Vendredi dernier, les parents d’élèves de l’école élémentaire Nelson Mandela, à Choisy-le-Roi, ont voté une seconde fois pour élire leurs représentants après une première annulation, dans un climat de forte tension et d’accusations réciproques de détournement politique.
Établissement scolaire tout neuf au cœur du quartier des Navigateurs à Choisy-le-Roi, l’école élémentaire Nelson Mandela a accueilli ses premiers élèves en septembre 2016. Un groupe de parents motivés se réunit alors pour s’impliquer dans la vie de l’école. Cette liste autonome est reconduite jusqu’à la fin de l’année scolaire 2018-19. «Au bout de trois ans, nous n’avions toujours pas réussi à régler plusieurs dossiers importants comme la sécurisation des abords de l’école ou la mise en place de moyens de communication entre enseignants et direction. Je m’étais rendue compte que nous avions du mal à nous faire entendre par rapport aux listes de parents d’élèves fédérées. J’ai donc proposé de rallier la FCPE», explique Stéphanie Garriba, qui a monté une liste FCPE.
Un contingent important de parents d’élèves décide toutefois de rester autonome et prépare une liste indépendante pour les élections d’octobre 2019. «Le père d’un enfant (ndlr Jean-Pierre Isidor) a fait preuve d’intérêt pour se joindre à nous. Il nous a expliqué qu’il avait de bonnes relations avec l’adjoint de la ville en charge de la jeunesse et des sports. J’ai considéré que c’était une bonne opportunité d’obtenir plus rapidement des réponses à nos requêtes. Il nous a fallu par exemple trois ans pour obtenir de simples rideaux aux fenêtres !», relate Nesrin Asci, représentante de cette liste autonome. «A l’approche du scrutin, ce monsieur a expliqué avoir un différend avec un autre membre de notre liste, Ali Id Elouali (élu EELV, maire-adjoint démissionnaire et candidat aux municipales de Choisy-le-Roi), et réclamé sa mise en retrait, menaçant de créer une troisième liste. Je ne voyais pas pourquoi l’exclure puisqu’il était impliqué depuis plusieurs années dans la vie de l’établissement», poursuit-elle.
Jean-Pierre Isidor dément cette version. «Il y a eu l’année dernière plusieurs événements qui ont déçu des parents vis-à-vis de leurs représentants. C’est pour cela que j’ai voulu monter ma liste. Les indépendants m’ont approché mais je leur ai dit que je ne voulais pas les rejoindre car il y avait un élu sur leur liste et ma démarche est apolitique: les enfants d’abord. En me présentant auprès des parents, j’ai dit que j’étais patrouilleur pour la municipalité et que je saurais comment résoudre les problèmes de sécurisation des abords de l’école. Je n’ai jamais dit que j’avais des rapports particuliers avec l’adjoint à la jeunesse et aux sports».
Première élection dans la méfiance
A une semaine du premier scrutin, mi-octobre, trois listes sont donc en compétition : la liste FCPE de Mme Garriba, la liste indépendante (LI) de Mme Asci et la liste association des parents indépendants (API) de M.Isidor. Sur le parvis de l’école, les candidats tractent leurs professions de foi. Alors que l’ambiance n’est pas au beau fixe entre les équipes, la présence d’une adjointe et de son compagnon, un ami de Jean-Pierre Isidor, à proximité de l’école, met le feu aux poudres. «M.Maréchal est un ami. Il m’a simplement aidé à installer ma table. C’est tout. Ils n’a pas distribué de tracts. Je ne sais pas ce que cette élue faisait là», se défend le candidat.
L’élection se déroule le vendredi 11 octobre. Les votes sont ouverts jusqu’à 17 heures mais les parents d’élèves sont convoqués à 15 heures pour gagner du temps et réaliser le pré-dépouillement des votes par correspondance afin de pointer tous les parents votants de cette manière. C’est une opération qui consiste à décacheter l’enveloppe adressée à l’établissement par les parents dans laquelle se trouve l’enveloppe contenant le bulletin, qui, elle, reste fermée jusqu’au dépouillement. Ce pré-travail a en réalité commencé dès 14 heures à l’initiative de la directrice et des parents présents, membre de la liste indépendante (LI). «Nous avions davantage de travail a réaliser en amont parce qu’il y a eu des doublons dans l’envoi du matériel de vote. J’ai deux enfants et j’ai reçu quatre kits de vote par exemple. C’était de toutes façons très particulier comme élection. La mairie ne nous a pas livré d’urne verrouillée, nous avons du la sceller avec des colliers ! Toujours pendant le pré-dépouillement, je me suis rendue compte que l’un des membres de ma liste n’avait pas signé son enveloppe, synonyme de vote nul. Il était 16h30, nous sommes donc allés sur le parvis de l’école pour faire signer l’enveloppe, pensant bien faire», relate Nesrin Asci.
