“Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.” La citation attribuée à Lavoisier (18ème) et à Anaxagore (philosophe grec) s’illustrera prochainement de manière spectaculaire au centre d’incinération des déchets de Créteil, qui prévoit d’en fabriquer de l’hydrogène pour les voitures, de l’électricité verte, de la chaleur pour le réseau urbain, de piéger du CO2 dans un puits et encore de faire pousser des tomates en serre, le tout bien-sûr en consommant moins d’eau et de gaz naturel, en créant des emplois locaux et en s’appuyant sur de l’ultra high-tech. Un rêve d’économie circulaire du 21 ème siècle… Explications.
C’est en 1976 que la ville préfecture a décidé de se doter d’un centre de traitement des déchets avec usine d’incinération, Créteil Incinération Energie (CIE), rue des Malfourches. Progressivement, le site devient intercommunal et est géré par Suez en délégation de service public accordée par le SMITDUVM (Syndicat Mixte Intercommunal de Traitement des Déchets Urbains du Val-de-Marne) qui regroupe 18 communes dont 11 du territoire Grand Paris Sud Est Avenir (Alfortville, Boissy-Saint-Léger, Bonneuil-sur-Marne, Chennevières-sur-Marne, Créteil, La Queue-en-Brie, le Plessis-Trévise, Limeil-Brévannes, Noiseau, Ormesson-sur-Marne et Sucy-en-Brie), 7 du territoire Paris Est Marne et Bois (Bry-sur-Marne, Champigny-sur-Marne, Fontenay-sous-Bois, Le Perreux-sur-Marne, Nogent-sur-Marne, Saint-Maur-des-Fossés et Villiers-sur-Marne) et une du territoire Grand Orly Seine Bièvre (Villeneuve-Saint-Georges).
Chaque année, 225 000 tonnes de déchets ménagers et 19 500 tonnes de déchets hospitaliers sont gérés par cette unité et contribuent d’ores et déjà à produire 110 000 MWh d’électricité, revendue à EDF, et 130 000 MWh thermiques injectés dans le réseau de chauffage urbain de Créteil. Les mâchefers (sous-produit de l’incinération), l’acier et l’aluminium sont également récupérés, notamment à des fins routières et pour les remblais.
Un marché de près d’1 milliard d’euros sur 20 ans
A l’occasion du renouvellement de la délégation de service public, Suez s’est allié avec EDF, via sa filiale Tiru pour voir les choses en grand, en mettant en service une troisième ligne de traitement, opérationnelle pour 2023, qui ajoutera une capacité de traitement de 107 000 tonnes aux 245 000 tonnes existantes. L’énorme contrat, remporté par une filiale Suez-Tiru, baptisée Valo’Marne, comprend ainsi la concession des travaux et l’exploitation de l’Unité de valorisation énergétique de Créteil pour une durée de 20 ans et un chiffre d’affaires cumulé d’environ 900 millions d’euros. En contrepartie de cet énorme marché de près d’un milliard d’euros, le délégataire a promis une réduction des coûts du traitement des déchets et un traitement plus écologique optimisant au maximum les possibilités de recyclage.
40 € d’économies par tonne de déchets traités
“Concernant les coûts, nous allons payer 40 euros de moins la tonne d’ordure ménagère dans toutes les villes concernées”,insiste Laurent Cathala, maire PS de Créteil.
Production de chauffage et d’électricité
Le tonnage supplémentaire contribuera ensuite à maintenir une production d’électricité extérieure à 80 000 MWh par an qui sera distribué à toutes les communes du syndicat pour leurs bâtiments communaux. La production de chaleur, elle, augmentera. 55 000 MWh thermiques supplémentaires seront ainsi injectés dans le réseau de chauffage urbain de Créteil, soit un total de 185 000 MWh, correspondant à 58% des besoins complets du réseau. 153 000 MWh seront également générés en direction du réseau de chauffage urbain de Vitry-sur-Seine, correspondant au chauffage de 22 000 foyers.
Création d’hydrogène pour les voitures
Au-delà de l’eau chaude et de l’électricité, l’usine d’incinération produira également de l’hydrogène en utilisant une partie de son électricité pour séparer les molécules d’hydrogène et d’oxygène de l’eau (H20), grâce à un partenariat avec Air Liquide, qui développe actuellement ses stations hydrogène pour les voitures. (voir l’ouverture de sa station à l’aéroport d’Orly fin 2017)
Un puits pour stocker le carbone
Autre installation connexe qui contribuera à produire de l’oxygène : l’installation d’un puits capable de piéger le carbonne du gaz carbonique (CO2) grâce à des micro-algues. Pour Suez, il s’agira du troisième puits de cette sorte en région parisienne.
Traitement sec des fumées pour réduire la consommation d’eau et de gaz naturel
Au-delà de l’augmentation de la capacité de production, des travaux, conduits de 2019 à 2021, doivent également permettre de passer d’un traitement humide à un traitement sec des fumées. Objectif : réduire la consommation d’eau de moitié, soit environ 50 000 m3 d’eau de moins chaque année, et réduire de 75% la consommation de gaz naturel.
Logistique fluviale
Côté logistique, l’opérateur promet aussi de transporter les mâchefers, représentent 20% des tonnages, par voie fluviale, pour limiter les camions, avec un quai de transfert à Champigny-sur-Marne.
L’usine geek
Maintenance en réalité augmentée, simulateur 3D pour tester la réactivité du personnel en cas d’incident, caméras intelligentes pour optimiser le temps d’attente des véhicules, système d’information partagée… le centre ambitionne également un rôle de vitrine en matière de nouvelles technologies.
La serre pour faire pousser les tomates
A défaut d’être la plus innovante des technologies mises en oeuvre sur le site, la plus visuelle sera la création d’une serre d’agriculture urbaine, très tendance, de 4500 m2, dans le voisinage immédiat de l’usine d’incinération, chauffée à basse température par celle-ci. De quoi faire pousser des tomates qui seront revendues dans le circuit local et communiquer au grand public sur la dimension économie circulaire du projet. Une porte d’entrée pédagogique qui bénéficiera d’un parcours dédié pour éduquer au développement durable et valoriser l’ensemble du site, avec démonstrations d’aquaponie, mur de déchets, lombricompost…
Emplois
Concernant l’emploi local, la ville de Créteil indique que l’exploitation de l’usine avec ses trois lignes, incluant les salariés et sous-traitants de Valo’Marne permanents, représentera 74 emplois. Les activités connexes (serre, hydrogène…) devraient également générer une dizaine d’emplois. 325 000 heures en insertion ont également été négociées sur les 20 ans d’exploitation, soit 16 250 heures par an. La réalisation des travaux, comprenant d’une part le passage du traitement humide au traitement sec des fumées de 2019 à 2021, puis le développement de la troisième ligne de 2021 à 2023, représente pour sa part un investissement de 130 millions d’euros sur 5 ans et devrait induire 260 emplois par an durant cette période, dont la moitié d’emplois directs sur le site.
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