Fini les tickets de caisse froissés au fond des sacs à main. A Cachan, la startup Deewee a trouvé la solution pour les dématérialiser et même les personnaliser. Pour Ruoyun Liu, l’ingénieure à l’origine du projet, cette technologie doit permettre au commerce traditionnel de rattraper son retard sur les plateformes en ligne.
Cet article s’inscrit dans le cadre de la rubrique Histoires d’entreprises et d’entrepreneurs, rédigée grâce au soutien de la CCI du Val-de-Marne, pour donner à voir la géographie entrepreneuriale du département. Voir tous les articles publiés dans cette rubrique.
«Le ticket de caisse est le dernier contact entre le commerçant et son client. Une fois qu’il sort du magasin, c’est terminé. Alors que sur internet, une fois que vous vous êtes rendu sur un site et que vous avez suscité de l’intérêt pour un produit, vous recevez ensuite des publicités. C’est ce que l’on appelle du retargeting (ndlr : reciblage publicitaire). La dématérialisation du ticket de caisse permet d’utiliser cette technique au profit de commerçants», motive Ruoyun Liu, dirigeante et fondatrice de Deewee. En trois ans d’exercice, cette startup est parvenue à créer un dispositif compatible avec toutes les technologies de caisse, ce qui est rare. «Les fabricants ont conçu les caisses pour qu’elles ne soient pas interopérables. Dans la restauration rapide par exemple, c’est très visible. Quand UberEats, Deliveroo et les autres se déploient dans un restaurant, ils imposent chacun leurs propres tablettes et leurs imprimantes équipés de leurs logiciels pas toujours compatibles avec le système de caisse. C’est compliqué à gérer», explique la fondatrice. La société a donc fait breveter un boîtier sans contact qui se connecte à n’importe quel système de caisse via des systèmes de liaison au choix (USB, Bluetooth, Wifi,…). Les données du ticket de caisse sont ensuite envoyées sur le cloud de Deewee et récupérées par un téléphone ou une carte fidélité placée sur le boîtier. Sur le e-ticket, le consommateur retrouve sa liste d’achat mais également des promotions personnalisées. Le commerçant, lui, peut enrichir sa base de donnée clients pour de prochaines opérations commerciales.
De l’idée au produit
Avant de se lancer dans cette aventure, Ruoyun Liu a passé la majorité de sa carrière dans des sociétés de tailles diverses du secteur des télécommunications. Ingénieure de formation, elle a également assuré des fonctions de commerciale et c’est recherchant chaque mois ses différents tickets pour faire ses notes de frais qu’elle a pensé au e-ticket. L’envie de se donner un nouveau défi a fait le reste.
«Au cours de mes dernières expériences professionnelles dans des grands groupes, j’ai éprouvé un sentiment de gâchis parce que je trouvais que beaucoup de collaborateurs avaient des compétences formidables qui n’étaient pas mobilisées à 100%. C’est à ce moment là que j’ai éprouvé le désir de l’entrepreneuriat pour utiliser à fond ce potentiel.» A l’occasion d’un plan de départ volontaire, en 2013, Ruoyun Liu a donc décidé de quitter son employeur. Pour se former à la création d’entreprise, elle a d’abord suivi les formations de l’association CRA (Cédants et Repreneurs d’Affaires), spécialisée dans la reprise et transmission d’entreprise, dans le but de reprendre une affaire. «C’était très intensif. Je me suis formée au financement, aux aspects juridiques et j’ai appris à concevoir un business plan. Au bout de la formation, j’ai décidé non pas de reprendre mais de créer mon entreprise.»
Avant même la création de la société en novembre 2015, Ruoyun Liu a conscience qu’elle doit protéger sa technologie et dépose un brevet de son concept auprès de l’Inpi (Institut national de la propriété intellectuelle) d’abord pour la France puis pour l’Europe et les États-Unis. Elle peaufine ensuite la solution technique tout en menant des études de marché auprès des commerçants. «Concevoir le boîtier, le cloud, une application mobile, c’était techniquement conséquent. Je me suis donc rapidement entourée d’associés qui disposaient chacun d’une expertise dans les domaines qu’il était nécessaire de maîtriser pour élaborer le produit, tout en restant majoritaire. Nous nous sommes consacrés pendant trois ans à la recherche et au développement. Si j’avais su que cela prendrait autant de temps, je n’aurais peut être pas choisi de faire cela. C’est frustrant de devoir patienter autant avant le lancement commercial – en se payant difficilement», confie-t-elle. Entre-temps, d’autres collaborateurs la rejoignent dans les locaux de l’incubateur de l’école d’ingénieur Esme Sudria de Paris Sud Ivry-sur-Seine.
Premiers marchés à l’international
Désormais, Deewee dispose d’un produit prêt à être commercialisé et se saisit de toutes les opportunités qui s’offrent pour se faire connaître. D’ores et déjà, une dizaine de boîtiers vont être testés dans une chaîne de supermarchés aux États-Unis dans les semaines à venir. Une étape préalable qui devrait se concrétiser par une commande importante. La jeune pousse continue également de tisser son réseau sans négliger aucune opportunité. «Parfois, on s’imagine que les entreprises qui travaillent dans son secteur ne sont là que pour nous manger mais en réalité, on peut collaborer. C’est ce qu’il s’est passé avec un fournisseur australien qui a trouvé dans notre solution ce qu’il cherchait depuis des années. Il va ainsi nous donner un coup de pouce en nous faisant bénéficier du réseau qu’il a déjà construit», se réjouit la cheffe d’entreprise.La Chambre de commerce et d’industrie de Côte-d’Or compte également sur Deewee pour redynamiser le commerce dans les cœurs de ville en utilisant la solution e-ticket de la startup pour faire du “crosscouponing” et permettre par exemple aux poissonnier de faire sa publicité chez le caviste situé en face de son magasin.
Dans le Val-de-Marne, Ruoyun Liu bénéficie du programme Sup’Excellence proposé par la CCI 94 pour accompagner les entrepreneures dans le démarrage de leur entreprise, notamment dans les dimensions commerciales que managériales. Immatriculée à Cachan, la société a d’abord été accueillie par l’incubateur de l’Esme Sudria d’Ivry et s’apprête désormais à rejoindre le premier incubateur français dédié à l’expérience client omnicanale, D3, développé par Paris&Co, l’Agence de développement économique et d’innovation de Paris, dans les locaux de la Française des Jeux à Boulogne Billancourt.
https://www.deewee.net/fr/
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