M-E-R-C-I. C’est lorsque ces cinq lettres se sont affichées sur un écran d’ordinateur que Leslie Marel a réalisé la prouesse qu’elle avait accompli avec son mari. Pendant huit mois, un couple de Fresnois a conçu, durant leur temps libre, un outil pour permettre à une femme souffrant de la maladie de Charcot, une pathologie neurodégénérative, de pouvoir utiliser de façon autonome et ergonomique ordinateur, tablette ou smartphone. Une entreprise est née : Biomarel. Portrait.
Cet article s’inscrit dans le cadre de la rubrique Histoires d’entreprises et d’entrepreneurs, rédigée – en toute indépendance – grâce au soutien de la CCI du Val-de-Marne, pour donner à voir la géographie entrepreneuriale du département. Voir tous les articles publiés dans cette rubrique.
L’histoire commence de manière fortuite alors que Leslie Marel, chercheuse en génie biologique, rend des petits services informatiques. Alors qu’elle est venue aider un usager à paramétrer son adresse mail, elle fait connaissance avec sa femme, alitée dans le salon. «Elle était atteinte de la maladie de Charcot et son mari voulait lui permettre de communiquer via un ordinateur. Il m’a montré tout un carton plein de produits électronique qu’il avait achetés mais dont il était insatisfait car il fallait par exemple un appareil pour faire bouger la souris et un autre pour cliquer», se souvient l’entrepreneure. Commencent alors de longues soirées et des weekends avec son mari, Jonathan, ingénieur en électronique, pour trouver la solution. A force de se creuser les méninges, le couple imagine un petit dispositif fixable sur une paire de lunette ou un serre-tête pour détecter des mouvements via un gyroscope et des capteurs adaptés en fonction des capacités physiques de l’utilisateur. Le contrôle peut ainsi s’effectuer par un froncement du sourcil, une pression du menton ou un souffle. Il est également possible de régler la sensibilité des capteurs. «Au départ, nous l’avons vraiment conçu pour cette dame. C’était du sur-mesure et lorsqu’elle est parvenue à écrire “Merci”, nous avons réalisé que cela pourrait servir à d’autres personnes dans des situations similaires», explique Leslie Marel qui rencontre ensuite des associations d’aide aux personnes handicapées. «Toutes les personnes que j’ai rencontré ont insisté sur le manque d’ergonomie des outils existants, de leur coût important (de 3 à 4000 euros en moyenne) et de leur complexe technicité», poursuit-elle.
Le réseau fait la force
Petit à petit, le dispositif, baptisé BM Connect, se perfectionne. Initialement filaire, l’équipement d’à peine 22 grammes se connecte désormais par Bluetooth. Mais tout cela prend du temps et le projet, d’abord mené en dilettante, s’impose peu à peu comme une activité professionnelle. L’entreprise Biomarel est créée en mai 2018. «Il m’a fallu un an pour créer l’entreprise tout en poursuivant mon activité. Mon parcours ne m’avait pas préparée à cela et j’ai cherché à m’entourer. J’ai d’abord rejoint l’accélérateur d’entreprises innovantes Wilco qui m’a aidée à créer mon business plan et notre stratégie commerciale». Un premier coup de pouce qui lui permet d’obtenir un prêt d’honneur. «Avec le prêt d’honneur, on vous parle souvent de l’effet de levier mais cela a été très difficile d’obtenir des financements de la part des banques parce qu’il leur faut des chiffres, de beaux business plan, et pouvoir comparer avec les chiffres d’affaires réalisés par les entreprises concurrentes. Or, dans l’innovation, il n’existe pas ce genre d’indicateurs.»
Progressivement, BM Connect gagne toutefois en visibilité grâce aux retombées médiatiques suite à la participation de la jeune pousse aux trophées de l’entrepreneuriat féminin d’Île-de-France, Créatrice d’avenir. Leslie Marel s’appuie aussi sur les forums spécialisés pour communiquer auprès de son public cible et faire tester son produit. A l’automne 2018, la fondatrice quitte son emploi pour s’investir à temps plein dans le développement de l’entreprise qui prend ses quartiers à Ivry-sur-Seine, dans la pépinière Silver Innov qui accompagne les startups qui proposent des solutions pour les personnes très âgées. De quoi contribuer à tisser un réseau professionnel solide. Autre coup de pouce, celui de la CCI du Val-de-Marne, qui intègre la jeune entrepreneure dans son nouveau programme Sup’Excellence.
Objectif : 1000 unités fabriquées par an puis cap à l’international
Depuis, la troisième version du BM Connect a été réalisée et validée par les tests utilisateurs. C’est ce produit multifonction équipé d’un logiciel développé en interne qui sera mis sur le marché d’ici quelques semaines. D’ores et déjà, des dizaines de pré-commandes ont été enregistrées. «Nous envisageons de faire de la vente directe avec des maisons d’accueil spécialisées, des hôpitaux, des professionnels du handicap et dans un second temps directement auprès des particuliers. C’est un dispositif que nous vendons au prix de 999 euros, ce qui est très compétitif. Notre cahier des charges fixe une prise en main en moins d’une heure et en cas de problème, un technicien se déplace et peut même former les aidants moyennant un forfait de 149 euros par an.»
Pour l’heure, la société produit ses appareils grâce à des imprimantes 3D et délègue l’électronique à un fournisseur. Cette organisation doit permettre à l’entreprise d’atteindre un rendement de 1000 unités produites par an. Au-delà, elle externalisera également l’assemblage mécanique tout en conservant la maîtrise de la partie logiciel afin de se protéger du pillage industriel.
«A présent, nous allons nous laisser un an pour nous attaquer le marché français dans sa globalité. A partir du dernier trimestre 2020, nous souhaitons nous lancer à l’international notamment en Allemagne, Suisse et Belgique où nous avons déjà noué quelques contacts», se projette Leslie Marel qui pense déjà au prochain produit que sa société pourrait développer d’ici à trois ans, un dispositif pour permettre aux personnes amputées de contrôler leurs prothèses et d’éprouver la sensation du toucher !
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