S’organiser entre professionnels de santé, médicaux, paramédicaux ou du médico-social, pour prendre en charge les patients malgré la diminution des médecins, tel est l’enjeu des CPTS, ce nouveau sigle qui veut dire Communauté professionnelle territoriale de santé. L’objectif national est d’en voir éclore un millier d’ici à 2022. En Val-de-Marne, cinq sont déjà sur la rampe de lancement. Coup d’oeil sur celui de Champigny-sur-Marne qui devrait se concrétiser avant l’été.
«Il s’agit de partir du territoire en mettant en cohérence un tissus qui existe déjà pour assurer la continuité des soins, répondre aux demandes non programmées, organiser des actions de santé publique», explique Eric Véchard, délégué départemental de l’Agence régionale de santé (ARS).
«Une initiative montante et non d’une directive descendante»
«L’enjeu du CPTS est de dépasser la patientèle de chaque professionnel de santé pour penser territoire, population. La nouveauté est qu’il s’agit d’une initiative montante qui s’appuie sur les professionnels du terrain, et non d’une directive descendante, motive Jean-Noël Lépront, médecin généraliste, président de l’Association des médecins de Champigny. Car il n’y a pas deux territoires identiques. Localement, nous avons par exemple à la fois beaucoup de jeunes et beaucoup de personnes âgées, ce qui implique pour ces dernières des problématiques de transition ville – hôpital avec une organisation coordonnée. Nous avons des enjeux de prévention diabétique pour lesquels nous pouvons organiser entre nous des actions de dépistage, et aussi des besoins en termes de santé mentale», détaille le médecin.
De 2007 à 2017, la population de médecins généralistes a diminué de 42%
L’urgence, un peu partout, est de pallier le manque de médecins. La démographie médicale de Champigny illustre, localement, l’ampleur du problème. La commune, forte de 77 000 habitants, ne compte plus que 42 médecins généralistes libéraux installés, soit un ratio de 5,4 médecins pour 10 000 habitants alors que la moyenne départementale est de 6,6 et la moyenne régionale de 7,2. A cela convient-il d’ajouter les 10 médecins salariés par les deux centres municipaux de santé (CMS), correspondant à 5 équivalent temps plein. La ville compte également 36 spécialistes libéraux et 7, à temps partiel, en CMS. De 2007 à 2017, la population de médecins généralistes a diminué de 42%. Et la tendance n’est pas prête de s’inverser alors que 45% des médecins généralistes encore en place ont plus de 60 ans. «Il est nécessaire de se rapprocher entre médecins libéraux et salariés pour essayer de se coordonner et de réguler les flux car nous sommes au bord du gouffre», alerte le docteur Jean-Noël Lépront.
Du côté des CMS, le diagnostic est le même. «En deux mois, notre centre Pierre Rouquès s’est vu confier plus de 120 déclarations de médecins traitants supplémentaires», chiffre le docteur Frédéric Villebrun, directeur du pôle santé de la ville. Des patients qui affluent de Champigny et aussi, pour un tiers d’entre eux, des villes alentours.
Réguler les flux, impliquer les paramédicaux, téléconsulter…
A défaut de constituer une baguette magique, la coordination des professionnels de santé doit permettre de mieux gérer les flux. «Certains médecins sont débordés et n’arrivent plus à répondre à la demande tandis que des remplaçants ont encore un peu place sur leur agenda», explique Frédéric Villebrun. D’autres professionnels de santé, pharmaciens, kinés, infirmiers… devraient aussi être impliqués pour décharger les médecins de certaines prestations. «Au CMS, nous avons par exemple une infirmière qui se forme à la pratique avancée. Cela va lui permettre de prendre en charge certains patients chroniques en autonomie», témoigne Frédéric Villebrun.
Egalement en réflexion : la téléconsultation. «C’est un outil majeur pour répondre aux soins non programmés, à condition de l’intégrer dans un projet territorial avec des médecins de Champigny-sur-Marne», estime Jean-Noël Lépront tout en reconnaissant qu’il s’agit d’une
«révolution dans les mentalités, plus qu’un problème technique». Reste à bien définir les sujets et les protocoles, insiste de son côté Frédéric Villebrun.
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Une communauté professionnelle étendue au médico-social
Au-delà des médecins libéraux et salariés de la ville, le CPTS a aussi vocation à s’étendre à l’hôpital Paul d’Egine (groupe Ramsay Générale de Santé) qui compte à lui seul plus d’une centaine de médecins. Les CMS sont par ailleurs déjà connectés avec des hôpitaux publics comme le CHIC (Centre hospitalier intercommunal de Créteil) pour la maternité.
La fluidification du parcours pour intégrer un Ehpad (établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes), ou un foyer, passe aussi par la coordination avec le secteur médico-social, incluant d’autres organismes à sigle comme le CLIC (Centre local d’information et de coordination pour les personnes âgées), le CCAS (Centre communal d’action sociale), la Maia (Maison pour l’autonomie et l’intégration des malades alzheimer)…
Au total, rien que sur Champigny, ce-sont quelque 400 professionnels libéraux qui sont concernés par les problématiques de santé, sans compter les hôpitaux publics et privés du secteur et tous les établissements médico-sociaux.
Financer aussi le temps de projet
Pour aider cette communauté professionnelle à se mettre en réseau, l’ARS donne l’impulsion en apportant de l’ingénierie et aussi une mise de départ. «Nous travaillons sur le projet de santé, les caractéristiques du territoire et de la patientèle, et apportons également un soutien financier de 30 000 à 100 000 euros pour financer les diagnostics extérieurs et aussi compenser le temps passé», détaille Eric Véchard. La prise en compte du temps de concertation par les professionnels avec une contrepartie financière, voilà un détail non négligeable pour garantir le succès du processus, qui fait aujourd’hui l’objet d’une concertation entre les syndicats de médecins et l’Assurance Maladie. Concrètement, la pérennisation du financement de la CPTS, incluant le système informatique, du personnel coordinateur et la compensation du temps de projet, sera contractualisée par un ACI (Accord conventionnel interprofessionnel) qui devrait donner lieu à un financement par l’Assurance maladie pouvant aller jusqu’à 150 000 à 200 000 euros par an. «L’ARS anticipe cet avenant car il y a un besoin urgent», motive Eric Véchard.
Il reste désormais à structurer la forme de cette coordination en créant une association dont la gouvernance sera partagée dans un premier temps entre médecins libéraux et centres municipaux de santé. Une étape qui devra d’abord être validée en Conseil municipal, les CLS dépendant de la ville. «Il faudra aussi fournir des indicateurs pour mesurer l’impact de cette organisation comme par exemple le nombre de patients qui ont pu obtenir un rendez-vous immédiatement, le nombre de patients CMU (Couverture maladie universelle) pris en charge…», indique Jean-Noël Lépront. En principe, le lancement de la CPTS est prévu avant l’été.
Cinq projets de CPTS en Val-de-Marne
«Quatre autre projets sont en lice dans le Val-de-Marne», précise Eric Véchard, dont un autre très avancé autour de L’Haÿ-les-Roses, un à Créteil, un à Limeil-Brévannes et un à Sucy-en-Brie. Pour l’heure, une seule CPTS a vu le jour en Ile-de-France, dans le 13ème arrondissement parisien. En parallèle, l’ARS poursuit la contractualisation de contrats locaux de santé. 12 ont été signés dans le Val-de-Marne et le prochain est attendu à Villeneuve-Saint-Georges.
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