Justice | Val-de-Marne | 08/03/2019
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Enquête judiciaire suite à la plainte d’un ancien salarié de la Caf du Val-de-Marne

Enquête judiciaire suite à la plainte d’un ancien salarié de la Caf du Val-de-Marne

Le Parquet de Créteil a ouvert une enquête suite à la plainte d’un ancien contrôleur assermenté de la Caf (Caisse d’allocations familiales) du Val-de-Marne, actuellement en procédure prud’homale avec cette administration, qui dénonce des irrégularités allant jusqu’à des faux en écriture pour atteindre les objectifs. Des accusations intégralement démenties par la direction de la Caf. 

C’est le Canard enchaîné qui a révélé dans son édition du 6 mars le dépôt de plainte du plaignant, Rémy H, 56 ans, déposée en décembre 2018 au Parquet National Financier. Une information confirmée par le PNF qui précise toutefois s’être dessaisi de l’affaire pour la renvoyer au Parquet de Créteil, l’affaire concernant principalement des faux. Saisi en janvier, le Parquet de Créteil indique avoir lancé une enquête actuellement en cours.

Joint au téléphone, le plaignant dénonce deux types de faits. Le premier serait intervenu fin 2010. A l’époque, l’ancien contrôleur indique avoir découvert des contrôles réalisés en son nom, conclus d’une signature illisible n’étant pas la sienne. «A cette date, je n’ai pas réagi. Je n’avais que trois ans d’expérience dans le contrôle. Et puis ce n’était pas ma responsabilité qui était directement engagée», indique Rémy H. Des premiers éléments dont le Canard fait effectivement état dans son article, indiquant avoir vu les documents en question. C’est fin 2012 que le salarié se retrouve en porte-à-faux avec son administration. «En tant que contrôleur, je dois aller régulièrement collecter des pièces un peu partout à la Caisse primaire d’assurance maladie, au centre des impôts, auprès des allocataires… et je ne passe à la Caisse d’allocations familiales qu’une fois par semaine. En novembre 2012, alors que je suis à la Caf, je découvre dans ma bannette une pile de rapports de contrôles que je n’ai pas réalisés et que l’on me demande de signer. Beaucoup sont des dossiers bidons qui concernent des familles qui n’avaient a priori pas de raison d’être contrôlées et qui ont des avis conformes. Cette fois, je refuse de signer car je ne suis pas à l’origine de ces rapports.» Rémy H précise ne pas être le seul contrôleur a avoir reçu son lot de rapports. «Sur la quinzaine de contrôleurs, nous ne sommes alors que deux à refuser de signer», précise-t-il, expliquant cette discipline par l’avancement et la notation des salariés conditionnés à la réalisation de leurs objectifs. C’est à partir de cette date que l’ancien salarié, «précédemment récompensé 3 fois en 5 ans», indique avoir vu ses conditions d’exercice se dégrader, avec notamment l’assignation d’objectifs de contrôles impossibles à réaliser. Selon son témoignage, le salarié se retrouve isolé dans sa cause. L’autre personne qui avait refusé de signer rentre dans le rang et prend des responsabilités dans l’organisation. Fin 2014 Rémy H se sent de plus en plus mal et est arrêté une dizaine de mois jusqu’en août 2015, date à laquelle il exprime son souhait de recommencer à travailler. Mais la situation ne s’améliore pas. En 2016, Rémy H, qui a par ailleurs un dossier médical chargé lié à une maladie intervenue quelques années avant, prépare alors son dossier pour bénéficier d’une pension d’invalidité et il est licencié en novembre 2016. Depuis, il a attaqué aux Prud’hommes, considérant que son incapacité à travailler est directement liée à ce qu’il a vécu au sein de la Caf. A cette date, l’affaire est entre les mains du juge départiteur.

