Chaque année en France, près de 223 000 femmes sont victimes de violences conjugales mais seulement 14% décident de porter plainte. Pour inciter ces femmes à recourir davantage à la justice, les pouvoirs publics du Val-de-Marne viennent de signer un protocole qui systématise les relations entre les commissariats et les services sociaux du département.
En 2017, 3500 plaintes pour violences ont été déposées par des femmes en Val-de-Marne, un chiffre en augmentation, et le département figure au cinquième rang national des appels de la ligne téléphonique d’urgence 39 19. Au cours de ces quatre dernières années, l’association Tremplin 94, spécialisée dans l’accueil et l’hébergement des victimes de violences conjugales, a vu son activité augmenter de 40%. Si la parole des femmes se libère, elles sont encore une majorité à taire les actes qu’elles subissent.
Les violences faites aux femmes ne sont aussi parfois que la partie visible et répréhensible de situations d’extrême précarité (financière, sociale et affective). L’action sociale et judiciaire sont les deux jambes sur lesquelles reposent la reconnaissance des femmes en tant que victimes et leur reconstruction. Dans le département, des réseaux locaux composés d’associations, de services sociaux et de policiers référents conjuguent leurs efforts pour assurer une prise en charge complète des victimes.
“Parfois, ces femmes nous sollicitent pour autre chose et nous nous rendons compte qu’il est aussi question de violences. Alors, nous les accompagnons sur la verbalisation des actes qu’elles ont subi. Nous veillons également à les sécuriser immédiatement par le biais de l’hébergement d’urgence ce qui n’est pas toujours facile parce qu’il faut accepter l’éloignement géographique”, explique Sophie Mordelet, responsable de l’Espace départemental des solidarités de Gentilly qui couvre également les communes du Kremlin-Bicêtre et d’Arcueil.
Pour permettre aux victimes de se rendre au commissariat pour la première fois, avant le dépôt éventuel d’une plainte, les EDS les adressent à des psychologues spécialisés en victimologie et psychotraumatologie travaillant dans les locaux de la police. “Contrairement aux psychologues des unités médico-judiciaire, tout ce dont nous parlons reste confidentiel. Nous travaillons sur l’état de la victime et tâchons de délier en terme judiciaire ce qui est normal de ce qui ne l’est pas”, résume David Blin, en poste au commissariat d’Ivry-sur-Seine.
A travers la signature de ce protocole inédit de prise en charge des victimes de violences, la préfecture du Val-de-Marne, le Conseil départemental et le parquet de Créteil souhaitent renforcer le maillage territorial de ce réseau d’aide aux victimes pour faciliter le partage d’information entre les différents acteurs qui interviennent dans des champs de compétence variés. “Avec ce protocole, nous inaugurons aujourd’hui un dispositif innovant mais aussi expérimental. Il devra être évalué durant les 6 prochains mois ce qui nous permettra de mieux nous adapter pour mieux répondre aux besoins. S’il est renouvelé, il sera ensuite présenté chaque année au conseil départemental de prévention de la délinquance qui pourra préconiser des amélioration et mieux adapter nos réponses”, précise Christian Favier, président du département.
“Il faut oser franchir la porte du commissariat avec la certitude que les faits donnent lieu à une sanction ainsi qu’à un accompagnement et un accueil bienveillant”, encourage pour sa part le préfet Laurent Prévost. L’année dernière, trois femmes ont perdu la vie en Val-de-Marne après avoir subi des violences. “Les violences conjugales ne doivent pas être un fait anodin, un fait du quotidien. Le chemin est encore grand mais cette mobilisation va permettre d’agir plus efficacement”, enjoint Laure Beccuau, procureure de la République de Créteil.
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