Visite des ministres devant une intégration exemplaire des élèves porteurs de handicap à Créteil, menace de grève à Villejuif faute d’enseignant pour encadrer ces mêmes élèves. La rentrée des classes en Val-de-Marne illustrait bien ce lundi la difficulté de décliner sans couac un dispositif à une échelle massive.
«On va passer à la télé!» s’animent dans la cour des élèves de l’école Victor Hugo de Créteil, alors que Jean-Michel Blanquer et Sophie Cluzel viennent de s’engouffrer dans un couloir, entourés d’officiels et de photographes.
Sacrée animation de rentrée que la venue du ministre de l’Education nationale et de la secrétaire d’Etat au handicap. Contexte de cette visite : l’organisation de l’accueil des élèves porteurs de handicap en pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) instaurée par la loi pour une école de la confiance.
Ces Pial regroupent plusieurs établissements et personnels dont les AESH (Accompagnants des élèves en situation de handicap), personnels recrutés et formés en CDD puis CDI qui remplacent progressivement les AVS (auxiliaires de vie scolaire) qui étaient en contrat aidé. Un certain nombre d’AVS sont ainsi passés en statut AESH. Au-delà des sigles, l’enjeu pour l’Education nationale est d’organiser l’intégration des élèves porteurs de handicap dont l’accueil dans les écoles s’est véritablement développée après la loi handicap de 2005, passant d’un peu plus de 100 000 à quelque 350 000 élèves, dont environ 200 000 nécessitent un accompagnement au jour le jour par un professionnel.
C’est aussi à partir de cette période que ce-sont développées les Ulis (unités localisées pour l’inclusion scolaire) qui regroupent des enfants porteurs de handicaps. Ces unités ne sont pas des classes à part entière. Une partie des élèves qui les composent sont en effet rattachés à des classes banales une partie de la semaine. Ces Ulis sont aujourd’hui au nombre d’environ 3500 en France, avec un objectif de 200 nouvelles dont 100 dans le second degré en 2019 et 250 dans les lycées d’ici à 2022.
81 Ulis et 46 Pial en Val-de-Marne
Le Val-de-Marne, qui accueille près de 6750 élèves porteurs de handicap, compte pour sa part 124 Ulis (81 dans le premier degré, 35 au collège et 8 au lycée) désormais organisés en 46 Pial (17 dans le 1er degré, 28 dans le 2ème degré et un Pial inter-degré- celui visité par les ministres).
Intégrer le médico-social
La nouvelle organisation prévoit une coordination départementale sous la forme d’un service public de l’école inclusive rattaché à l’Inspection académique. Le secteur médico-social doit aussi être intégré dans le dispositif, à la fois dans le cadre d’un Pial ‘renforcé’ par département, qui travaillera en partenariat avec un établissement médico-social, et d’équipes mobiles d’appui médico-social (actuellement en phase pilote) qui viendront en soutien des Pial.
A Créteil, un Pial renforcé avant l’heure
Un soutien du médico-social que l’on travaille déjà de longue date à Créteil où l’Ulis Victor Hugo de 12 élèves (dont 7 rattachés à des classes banales) a été initiée en partenariat avec le service de pédopsychiatrie du Centre hospitalier intercommunal de Créteil (Chic) et la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). L’Ulis dispose ainsi d’un accueil au sein de l’école Victor Hugo mais aussi au CHIC, et d’une équipe pluri-disciplinaire composée de psychiatres, orthophonistes, psychomotriciens, éducateurs spécialisés, neuropsychologues… qui s’appuient notamment sur la méthode PACT (Pre-school Autism Communication Therapy).
Au-delà du handicap, prévenir les troubles du comportement et améliorer le climat scolaire
Pour le professeur Jean-Marc Baylète, chef du service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au CHIC, le travail partenarial entre ces équipes, les enseignants, les enfants et bien-sûr les parents, permet aussi de dénouer des situations de climat scolaire dégradé dans les écoles, tout en identifiant plus tôt des troubles du comportement ou spectre autistique. L’équipe mobile, le professeur a commencé à l’expérimenter en dehors même de l’Ulis de l’école Victor Hugo. «Nous avons par exemple travaillé dans une école de Bonneuil-sur-Marne où il y a avait un problème de climat scolaire. Nous nous inquiétions d’avoir suffisamment de parents volontaires mais beaucoup de familles ont répondu présent et nous avons travaillé avec une quinzaine d’entre elles. Tous les lundis pendant huit semaines, les parents venaient avec les professionnels au fond de la classe pour observer. Nous avons vu des enfants se remettre au travail, surtout en CE1-CE2. C’est plus compliqué en CM2 car certains sont déjà installés dans l’échec. L’inclusion des parents leur permet de comprendre comment l’on travaille, de faire tomber des barrières, alors que ces derniers viennent parfois en consultation à reculons, ne comprenant pas pourquoi leur enfant doit voir un psy, alors ‘qu’il n’est pas fou’», développe Jean-Marc Baylète (photo ci-dessous) qui insiste aussi sur la nécessité d’intervenir rapidement lorsqu’une demande émane d’une école. «Cela permet aussi une montée en compétences et une valorisation des enseignants», ajoute Guylène Mouquet-Burtin, directrice départementale des services de l’Education nationale (Dasen).
Comment décliner ces initiatives à grande échelle?
De belles initiatives pilotes encouragées par l’ARS (Agence régionale de santé), les ministres, l’Education nationale… mais qui n’auront vraiment d’impact que si elles sont déclinées à plus grande échelle, même s’il est impossible de détacher un professeur du CHIC dans chaque école. Dans ce contexte, l’objectif est que l’équipe mobile puisse intervenir lorsqu’il y a un problème mais forme les enseignants et équipes sur place. «Cette année à Bonneuil, deux enseignantes ont pris l’initiative de poursuivre le travail avec les parents», cite le professeur. D’ores et déjà, les unités mobiles ont été déclinées à Créteil et Bonneuil, avec le CHIC, et à Valenton et Villeneuve-Saint-Georges, avec le CHIV.
A Villejuif, menace de grève générale dès jeudi faute d’enseignant en Ulis
Pendant que les ministres observaient le travail d’inclusion des élèves porteurs de handicap à l’école Victor Hugo, assorti des témoignages réjouissants des parents, enseignants, directeur et accompagnants médico-sociaux, la rentrée scolaire s’est passée dans des conditions moins souriantes à l’école Jean Vilar de Villejuif où ni l’enseignant ni l’AESH n’étaient nommés ce jour de rentrée pour prendre en charge l’Ulis, si bien qu’il a fallu appeler les parents pour les inviter à garder leur enfant. En attendant que les postes soient pourvus, les enseignants ont décidé de mettre la pression en déposant un préavis de grève à compter de ce jeudi 5 septembre.
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