«Nous ne pouvons que nier les allégations de faux rapportées par cet ancien salarié. La Caf du Val-de-Marne n’a pas fait de faux contrôles dans le cadre de sa mission de service public et nous pouvons facilement le démontrer», réagit pour sa part le directeur actuel de la Caf du Val-de-Marne, Robert Ligier. «Cet ancien salarié a été licencié pour inaptitude médicale. Celle-ci est liée à des raisons d’ordre personnel et pas du tout dans le cadre d’une maladie professionnelle type burn out. Il s’agit d’un licenciement qui s’impose à l’employeur. C’est le médecin du travail qui considère que le salarié n’est plus apte à exercer sa fonction. Monsieur H a contesté ce licenciement au Conseil des Prud’hommes et nous sommes aujourd’hui en départage. Il apparaît de manière évidente qu’il tente d’instrumentaliser cette procédure en allant sur un terrain pénal», détaille le directeur, en poste depuis le 1er décembre 2013. Alors qu’une seconde personne (qui n’est pas la même que celle qui avait refusé de signer les rapports arrivés dans la bannette des contrôleurs fin 2012) a témoigné avoir également constaté des rapports signés en son nom à son insu fin 2010, le directeur précise qu’il lui a été rapporté que cette personne était en indélicatesse avec sa hiérarchie. «Son attestation est contestable et nous avons mis à côté les attestations d’autres contrôleurs qui confirment qu’il n’y avait pas de système de faux et usages de faux en interne à la Caf du Val-de-Marne. Il va falloir que cette personne apporte la justification de ses propos», ajoute le directeur qui pointe par ailleurs que la plainte déposée par Rémy H concerne des faits qui vont de 2012 à 2018, et non antérieurs à 2012. «Il va nous être facile de démontrer que sur cette période, il est impossible matériellement de faire des contrôles fantômes car le contrôleur est obligé de monter personnellement son dossier sur notre système d’information NINS. En outre, Monsieur H ne faisait plus de contrôles sur place à partir de 2013 et nous avons du reste aménagé son poste en conséquence», détaille Robert Ligier.

«Nous considérons qu’il y a un lien direct entre l’inaptitude professionnelle de Rémy H et ce qu’il a vécu à la Caf, avec notamment des objectifs irréalisables, maintient au contraire l’avocat du plaignant, maître Victor Zagury, lequel insiste sur le fait que son client était parfaitement noté jusqu’au jour où il a refusé de signer les fameux rapports dont il indiquait ne pas être l’auteur. Un état dépressif ne jaillit pas comme cela!  La Caf joue sur l’ambiguïté entre contrôle sur place et contrôle sur pièces mais un contrôleur assermenté travaille uniquement sur place», affirme l’avocat. Concernant les périodes concernées par la plainte, qui démarrent à partir de 2012 et non de 2010, date à laquelle il est fait état des rapports signés à la place du contrôleur, l’avocat explique cela par la prise en compte des délais de prescription.

Caf du Val-de-Marne : 2 150 contrôles en 2017

Pour contextualiser le sujet, quelques chiffres sur le contrôle des allocataires de prestations familiales en Val-de-Marne.  Le département comptait 257 504 allocataires au 31 décembre 2017, soit 2,9 % d’augmentation par rapport à 2016. Une progression principalement tirée par l’augmentation du nombre de bénéficiaires de la Prime d’activité (PPA) qui atteint 44 693 en 2017 (+ 9,4 %) et représente plus de 99 000 personnes couvertes. Le montant des prestations, tous fonds confondus, s’élève à environ 1,55 milliards d’euros en 2017 dans le département. Concernant la lutte contre la fraude, 2 150 contrôles sur place ont permis de détecter près de 2,9 millions d’euros d’indus et 1,2 million d’euros de rappels, soit 4,2 millions d’euros d’impact financier, détaille le rapport d’activité 2017 de la Caisse d’allocations familiales du Val-de-Marne.
«49 % des contrôles sur place aboutissent à un indu, 41 % à un rappel. 62 % des enquêtes ont abouti à une régularisation avec ou sans impact financier, 24 % à une suspicion de fraude et 3 % à une suspension des droits pour obstacle au contrôle. Les 11 % restants sont des contrôles qui ont constaté l’entière conformité du dossier au regard de la situation réelle de l’allocataire», détaille le rapport.

Télécharger le rapport d’activité 2017 de la Caf 94

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