Ambiance festive à l’aéroport d’Orly ce jeudi 18 avril. D’un côté la liesse de l’inauguration du bâtiment de jonction Orly 3 par le Premier ministre, la ministre des Transports et le président d’Aéroports de Paris. De l’autre des centaines de manifestants contre la privatisation d’ADP.
Après quatre ans de travaux et 385 millions d’euros d’investissement, les deux aérogares d’Orly ne forment plus qu’un seul et même terminal, reliées par un bâtiment tout neuf de 80 000 m2. Mur d’eau monumental, larges verrières, végétation et équipements à foison, cette jetée de 80 000 m² doit permettre d’accueillir 3,5 millions de passagers annuels supplémentaires en leur offrant un confort et une fluidité digne des grands aéroports du monde. Pour Augustin de Romanet, président du groupe ADP, cette métamorphose vise à renouer avec le prestige d’Orly dans les années 60, lorsque l’aéroport recevait plus de visiteurs que le château de Versailles et qu’il inspirait des chansons populaires. «Cet aéroport est héritier d’un imaginaire riche et foisonnant, symbole d’un temps maîtrisé et d’une modernité renouvelée. Nous avons voulu renouveler la promesse du général de Gaulle, qui, le 23 février 1961, inaugurait le terminal Sud en ces termes : en révélant cet imposant travail, nous nous donnons nous-mêmes comme capables non seulement de vivre notre siècle, de le marquer et de le conduire.»
Le Premier ministre, Édouard Philippe a pour sa part rappelé le concours de l’État pour l’amélioration de la desserte de l’aéroport avec notamment le prolongement de la ligne 14 Sud en cours de travaux. Le chef du gouvernement a aussi souligné le renforcement d’effectifs pour réduire le temps d’attente des passagers étrangers à la douane. Concernant les nuisances pour les riverains, il a par ailleurs indiqué que le ministère des Transports était en pleine réflexion sur des mesures visant à sanctionner les compagnies aériennes ayant recours aux avions les plus bruyants. Impossible non plus de ne pas faire allusion à la privatisation du groupe ADP, voté dans le cadre de la loi PACTE la semaine dernière mais suspendu à la saisine du conseil constitutionnel dans le cadre d’une procédure de référendum d’initiative partagée. «Je comprends parfaitement les inquiétudes mais je crois que l’on peut éviter les caricatures, cette décision reflète de notre part la volonté de redéfinir la place de l’État avec l’entreprise dans l’économie française. Le rôle de l’État, c’est de défendre les services publics et les intérêts économiques stratégiques. 75% du chiffre d’affaire de l’aéroport relève de son activité commerciale. Le seul aspect stratégique de ce lieu, c’est la frontière.»
«Nous sommes fiers de notre aéroport. Pourquoi devrait-on le vendre ?»
Une position pas vraiment partagée à l’extérieur du nouveau bâtiment où s’étaient rassemblés plusieurs centaines de manifestants pour protester contre la privatisation de l’aéroport, incluant aussi bien les parkas orange des agents d’Aéroport de Paris que les drapeaux des organisations syndicales. «Habituellement nous ne nous bougeons pas lorsqu’il y a des appels à la grève, mais cette fois, il était important que l’on se fasse entendre. C’est beaucoup trop important. Nous sommes fiers de notre aéroport. Personne n’a notre savoir faire. Pourquoi devrait-on le vendre ?», s’interroge une cadre-ingénieur non syndiquée. «Depuis 2006 et l’entrée en bourse d’ADP, nous avons déjà vu nos conditions de travail se dégrader. Les jeunes en ont moins conscience mais nous le vivons au quotidien. En maintenance, ils ne remplacent plus les départs en retraite. C’est quand même nous qui nous assurons de la sécurité du bâtiment ! Ce serait sûrement pire si l’actionnaire majoritaire était une société», redoute un technicien de maintenance. En première ligne depuis le début de la mobilisation dès 2017 et les premières déclarations évoquant une privatisation, Isabelle Bigand-Viviani de la CGT Orly savoure cette forte participation. «Nous voulions être de la fête parce que l’ouverture du bâtiment de jonction est une bonne nouvelle en soi. Mais dans ce contexte, c’est comme s’ils voulaient rendre la mariée plus belle pour la vente. La participation que l’on a pu observer aujourd’hui témoigne d’une détermination à faire reculer le gouvernement sur cette privatisation.»
