Dans le dilemme actuel entre fin du monde et fin du mois, la géothermie fait partie des solutions qui répondent aux deux enjeux : le pouvoir d’achat et l’écologie. Dans une lettre au ministre de la Transition écologique, l’Agemo (Association des maître d’ouvrage public en géothermie) demande au gouvernement de débloquer les freins qui empêchent cette source de chauffage naturel de se déployer plus massivement.
Pour rappel, la géothermie consiste à aller chercher la chaleur de gisements d’eau souterrains. Cette eau salée et corrosive est utilisée pour chauffer des tuyaux qui transmettent leur chaleur à d’autres tuyaux contenant, eux, de l’eau douce, alimentant ainsi des circuits de chauffage urbain. Une fois l’eau refroidie, elle retourne en sous-sol où elle sera naturellement réchauffée. En Ile-de-France, un gisement aquifère, contenu dans les calcaires du Dogger, offre ainsi une eau entre 56 et 85 °C à environ 2 km sous nos pieds. Le Val-de-Marne est le département qui exploite le plus cette source d’énergie infiniment renouvelable qui permet de diminuer le recours aux énergies fossiles et de diminuer la facture de chauffage. Par exemple, le prix usager du mégawatt-heure utile du réseau de Chevilly-L’Haÿ-Villejuif est de 47 €, au lieu de 75 € en moyenne. En termes de conséquences sur l’environnement, elle contribue également à diminuer le rejet des gaz à effet de serre. «A titre d’exemple, chaque année à Maisons-Alfort, qui est le 3ème plus grand réseau de géothermie en Ile-de-France, nous évitons grâce à la géothermie le rejet dans l’atmosphère de 27 000 tonnes de gaz carbonique, de 53 tonnes de dioxyde souffre, de 70 tonnes de monoxyde d’azote ou encore de de 4 200 tonnes de poussières», chiffre Olivier Capitanio, président de l’Agemo et maire LR de Maisons-Alfort, alors que 40% des logements de sa commune (14 000 logements) ainsi que des équipements publics et entreprises. A l’échelle de l’Ile-de-France, l’Agemo évalue l’impact des réseaux de géothermie à 300 000 tonnes de CO2 qui ne sont pas rejetées dans l’atmosphère.
Cette solution qui coche toutes les cases reste toutefois encore insuffisamment exploitée aux yeux de l’Agemo qui compte 24 communes exploitant la géothermie et revendique 80% des opérations de basse géothermie en France. Certes, elle ne peut être déployée partout car il faut disposer d’un gisement d’eau souterrain et d’un urbanisme suffisamment dense pour rentabiliser l’infrastructure d’un réseau de chauffage urbain, mais au-delà de ces conditions, un certain nombre d’obstacles pèsent sur le développement de la filière, pourtant désormais bien rodée techniquement et pleine de promesses avec les nouvelles initiatives en vue d’exploiter de nouveaux gisements plus profonds et encore plus chauds comme celui du Trias.
Parmi les freins au déploiement massif de la filière, l’Agemo pointe d’abord la corrélation entre les aides financières qui lui sont accordées et le prix du fioul et du gaz, lesquels peuvent varier fortement d’une année sur l’autre. Pour l’Agemo, la géothermie constitue un investissement qui doit être encouragé en tant que tel et non pas sous forme d’avances remboursables liées au prix fluctuant du gaz. Cette indexation augmente en effet le risque d’exploitation. L’Agemo réclame donc un retour au fonctionnement initial du fonds chaleur et le doublement de son budget de 20 millions à 40 millions d’euros, sachant que les investissements sont de l’ordre de 30 à 40 millions d’euros pour une opération moyenne de géothermie.
L’association des collectivités impliquées dans la géothermie réclame par ailleurs plus de visibilité dans les moyens alloués à cette filière, toujours pour pérenniser les investissements de long terme. Et de réclamer que l’évolution de la Contribution Climat Energie soit «clairement précisée» à moyen terme et que soit bien maintenue la dotation de la Saf Environnement (une société auxiliaire de financement, filiale de la Caisse des dépôts et des consignations, dédiée à la garantie des investissements en géothermie).
