Cette semaine, le plasticien allemand Gunter Demnig a fait une halte par Fontenay-sous-Bois pour poser dix nouveaux “Stolpersteine”, des pavés dorés signalant la présence de déportés. C’est l’une des rares villes de France à avoir choisi d’honorer ainsi la mémoire de ses victimes.
Depuis lundi, sur le trottoir étroit de la petite rue Mailler à Fontenay-sous-Bois, l’éclat doré d’un petit pavé attire le regard des passants. C’est ici que vivait Ida Lévine, une enseignante de gymnastique, née en France de parents originaires de Russie, qui fut dénoncée comme «juive, communiste et gaulliste» par un courrier anonyme adressé à la police française. Arrêtée, elle fut ensuite internée à la prison des Tourelles à Paris comme résistante, avant d’être envoyée au camp de Drancy puis à Auschwitz où elle mourra en septembre 42.
Des pavés comme celui-là, Fontenay-sous-Bois en possède une vingtaine. Ils sont l’œuvre de l’artiste allemand Gunter Demnig qui en a posé près de 70 000 depuis 2009 dans une vingtaine de pays d’Europe. A l’invitation de particuliers, d’associations ou de collectivités et moyennant une centaine d’euros par pavé, l’artiste se rend devant les lieux où résidaient les personnes honorées, lorsqu’ils sont connus, et pose le “Solperstein” (ce terme germanique peut se lire comme pierre d’achoppement, ou pierre sur laquelle on trébuche) après s’être fait un peu de place au marteau-piqueur, au burin ou à la scie à pierre. Au préalable, le plasticien grave dans son atelier le nom des déportés et quelques dates sur une plaque en laiton qu’il scelle sur le pavé.
A Fontenay-sous-Bois, la mémoire de la Déportation est entretenue depuis plusieurs décennie grâce à l’action de rescapés, de leurs familles et d’associations. L’imposant mémorial de la Liberté sur la place des Martyrs de la Résistance en offre un témoignage depuis son inauguration en 1981. Depuis, les recherches historiques, l’exploitation des archives et le recueil de nouveaux témoignages ont permis de retrouver la trace de dizaine d’habitants dont les noms sont depuis venus s’ajouter sur les plaques ornant l’angle du cimetière municipal.
Objectif de 160 stolpersteine et un mémorial virtuel
C’est lors d’un voyage à Berlin que Loïc Damiani, adjoint au maire de Fontenay et historien a découvert ces pavés. «Avec le maire, nous avons décidé de marquer chaque endroit où avaient vécu ces déportés. Le but des nazis étaient de faire disparaître ces juifs, ces résistants, ces opposants. C’est une manière de leur rendre hommage en permettant aux habitants actuels de s’approprier leur mémoire. L’autre jour par exemple, un petit enfant a passé son doigt sur un pavé et réclamé des explications à sa maman.»
La ville a déjà recensé entre 160 et 170 déportés. L’adresse d’une bonne moitié d’entre eux est connue et dans les années à venir, de nouveaux pavés dorés devraient venir marquer leur présence. Quid des déportés pour lesquels les sources restent muettes sur le lieux exact où ils vivaient ? Un lieu incontournable du Fontenay-sous-Bois d’avant-guerre serait l’esplanade de l’ancien hôtel de ville suggère Loïc Damiani.
«Il y a maintenant deux ans, nous avons également réalisé un mémorial virtuel pour les 620 soldats fontenaysiens de la première guerre mondiale morts au combat sur le site des archives municipales, chacun avec une petite biographie. Nous souhaitons au cours des prochaines années faire la même chose pour la seconde guerre mondiale avec les soldats de 40, les combattants de la Libération, les fusillés et les déportés. Comme on ne peut pas écrire beaucoup d’informations sur ces petits pavés, ce sera l’occasion pour les gens qui veulent en savoir davantage de se reporter à cette base de données.»
Pourquoi si peu de pavés de la mémoire en France ?
A Berlin où vit l’artiste plasticien Gunter Demnig, 8000 Stolpersteine ont été scellés dans les rues de la capitale. A l’inverse, l’ensemble du territoire français n’est jalonné que de quelques centaines de pavés dorés et Paris en est totalement dépourvue ! «L’histoire de la Déportation en France a longtemps été taboue parce qu’en majorité, les juifs, les résistants et les opposants politiques ont été arrêtés par la police française dans le cadre de la collaboration de l’État français. Depuis, le président Chirac a reconnu un certain nombre de responsabilités, il y a eu le procès Papon, des avancées importantes ont été réalisées et la situation est moins tendue puisque la plupart des protagonistes de cette époque sont maintenant décédés», analyse l’élu historien.
Fontenay-sous-Bois compte encore deux survivants de la Déportation.
Ces “pierres d’achoppement” font référence au dicton d’avant la seconde guerre mondiale « il y a sûrement une personne juive enterrée ici » que prononçait une personne non juive quand elle trébuchait sur une pierre.
Elles sont la preuve de la présence historique des juifs en Europe. Ce symbole, simple pavé, remet ainsi les victime de la barbarie nazie à la place qui était la leur : dans la cité parmi les autres citoyens.
Très belle initiative.
Le devoir et le travail de mémoire doivent faire en sorte que ces pensées nauséabondes ne deviennent jamais majoritaires.
Le coût de 120 € comprend l’achat du matériel, la fabrication de l’objet, le déplacement et l’installation. Il est bien entendu que la totalité des 120 € ne va pas directement dans les poches de Gunter Demnig .
Ces “pierres de mémoire” sont acquises par différents donateurs et parrains dont de nombreuses associations juive et/ou personnes de confession juives.
Ces pierres permettent, à leur petite échelle, que les victimes ne soient pas oubliées (contrairement à ce que souhaitaient les nazis qui déshumanisaient leurs victimes en leur attribuant des numéros).
Quand on ne sait pas faire la différence entre un chiffre d’affaires et un bénéfice, on évite de tenir des discours sur l’enrichissement présupposé de l’un ou de l’autre, car on a la garantie de raconter n’importe quoi.
Le Prétorien veut dire qu’il ne faut pas entretenir la mémoire de la Shoa …
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