«Ce n’est plus un président, c’est un commissaire-priseur !»
De nombreux élus de gauche ont également pris part à cette manifestation, à l’instar du candidat tête de liste communiste aux élections européennes, Ian Brossat, en tournée dans le Val-de-Marne ce jeudi. «Emmanuel Macron veut vendre les Aéroports de Paris, Engie, la Française des Jeux. Ce n’est plus un président, c’est un commissaire-priseur ! Leurs arguments sont inaudibles. Toutes les privatisations se sont soldées par des catastrophes. Ils faut parler davantage de ce qu’il s’est passé avec l’aéroport de Toulouse. Vendu à des actionnaires Chinois qui quatre ans plus tard ont revendu leurs parts pour faire une plus-value». Le président PCF du Conseil départemental du Val-de-Marne, Christian Favier, les sénateurs Pascal Savoldelli et Laurence Cohen, le député insoumis Eric Cocquerel, le conseiller territorial MRC Jean-Luc Laurent, ainsi que la maire PCF de Chevilly-Larue Stéphanie Daumin se sont également exprimés tour à tour. Saisi par les parlementaires, le conseil constitutionnel doit maintenant décider s’il autorise l’organisation d’un référendum sur la privatisation. Pour de nombreux élus, les juges n’ont aucune raison de le refuser et Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris insiste. «Il faut que les juges du conseil constitutionnel entendent notre message. Ils sont les garants du bon fonctionnement de la République. Ils doivent nous laisser la possibilité de nous exprimer. Stop aux mauvais coups en catimini». De son côté, Didier Gonzales, maire LR de Villeneuve-le-Roi a réagi à l’inauguration via un communiqué, dénonçant,lui, l’augmentation des capacités de l’aéroport, s’inquiétant notamment du projet de CRE (contrat de régulation économique) qui permettrait d’accueillir 39 millions de passagers. «Cette hausse du trafic a une incidence directe sur le cadre de vie, la santé et la sécurité des riverains d’Orly (500 000 personnes survolés à basse altitude). Car ADP développe le trafic voyageurs par l’utilisation accrue d’avions très gros porteurs, beaucoup plus polluants et plus bruyants que les avions moyen-porteur. A titre d’exemple, ces gros porteurs qui représentent 9 % de la flotte d’Orly, génère au décollage 25 % des nuisances sonores. Ce sont eux aussi qui émettent le plus d’oxydes d’azote (Nox) – Orly est ainsi l’équivalent du périphérique parisien pour les émissions de ces gaz)», s’agace l’élu.
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Orly 3 en chiffres
• 6 000 m² de hall public
• 60 banques d’enregistrement classiques réversibles,
• 12 postes d’inspection filtrage,
• 5 000 m² d’espaces commerciaux dont 1 500m² dédiés à la restauration;
• 7 500 m² de salles d’embarquement avec notamment 4 nouveaux postes dits mixtes (pouvant accueillir un Gros porteur ou deux Moyens porteurs) comprenant
• 15 postes de contrôle pour le passage de la frontière
• 5 sas Parafe
• 3 500 m² dédiés au hall Arrivées comprenant
• 15 postes de contrôle pour le passage de la frontière,
• 5 000 m² de salles de livraison bagages comprenant 4 carrousels
Voir ci-dessous le plan de la nouvelle organisation de l’aéroport, qui s’appuie désormais sur 4 terminaux 1,2,3 et 4 et non Sud et Ouest.
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