A 17h00, le dépouillement démarre en présence de représentants des 3 listes. Sur les 521 parents inscrits, 334 ont pris part au vote soit un taux de participation de 64,11 % (ndlr, très largement supérieur à la moyenne). Lors de la proclamation des résultats, un bon tiers des voix sont comptabilisés comme blanc ou nuls (113). La liste indépendante de Nesrin Asci obtient 12 sièges, la liste FCPE de Stéphanie Garriba en obtient 6 et la liste indépendante de Jean-Pierre Isidor en récolte 3. A l’issue du scrutin, les représentants des listes signent tous le procès verbal.
Rapidement toutefois, la liste de J-P Isidor dépose un recours auprès de la direction des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) et obtient son annulation par arrêté la semaine suivante, pour irrégularités. «Je suis novice, alors quand ils m’ont demandé de signer le PV, je l’ai fait. C’est en me renseignant ensuite auprès de mon entourage que j’ai compris qu’il y avait eu quelque chose d’anormal. Ils ont sorti des enveloppes de l’école ! Que s’est-il passé avant que nous arrivions à 15h30 ? Comment se fait-il qu’il y ait eu autant de votes nuls ou blancs ?», motive la tête de liste à l’origine de recours.
Nouvelle campagne encore plus tendue
L’annulation de l’élection avive les tensions et des parents des deux listes indépendantes commencent à régler leurs comptes sur les réseaux sociaux, par page Facebook interposée. Les deux listes s’accusent mutuellement d’être politisée en vue des prochaines élections municipales : l’une serait inféodée à Ali Id Elouali, l’autre au maire sortant Didier Guillaume. Les propos dérapent jusqu’à la dénonciation de propos islamophobes, faisant le «procès nauséabond du communautarisme» dans un tract de la liste de N. Asci relayé par l’école dans les carnets de liaison des élèves, le jour même de l’annonce de la nouvelle date du scrutin. De quoi faire bondir la liste de J-P Isidor qui saisit à nouveau la DSDEN et dépose un recours avant même la tenue du scrutin. «La directrice a enlevé toute crédibilité à cette élection et a jeté en pâture l’égalité des chances entre les 3 listes concurrentes, en faisant le choix déraisonnable d’utiliser les moyens de l’école et les prérogatives de son autorité, afin de mettre à genoux les principes de la démocratie et les valeurs de la République qu’elle a le devoir de représenter et de propager», dénonce sa liste, soulignant une atteinte au principe de laïcité.
Pour Ali Id Elouali, toute cette histoire a pour but de le déstabiliser dans sa campagne pour les municipales. «Certes cette école se trouve dans le quartier des Navigateurs mais elle accueille également énormément de familles qui vivent dans le quartier du Port. C’est une partie de la ville où les gens votent davantage pour les écologistes. En tentant de me mettre en difficulté pour des élections qui n’ont absolument rien à avoir avec la politique, ils voulaient essayer de me causer du tort», se défend le candidat.
«Notre administration a demandé que l’Education nationale, qui est responsable de la bonne tenue de ces élections, veille à ce que cela se passe dorénavant dans un climat apaisé. Il n’est pas opportun de vouloir commencer les élections municipales là où cela n’a pas lieu d’être», tempère-t-on au cabinet du maire, Didier Guillaume.
Des parents d’élèves écœurés
A quelques jours du second scrutin, cette montée de la tension a eu raison de la bonne volonté de certains parents d’élèves qui ont demandé à être retirés des listes.
«Nous sommes victimes de cette situation. Tout s’était toujours bien passé jusqu’à présent. Nous ne comprenons pas tous les reproches qui ont été adressés à la directrice à qui nous apportons tout notre soutien. Si l’élection était encore annulée, cela repousserait davantage la réunion du conseil d’école», s’indigne Stéphanie Garriba de la FCPE. «A cause de ces élections, certaines personnes sont en souffrance. Nous pensions bien faire. Nous n’avons jamais eu l’intention d’enfreindre les règles. Toute cette histoire a causé un malaise parmi les parents d’élèves», ajoute Nesrine Asci. «J’ai effectivement eu des parents qui m’ont demandé de les enlever de la liste parce qu’ils ont subi des pressions», indique à son tour Jean-Pierre Isidor.
Finalement, le second scrutin s’est déroulé vendredi soir en présence cette fois-ci d’un représentant de la DSDEN pour s’assurer du respect du cadre juridique en vigueur,et a abouti quasiment à la même répartition des suffrages mais avec 52% de votants contre 64% la première fois.
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