Zero Waste France et le Collectif 3R, deux associations qui militent contre la reconstruction de l’incinérateur d’Ivry-sur-Seine, ont déposé deux recours en justice, l’un contre le permis de construire et l’autre contre l’autorisation d’exploiter délivrés par la préfecture du Val-de-Marne. Détails des motifs d’accusation et réaction du Syctom, syndicat qui exploite l’incinérateur.
Mis en service en 1969, le centre d’incinération d’Ivry Paris 13, qui représente aujourd’hui 38% des capacités de traitement du Syctom, le syndicat en charge de la gestion des déchets ménagers de 84 communes de l’agglomération parisienne, doit être remplacé par un nouvel équipement dont la capacité de traitement passera de 730 000 à 350 000 tonnes par an. Une réduction de capacité de moitié qui s’accompagnera de la valorisation d’une partie des déchets en séparant la matière organique pour traiter séparément les bio-déchets. Au terme de longs débats et d’une enquête publique ayant obtenu un avis favorable, le projet a obtenu permis de construire et autorisation d’exploiter.
Voir l’arrêté d’autorisation d’exploitation
Lire aussi : Feu vert de l’enquête publique
Les deux associations, qui ont déposé leur recours au Tribunal administratif de Melun ce dimanche par Internet, dans le cadre de requêtes sur le fond, évoquent plusieurs motifs.
Les objectifs de la loi
Le premier concerne le respect de l’article 70 de la Loi de Transition énergétique pour la croissance verte de 2015 qui a fixé comme objectif d’orienter 55 % des déchets non dangereux non inertes vers des filières de valorisation d’ici à 2020 et 65 % d’ici à 2025, ou encore celui du Paquet économie circulaire de l’Union européenne adopté en 2018 qui a confirmé et précisé ces objectifs. «Sur le territoire du Syctom, 16 % seulement des déchets ménagers sont recyclés», dénoncent les collectifs dans un communiqué. «Plus de la moitié des déchets actuellement brûlés dans les usines d’incinération sont en réalité recyclables ou compostables», pointe Flore Berlingen, directrice de Zero Waste France, qui craint que ce taux n’atteigne 75 % dans les prochaines années.
Au-delà des motifs environnementaux, les associations rappellent les actions menées contre le projet, les nombreux commentaires négatifs des habitants et la proposition d’un plan alternatif, le Plan B’OM (plan de baisse des ordures ménagères)pour réduire drastiquement la production de déchets. «Sur le terrain également, les initiatives se multiplient, démontrant que la population est prête à réduire, réutiliser, recycler les déchets. La fermeture du 1er incinérateur de France serait un signal très fort pour enfin tirer les décideurs publics dans le bon sens», enjoint Anne Connan, co-présidente du Collectif 3R.
Remise en question des analyses de l’émission de dioxyde d’azote
Les associations comptent également attaquer techniquement le dossier d’enquête publique, concernant l’impact de l’activité sur la pollution au dioxyde d’azote (NO2) qui fait partie des principaux polluants analysés par les bornes Airparif dans la région. Lors de premières analyses en 2013, des bornes mobiles Airparif avaient été disposées à proximité de l’incinérateur pour évaluer l’impact de son activité sur différents types de pollution, mais il manquait les informations concernant les émissions de NO2. De nouvelles analyses ont donc été menées pour actualiser les données lors de l’enquête publique. A défaut de poser à nouveau des bornes pour l’étude, les nouvelles analyses ont été effectuées à partir de bornes Airparif permanentes. «Le problème est que les bornes Airparif utilisées pour actualiser l’information sur le NO2 n’étaient pas les plus proches de l’incinérateur. L’étude s’appuie sur les bornes de Vitry-sur-Seine sud, à 6 km de l’incinérateur, de Cachan et encore de Paris 18ème! souligne maître Louis Cofflard, avocat des plaignants qui affiche à son tableau de chasse la condamnation par le Conseil d’Etat du Gouvernement en 2017 à respecter les concentrations de polluants réglementés (NO2 et PM10) sur toute la France. D’autres bornes étaient beaucoup plus proches comme celles du Paris 12, Paris 13, du périph Est. Cette dernière dépasse souvent les limites en raison du trafic automobile mais il ne faut pas négliger l’impact des pollutions cumulées entre le trafic et l’incinérateur», insiste l’avocat, rappelant les importants projets urbains qui s’apprêtent à fleurir à proximité, des tours Duo au projet Nouvel R en passant par les zac Charenton Bercy et Bercy Charenton.
Lire l’article sur le gros projet urbain Nouvel R, le plus proche du centre d’incinération.
Le Syctom rappelle que le nouvel incinérateur constitue déjà un défi de réduction des déchets
Au cabinet de la présidence du Syctom, on rappelle que toutes les étapes du projet ont été respectées et validées, malgré les différentes requêtes en justice des associations, et l’on accueille de façon sereine cette nouvelle action au tribunal administratif. Pour le syndicat, l’enjeu est déjà de réussir à réduire la production de déchets de 5 à 7% sur le territoire concerné pour s’adapter au futur incinérateur dont les capacités seront réduites de moitié. «La région d’Ile-de-France est loin d’être celle qui produit le plus de déchets, avec environ 450 kg par an par habitant contre 700 kg/an/hab en région Sud, mais la population croît et les déchets avec. Depuis deux, la production de déchets a augmenté», insiste-t-on au syndicat. Dans ce contexte, le Syctom a lancé depuis le début mars une concertation de toutes les parties prenantes, le Grand défi, associant aussi bien les associations de défense de l’environnement que les élus en passant par les producteurs de déchets. Objectif : définir un plan d’action avec des objectifs concrets. Deux réunions se sont déjà tenues et une troisième est programmée le 18 avril. (Article à venir sur le sujet). Concernant les émissions de dioxyde d’azote, le syndicat rappelle que des études ont déjà documenté les émissions d’autres incinérateurs et prouvé qu’il n’y avait pas de problèmes.
Pétition et manifestation au Syctom
En parallèle, un collectif de citoyens composé à la fois d’élus écologistes, de restaurateurs parisiens qui pratiquent le zéro déchets et de citoyens de divers horizons, a lancé une pétition pour que soit inscrit au Conseil de Paris un référendum sur le projet. En attendant d’atteindre les 5000 signatures, il prévoit un rassemblement devant le siège du Syctom (Paris 15ème) à l’occasion du Conseil syndical qui se réunit ce jeudi 28 mars matin.
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Les mesures de NO2 concernent le vieil incinérateur.
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