Service public | Val-de-Marne | 20/12/2018
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Val-de-Marne : le mille-feuille du prix de l’eau et sa TVA en débat

Val-de-Marne : le mille-feuille du prix de l’eau et sa TVA en débat © Crazymedia

La question du prix de l’eau et de ses composantes a suscité un vif débat lors de la séance du Conseil départemental ce lundi 17 décembre, à l’occasion d’une hausse de la redevance départementale. L’ensemble des élus ont en revanche voté à l’unanimité pour réclamer la suppression de la TVA sur la facture. Eclairage.

Entre les coûts de la production et distribution d’eau potable, ceux de la collecte et du traitement des eaux usées, prélevées par les différents échelons des collectivités locales, mais aussi la contribution pour lutter contre la pollution, moderniser les réseaux, soutenir l’étiage des cours d’eau l’été ou encore maintenir les voies navigables, pas moins d’une douzaine de lignes s’empilent sur les factures d’eau, aussi compliquées à déchiffrer qu’un bulletin de paie. Et pour la dernière couche, un taux de TVA de 5,50% ou 10%, s’applique sur l’ensemble de l’addition.

Le cocktail du prix de l’eau

Pour assurer le circuit complet de l’eau, des rivières au robinet puis à son retour à la nature, il faut en effet la recueillir, la traiter pour la rendre potable, la distribuer via un ensemble complexe de réseaux capables de desservir toutes les habitations, collecter les eaux usées en vue de les traiter, et cette étape est menée à bien par différents acteurs, villes, départements, syndicats intercommunaux comme le Sedif (Syndicat des eaux d’Ile-de-France) pour l’eau potable et le Siaap pour l’assainissement. Ces deux composantes, distribution et production d’eau potable, et assainissement, représentent dans le département environ 1,2 €/m3 et 2 € /m3 en moyenne (cela dépend des villes, du syndicat d’appartenance, des taxes communales…), sans compter l’abonnement fixe d’une vingtaine d’euros.

Une troisième composante, qui représente environ 0,7 €/m3 d’eau consommée, ne concerne pas directement le traitement et la distribution de l’eau potable mais les problématiques liées à l’eau de manière plus globale. Une taxe, qui abonde le budget de l’agence de l’eau Seine Normandie contribue ainsi à lutter contre la pollution, et une autre, également versée à cette agence de l’eau, à la modernisation des réseaux. Une troisième, versée à l’établissement public territorial de bassin Seine Grand Lacs, finance le soutien d’étiage qui permet de maintenir le niveau des cours d’eau en cas de sécheresse en stockant l’eau dans des lacs réservoir au printemps. Au mois de juillet 2017, ces lâchers d’eau ont représenté près de 40 % du débit de la Seine à Paris et plus de 70 % sur la Marne médiane, indique l’établissement. La dernière taxe est versée à Voies navigables de France qui s’occupe de l’entretien des berges et de l’exploitation des cours d’eau comme mode de transport. Des investissements qui sont donc utiles, mais dont la corrélation directe de la taxe correspondante avec la consommation d’eau de chacun ne fait pas l’unanimité.  Dans le cadre de la lutte contre la pollution, le principe pollueur payeur voudrait que les premiers concernés, industrie ou agriculture, contribuent aussi, remarque Christian Métairie, maire EELV d’Arcueil et vice-président du département en charge de l’écologie.

En tenant compte de toutes ces composantes, le prix de l’eau moyen pour les villes du département tourne autour de 4,5 € – 5 €le m3 d’eau mais les prix diffèrent d’une ville à l’autre, en fonction notamment du montant des redevances communales et du délégataire, Sedif ou autre.  (Il est possible de consulter les factures type par ville pour les communes membres du Sedif).  Voir, pour exemple, une facture d’eau type à Vitry-sur-Seine. L’estimation moyenne couramment admise de consommation est de 120 m3 d’eau par ménage, soit une facture de 450 € à 650 euros par foyer en Val-de-Marne.

La hausse de redevance qui fait déborder le vase

Dans ce contexte, l’augmentation de 2% de la redevance départementale d’assainissement pour l’année 2019 a suscité un vif débat ce lundi lors de la séance plénière du Conseil départemental du Val-de-Marne. Cette redevance, en 2018, est de l’ordre de 0,55 euros le m3. Le groupe d’opposition LR, par la voie de son président Olivier Capitanio, a voté contre, observant que l’augmentation de cette redevance s’élevait à 10% sur 6 ans. “Cela représente 3,5 millions d’euros HT supplémentaires depuis 2013. On ne peut pas indéfiniment continuer à augmenter le taux de la redevance pour seule réponse“, a insisté l’élu. Vice-président MRC, Daniel Guérin, tout en acceptant de voter la taxe, a également réagi pour dénoncer les petites hausses régulières des différentes composantes du prix de l’eau qui finissent par alourdir la facture globale. “J’étais le seul à refuser l’augmentation de la taxe d’étiage la semaine dernière au CA des barrages réservoirs. J’entends que nous puissions avoir besoin d’argent pour l’assainissement mais cela doit s’inscrire dans une vision d’ensemble, en définissant une trajectoire pluriannuelle et en plafonnant le coût pour le consommateur”, a dénoncé l’élu.

