«Nos contrats sont précaires, et beaucoup n’osent pas parler : ils se disent ‘si on parle, on risque de ne pas renouveler notre contrat ou d’être mal vus », témoigne Rama, assistante d’éducation pour les élèves en situation de handicap (AESH) et mère d’un petit Riyad, 8 ans, lui-même concerné.
Ce mercredi, une quarantaine d’AESH sont venus manifester devant le rectorat de l’académie Créteil, soutenus par la fédération de parents d’élèves FCPE et six syndicats, CGT Educ’action, SNUipp-FSU, SNES-FSU, Sud Education, FNEC-FP FO et UNSA et d’élus de la France insoumise comme la députée Mathilde Panot.
« Sur l’académie, nous avons pu recenser au moins quinze situations d’enfants non accompagnés, voire non scolarisés, faute d’AESH, explique Magalie Trarieux du Snuipp-FSU 94. D’autres élèves n’en bénéficient qu’à temps partiel.”
Depuis la circulaire école inclusive de juin 2019, les accompagnants sont passés du statut de contrat aidé AVS (auxiliaire de vie scolaire) en CDD de 3 ans puis CDI sous le nouvel acronyme AESH (Accompagnants des élèves en situation de handicap), qui prévoit également une formation dédiée. Hassina, elle, ne voit pas la différence : « Cela ne change rien. Nous n’avons toujours pas de statut, ce n’est même pas un métier : nous ne sommes que des missionnaires», regrette-t-elle. « Qui dit pas de statut, dit pas de fiche de poste, donc pas de définition de ce qu’on doit faire ou pas », poursuit Rama. « On peut nous demander des choses qui ne sont pas forcément dans nos attributions comme changer un enfant alors qu’on n’est pas sensé le faire », approuve sa collègue Sarah. Difficile alors de ne pas faire preuve d’empathie face à « des enfants en situation de handicap et des équipes éducatives surbookées ».
Les AESH réclament aussi plus de formation car peu peuvent réellement effectuer les 60 heures qui leur sont normalement accordées. « Souvent, les AESH, sans formation, sont jetées dans les écoles, s’emporte Rama. Ce n’est pas pour rien que j’emploie ce mot : c’est violent non seulement pour elles, mais aussi pour les enfants qu’il s’agit d’accompagner en fonction de leurs spécificités. »
Inquiétudes sur la mutualisation
Cette circulaire recommandait également la création de PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisés), une nouvelle forme de coordination des AESH, désormais regroupés par établissements scolaires, en lien avec le médico-social. Objectif : mieux coordonner. Sur le terrain, on s’inquiète des mutualisations. « Il y a des enfants qui ont besoin de routine, notamment s’ils ont des troubles autistiques. Lorsque vous avez une mutualisation des heures, un enfant peut connaître jusqu’à quatre AESH pour un temps notifié de 24 heures. Cela va à l’encontre des recommandations de la Haute Autorité de la Santé», alerte Salem Belhouas, 46 ans, enseignant, président d’une association de défense des enfants en situation de handicap, DMPS94 (Différent mais pas soumis), et père d’un petit garçon atteint d’un trouble génétique qui se manifeste par des troubles de la concentration, une hyperactivité et une anxiété généralisée. Son fils est désormais scolarisé à la maison.
Pour lui, l’État doit se doter d’instances pour contrôler ce qui se passe au niveau des établissement. « Car si l’établissement décide que l’enfant n’aura pas le nombre d’heures [d’AESH] qui est notifié, c’est la double sanction : si l’enfant n’a que douze heures au lieu de vingt-quatre heures, il ne vient à l’école que douze heures, déplore-t-il. On se vante d’avoir un taux de 84% d’enfants [en situation de handicap] qui sont scolarisés. Mais sur quel taux horaire ? »
700 euros par mois, ça ne suffit pas
Autre motif de colère : les rémunérations, qui, en raison du temps partiel, plafonnent autour de 700 euros. La cinquantaine, Mohammed raconte avoir été professeur pendant trente ans, dont dix-sept au Maroc, puis douze années en France en tant que qu’enseignant de langue et culture d’origine (ELCO). Arrivé au terme de son contrat, il s’st tourné vers le métier « le plus proche » qu’il ait pu trouver, comme AVS en contrat aidé (AVS CUI). Désormais AESH, il s’occupe de deux enfants. « Avec eux, cela se passe très bien mais je ne gagne à peine plus de 700 euros. Je suis obligé de donner des cours d’arabe et de travailler à la cantine. »
« Mon salaire est de 718 euros, pour 21 heures par semaine. Avec mes heures à la cantine, je peux gagner presque 900 euros les bons mois, explique l’une d’entre elles. Mais en ce moment, avec les vacances, je ne touche quasiment rien. Heureusement que mon mari travaille. » Claudine et Nadina, AESH en Seine-et-Marne, ont, pour leur part vu leurs heures brusquement passer de 27 à 29 heures hebdomadaires, sans augmentation proportionnelle de leur salaire. « Ils ont pris comme prétexte la circulaire, qui prévoit que les AESH travaillent 41 semaines par an, et de là en ont déduit les heures supplémentaires que cela représentait », explique Claudine, dubitative.
Nouveau rassemblement le 20 novembre
Un nouveau rassemblement est d’ores et déjà prévu le 20 novembre au niveau de l’académie. “Une date symbolique, pointe la présidente de la FCPE Val-de-Marne, Nageate Belahcen. Car elle correspond à la journée de la convention internationale des droits de l’enfant.”
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