le tourner, a tout son sens“, défend l’élu qui entend jouer sur cet ancrage professionnel en l’élargissant à toutes les composantes de la filière image, de la formation à la recherche, de sa dimension artistique à ses applications en matière de santé, le tout dans un cadre agréable, en bord de la Marne.
Du côté de Nexity, une étude a été confiée depuis le début de l’année à Eric Garandeau, ancien président du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), pour évaluer les différentes options possibles. Ses conclusions devraient enfin être connues d’ici à la fin de l’année.
En attendant, la ville a préparé une large maquette des hauts de Bry, pour inviter à se projeter dans l’avenir. Y sont présentés les futurs 200 logements du secteur Plaine de jeux, le futur gymnase à côté du stade. Cette maquette, dévoilée au public à partir de ce jeudi 8 novembre à la ville Daguerre, a été conçue comme un puzzle de manière à pouvoir évoluer au fil du temps. Les pièces correspondant au secteur des studios de Bry restent à composer.
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