Vases communicants des restrictions du budget

Nous ne baissons pas nos efforts de gestion, mais malgré les 300 millions d’économies sur nos charges de gestion, nous avons besoin d’investir. Or, nous subissons une baisse continue des subventions. Nous avons perdu 1,5 millions d’euros par an de la prime Aquex pour mieux exploiter les réseaux, a réagi Pierre Bell-Lloch, vice-président PCF en charge notamment de l’eau et de l’assainissement. Cette prime versée par l’agence de l’eau Seine Normandie pour aider les maîtres d’ouvrage à maintenir en conformité leurs ouvrages d’assainissement devrait diminuer progressivement pour disparaître complètement. Si cette baisse n’est pas compensée, le réseau va se dégrader de plus en plus. Certes, cela ne se voit pas… sauf le jour où cela déborde dans la salle de bain!” prévient l’élu. C’est que du côté des agences de l’eau, le budget a aussi pris un coup de rabot, en raison d’une hausse du prélèvement de l’Etat sur le montant qu’elles doivent percevoir via la redevance qui figure sur les factures. Début 2018, les présidents des différents comités de bassin ont du reste tiré la sonnette d’alarme, dénonçant un manque à gagner de 160 millions d’euros. Une diminution destinée à abonder l’Agence française de biodiversité, l’Office national de chasse et de la faune sauvage et encore les Parcs nationaux.  “On paie avec nos factures d’eau la réduction du permis de chasse ! Mais au final, c’est toujours le consommateur qui paie”, reprend Pierre Bell-LLoch, notant par ailleurs que l’eau reste le fluide qui a le moins augmenté ces dernières année. Concernant la demande d’une trajectoire pluriannuelle, l’élu explique que le principe de gestion est ne pas augmenter, et qu’il s’agit de mesures exceptionnelles liées aux baisses des autres ressources. “Le problème est que , hormis en 2018, il y a eu une augmentation chaque année depuis 6 ans. Il ne s’agit donc plus d’une exception mais d’un principe“, réagit Olivier Capitanio. Parce que la pression des baisses des autres ressources se poursuit chaque année, reprend le vice-président. “Le débat va plus loin que la simple augmentation de la taxe d’assainissement. l’eau constitue l’une des ressources les plus importantes pour la vie de tous les jours”, pose de son côté Christian Métairie, s’interrogeant en revanche sur le fait que chaque Français ne paie pas le même prix pour un m3 d’eau. Un point sur lequel intervient également le conseiller départemental et sénateur PCF Pascal Savoldelli, qui propose une tarification sociale de l’eau avec par exemple les 3 premiers m3 gratuits.

Du danger de laisser aller à vau-l’eau

C’est une obligation départementale d’assurer nos misions en matière d’assainissement. Ce que l’on ne fera pas aujourd’hui, on pourrait le regretter demain”, prévient pour sa part Hélène de Comarmond, présidente du groupe PS. “Mais je m’inquiète de la fragilité des agences qui ne peuvent plus accompagner les acteurs”, soulève l’élue. Et il n’y a pas que les agences qui voient leur budget corseté. “Le Siiap va aussi avoir moins de subventions”, anticipe Pierre Bell-Lloch, qui s’interroge sur les moyens qui seront mis à disposition pour rendre la Marne et la Seine baignable d’ici les jeux olympiques, pointant le gros travail qu’il reste à mener pour que les branchements eaux usées – eaux pluviales soient généralisés et correctement reliés de bout en bout. “Cela ne se fera pas sans moyens!

Au terme de ce débat, l’ensemble de la majorité a voté pour, le groupe LR et apparentés a voté contre le et groupe centriste s’est abstenu.

Voeu contre la TVA voté à l’unanimité

En fin de séance, un voeu déposé par Daniel Guérin a revanche mis tout le monde d’accord, pour réclamer la suppression de la TVA sur la facture d’eau potable, notant que cette taxe sur la valeur ajoutée, de 5,5% sur la partie production d’eau potable et 10% sur la partie assainissement, représente jusqu’à 8% de la facture totale. “La TVA est par nature un impôt direct pesant sur la consommation de biens ou services”, “les redevances auxquelles sont appliquées la TVA ne sauraient relever d’une telle définition“, pointe le voeu. Télécharger le voeu.

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