Alors que la reconstruction de l’incinérateur d’Ivry-sur-Seine – Paris XIII est en cours, un moratoire de trois ans a été voté ce jeudi concernant la seconde phase du projet prévue à partir de 2024, spécifiquement dédiée au tri des déchets organiques.
Contexte. Pour mémoire, le projet global concerne la reconstruction du centre de tri et d’incinération, mis en service en 1969 et qui couvre 12 arrondissements parisiens et 13 communes du Val-de-Marne, soit 36% des capacités de traitement du syndicat. Actuellement, l’usine regroupe une usine d’incinération d’ordures ménagères (UIOM) d’une capacité autorisée de 730 000 t/an. Le site accueillait aussi une déchetterie et un centre de tri de collectes sélectives qui ont été supprimés pour y construire le nouvel incinérateur. La nouvelle usine d’incinération (Unité de valorisation énergétique, UVE) en cours de construction verra sa capacité réduite de 730 000 tonnes à 350 000 tonnes par an. Les travaux ont commencé fin 2018 et devraient s’achever fin 2023.
Moratoire sur le tri des bio-déchets
La seconde phase du projet, celle qui fait l’objet du moratoire, vise à trier les bio-déchets en créant une unité de valorisation organique (UVO) pour les envoyer ensuite en méthanisation par voie fluviale avec les boues des stations d’épuration du Siaap. Cette unité doit être construite sur le site de l’actuel incinérateur, lorsque le nouveau sera mis en service, donc à l’horizon 2024.
Alors que le tri à la source se met progressivement en place, encouragée par la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015, la création de cette unité de tri est toutefois controversée et le sujet fait partie des dossiers chauds des municipales. C’est dans ce contexte que le Conseil syndical du Syctom, syndicat intercommunal qui gère les déchets de 84 communes de l’agglomération, a voté à l’unanimité un moratoire de trois ans sur cette unité, le temps de décider s’il faut la lancer à partir de 2024 ou prévoir un projet alternatif.
Le moratoire concerne la partie tri mais ne remet en revanche pas en question l’avancement de la partie portuaire qui prévoit également l’évacuation des mâchefers par voie fluviale. Il ne remet pas non plus en question le développement d’une installation de méthanisation à Gennevilliers.
Le maire se félicite de ce temps de réflexion et d’une “victoire collective”
“Cette décision résulte notamment du travail mené depuis mai 2018 par la Mission d’Information et d’Evaluation (MIE) municipale sur le projet de reconstruction de l’usine”, se réjouit le maire PCF de la ville, Philippe Bouyssou. “Ce moratoire permettra d’apprécier la pertinence de l’UVO notamment au regard de la généralisation du tri à la source des bio-déchets et de l’extension des consignes de tri mise en place à Ivry dès mai 2019”, insiste l’élu qui se “félicite de cette victoire collective, qui, au-delà des sensibilités politiques de chacun.e a permis d’oeuvrer en faveur d’une véritable transition écologique, dans le sens d’une société plus vertueuse et respectueuse de l’environnement.” L’élu compte bien mettre à profit ce sursis pour trouver une alternative. “La méthode de tri des bio-déchets de cette unité, pour séparer la partie fermentescible de celle dédiée à l’incinération, est dispendieuse en eau. Nous souhaitons travailler à la construction d’une alternative en s’appuyant sur le tri-recyclage et le tri des bio-déchets à la source”, insiste le maire.
Domino urbain
En termes d’urbanisme, la libération de la parcelle dédiée à cette unité permettrait d’accueillir d’autres services, comme par exemple le centre du CPCU (Compagnie parisienne de chaleur urbaine) qui fabrique de la chaleur à partir de l’usine d’incinération et qui se trouve au cœur du futur parc des confluences. Un garage à bennes de la ville de Paris pourrait aussi y trouver sa place. Des discussions sur la relocalisation de ces sites sont en cours avec la ville de Paris.
Le collectif 3R se réjouit mais reste prudent
De son côté, Anne Connan, du collectif 3R, se réjouit également de ce moratoire tout en restant très prudente. “Pour l’instant, il s’agit d’un moratoire et les projets de tri-métha ailleurs sont toujours en cours”, rappelle-t-elle. “Nous ne sommes pas hostiles au principe de la méthanisation mais au tri préparatoire. Cette unité qui coûte 500 millions d’euros va créer une concurrence avec le tri à la source alors qu’il faut au contraire investir sur le tri à la source qui est plus écologique. Ce tri en usine ne permet en effet pas de récupérer des digestats propres (ndlr, les résidus de fermentation une fois produit le biogaz) pour faire du compost, les renvoyant donc en incinération”, expose la porte-parole du collectif qu insiste sur le fait que “75% de la poubelle grise devrait être recyclée”.
Les écologistes réclament un moratoire de l’ensemble du projet et dénoncent une décision à l’approche des municipales
De leur côté, les élus EELV se félicitent aussi de cette nouvelle, sans s’en satisfaire complètement. “Cette deuxième phase du projet estimé à 1 milliard € est inefficace au vu des objectifs de collecte des biodéchets et de recyclage fixés par la loi ; de même, il constitue un frein au recyclage en encourageant le modèle du tout incinération”, saluent-ils, tout en considérant que cette “première victoire” reste “malheureusement, incomplète au vu des enjeux de protection de l’environnement et de la santé” et soulignent le timing électoral dans lequel l’annonce s’inscrit. “Le revirement du maire d’Ivry qui a demandé ce moratoire face à la pression écologiste et citoyenne locale, demeure incomplet dans la mesure où M. Bouyssou continue à soutenir la reconstruction de l’incinérateur d’Ivry (première phase). Il avait déjà soutenu ce projet en 2017, passant outre le voeu des écologistes, soutenu par les élus insoumis et socialistes et adopté à la majorité du conseil municipal en octobre 2016, qui s’opposait clairement à l’actuel projet d’incinérateur dans son ensemble”, rappellent les écologistes qui ont cette année décidé de faire campagne sous leur propre étiquette, en partie suite aux désaccords intervenus sur ce dossier au sein de la majorité municipale.
Ils réclament par ailleurs que les fonds libérés par le moratoire sur cette seconde phase, serve à construire “un centre de recyclage de nouvelle génération capable de traiter l’ensemble des emballages, la reconstruction d’une déchetterie communale ainsi que le financement d’actions de prévention et de sensibilisation pour atteindre le zéro déchet.”
Au Syctom, on rappelle le grand défi de la réduction des déchets
Au sein du Syctom, on note que la collecte supplémentaire des bio-déchets a un coût en rappelant les impacts financiers de l’évolution réglementaire qu’il va déjà falloir anticiper, entre la Taxe générale sur les activités polluantes qui pourrait peser sur les finances du syndicat à hauteur de 30 à 50 millions d’euros et l’éventuel manque à gagner dans la mise en place de consignes obligatoires pour le plastique, évalué à quelque 20 millions d’euros. Une nouvelle donne qui pourrait se répercuter sur le montant de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Surtout, on insiste sur le défi déjà concret de la réduction des déchets, alors que le centre d’incinération d’Ivry-Paris XIII qui entrera en service fin 2023 aura une capacité réduite de 360 000 tonnes par an.
Victoire : la capacité de traitement des déchets a été réduite !!! Victoire !
La vraie victoire serait qu’il y ait *moins* de déchets, notamment ceux qui traînent dans les rues, qui débordent de poubelles déglinguées, mal triées.
Peut-être on regrettera d’avoir diminué la capacité de traitement.
Resterons toujours les décharges !
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