Au-delà des efforts financiers, l’Agemo alerte par ailleurs le ministre de la Transition écologique sur le projet de réforme du code minier concernant les conditions d’exploitation des sous-sols, permettant à la fois à un opérateur de s’approprier une grande zone géographique qu’il serait seul à pouvoir exploiter, et la remise en concurrence des permis d’exploitation à des dates incompatibles avec la rentabilisation d’un projet géothermique. «Une harmonisation du Code Minier qui placerait sous les mêmes contraintes les collectivités locales qui souhaitent investir dans la géothermie et les grands groupes industriels qui visent à exploiter des hydrocarbures serait, selon nous, néfaste au développement de la filière ENR», insiste l’Agemo.
Enfin, les élus de l’Agemo demandent au ministre d’abandonner définitivement l’éventualité de transférer cette compétence à la Métropole du Grand Paris, pointant que l’un des premiers effets serait l’impossibilité d’appliquer le taux réduit de la TVA sur le prix de la chaleur géothermique car cette mesure est conditionnée à une proportion minimum de l’énergie de la collectivité qui ne serait pas atteinte à l”échelle métropolitaine, induisant une augmentation des prix pour les usagers.
«D’autres aspects techniques doivent être reconsidérés par les pouvoirs publics pour faire de la géothermie un véritable levier de la transition écologique et énergétique. Nous espérons que nos demandes seront prises en considération par le Gouvernement. La géothermie est en effet une réponse sérieuse qui permet de concilier la double aspiration exprimée aujourd’hui par nos concitoyens, à savoir encourager la transition énergétique et préserver le pouvoir d’achat», insiste Olivier Capitanio.
Les signataires de ce courrier au Ministre sont :
– Olivier CAPITANIO, Maire de Maisons-Alfort et Conseiller Départemental du Val-de-Marne, Président de l’AGEMO
– Christian FAVIER, Président du Conseil Départemental du Val-de-Marne,
– Vincent JEANBRUN, Maire de L’Haÿ-les-Roses et Conseiller Régional d’Ile-de-France,
– Franck LE BOHELLEC, Maire de Villejuif et Conseiller Régional d’Ile-de-France,
– Marie CHAVANON, Maire de Fresnes,
– Stéphanie DAUMIN, Maire de Chevilly-Larue,
– Michel GERCHINOVITZ, Maire d’Alfortville,
– Georges PUJALS, Maire d’Epinay-sous-Sénart
– Michel JAURREY, Président du syndicat intercommunal Villiers-le-Bel – Gonesse pour la production et la distribution de chaleur,
– Martine FLAMANT, Directrice Générale de la société d’exploitation des énergies renouvelables Grigny – Viry.
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Cher 94-Citoyens
En ma qualité de vice-président du Syndicat Intercommunal de la Géothermie L’Hay-les-Roses / Chevilly / Villejuif et de son service public local, la Semhach, je vous remercie pour l’intérêt porté au communiqué de la lettre de L’Agemo.
Permettez-moi d’apporter deux compléments.
1. Si nous refusons d’être noyés dans un organisme incluant tous les réseaux de chateur de la Métropole, ce n’est pas seulement parce qu’un tel méga-réseau ne serait plus alimenté principalement par des sources d’énergie renouvelables, avec les conséquences fiscales qui en découleraient sur les charges des usagers.
Surtout, un réseau de géothermie est par nature local. C’est localement qu’il faut convaincre, répondre aux protestations des riverains gênés par les travaux ( et les pannes, ça arrive !) , justifier l’intérêt de la géothermie, ou au contraire dissuader les demandes quand les économies à venir ne justifieraient pas le cout de branchement, etc.
Notre usine géothermique de Villejuif met par exemple à la disposition des habitants du voisinage une salle pédagogique et un jardin, que déjà commence à exploiter une association locale d’éducation populaire à la nourriture bio et à l’agriculture urbaine ( http://la-grande-ourse.nursit.com/spip.php?article45 )
2. Parmi les autres aspects techniques » à reconsidérer, il y a le prix de rachat de l’électricité obtenue par co-génération, que le gouvernement prévoit d’abolir prochainement. Or deux de nos puits sur trois sont équipés d’une turbine à gaz qui relève encore la température de l’eau fournie au réseau en hiver, et produit en même temps de l’électricité (le puits de Villjuif , plus récent , utilise une pompe à chaleur). Ces deux turbines ont loin d’être amorties, il serait absurde de s’en débarrasser, mais leur rentabilité a été calculée à un moment où ce prix de rachat existait. Il faut donc au minimum ne pas appliquer cette décision aux anciennes turbines de cogénération.
Dans la 2e phrase il manque le mot “eau” ..
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