La Chambre Régionale de la Cour des comptes a publié ce vendredi son rapport sur la gestion du SIAAP (syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne). La CRC s’y attaque notamment aux indemnités perçues jusqu’en 2015 par les administrateurs du syndicat, recommandant leur remboursement par ces derniers.
La CRC suggère aussi une adaptation de la gouvernance du syndicat interdépartemental, correspondant à son périmètre étendu. Tout en reconnaissant une gestion saine, elle recommande par ailleurs une actualisation du calcul des redevances usagers en s’appuyant sur la comptabilité analytique.
Créé en 1970 après la disparition du département de la Seine pour assurer la mission d’épuration des eaux usées de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le SIAAP a étendu son service à 180 collectivités et groupements de la grande couronne ainsi que 400 entités industrielles. Les près de 1800 agents de cet établissement public traitent chaque jour 2,33 millions de m3 d’eaux usées, ce qui représente 20 % de la dépollution des eaux usées du pays. Son Conseil d’administration ne s’est en revanche pas adapté à ce nouveau périmètre, toujours composé d’élus de Paris et des trois départements de petite couronne. La CRC estime que celui-ci devrait évoluer, notamment dans le contexte des réformes de gouvernance du Grand Paris. La CRC recommande aussi des règles plus claire dans la nomination des administrateurs du syndicat par les départements et la ville de Paris afin d’éviter la crise de gouvernance qui a fait suite aux élections départementales de 2015. Le changement de rapports de force politique dans les différents conseils départementaux avaient généré une crise telle qu’il a fallu attendre le mois de novembre suivant pour que soit installé un Conseil d’administration et son président.
La CRC veut faire rembourser les indemnités des administrateurs
La Chambre régionale de la Cour des comptes dénonce par ailleurs la rémunération des administrateurs du SIAAP jusqu’en 2015, rappelant qu’aucun texte ne donne au conseil d’administration d’une institution interdépartementale le pouvoir d’accorder à ses membres des indemnités à raison de leur présence à des réunions, et appelant à leur remboursement. «Ce défaut de base légale était connu du conseil d’administration et objet de débat en son sein. Les sommes ainsi irrégulièrement versées par le SIAAP aux élus se sont élevées au total à 751 000 € brut sur la période 2011 à 2015, soit 647 000 € net. Ces versements indus paraissent avoir cessé en 2016», indique la CRC. Dans ses conclusions, le seul rappel au droit de la CRC concerne ce point. La CRC recommande en outre que soit organisé sur une base volontaire le reversement des indemnités et jetons «indûment perçus».
La Chambre insiste sur le fait que l’absence de base légale était connue des élus et avait fait l’objet de débats animés «entre ceux qui refusent de percevoir de telles indemnités pour cause d’illégalité, et ceux qui les acceptent en considérant qu’il y a un «vide juridique» en la matière.» Un vide juridique qui n’existe aucunement pour la CRC qui note également que les administrateurs ont continué à percevoir leurs indemnités pendant la période de vacance de gouvernance de 2015. Y compris ceux qui n’avaient plus aucune raison de rester administrateurs, n’étant plus élus depuis mars 2015, à commencer par Maurice Ouzoulias, président du Siaap jusqu’en novembre 2015 alors qu’il ne s’était pas représenté au Conseil départemental du Val-de-Marne en mars. Dans son mémoire en réponse, l’actuel président du SIAAP, Belaïde Bedreddine, invoque l’article 5 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen qui stipule que «tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.» Le président défend par ailleurs la légitimité de telles indemnités, notant que des établissements publics interdépartementaux remplissant des missions analogues ont, eux, le droit de le faire, et rappelant que le SIAAP ne s’était jamais vu reprocher le versement de ces indemnités lors des précédents contrôles. Concernant le versement des indemnités après la fin du mandat des élus, le président défend que ces derniers sont dans leur droit tant qu’ils exercent leurs fonctions de manière effective, s’appuyant sur un article du Code général des collectivités territoriales.
Des finances saines mais une redevance usager en forte augmentation
En matière de finances, la Chambre reconnaît une situation saine, avec un bon rythme d’investissement et un endettement limité et peu risqué, mais recommande d’actualiser le calcul de la redevance payée par les usagers en s’appuyant sur les données de comptabilité analytique «afin d’imputer à chacune des missions l’exacte proportion de coûts qu’elle implique et faire ainsi supporter aux usagers de petite et de grande couronnes les seules charges de gestion dont ils sont redevables.» Le produit de la redevance pour assainissement, qui représente environ près de 80% des recettes du syndicat, a en effet bondi de 24 % de 2010 à 2016. «Les usagers de Paris et des départements de petite couronne ont vu leur redevance passer de 0,72 à 1,004 € HT / m3 d’eau facturée entre 2010 et 2016, soit une hausse sur la période de 39,4 %. Les usagers dans le ressort des syndicats de grande couronne clients du SIAAP ont vu leur redevance passer de 0,44 à 0,572 € / m3 dans le même temps, soit une hausse de 30 %», détaille la CRC, laquelle note que la hausse de ces recettes «dépasse amplement l’érosion des primes pour épuration versées par l’AESN (Agence de l’Eau Seine Normandie) dont allègue le syndicat.» La Chambre reconnaît en revanche que «la croissance des recettes du SIAAP accompagne un mouvement objectif de renforcement du poids des normes d’épuration, et avec elles un impératif d’investissement massif dans de nouvelles installations de traitement. Sur ce point, la hausse continue de redevance apparaît comme nécessaire au SIAAP. En revanche, la recherche de sources financement alternatif, en particulier la valorisation des sous-produits de l’assainissement (biogaz, boues résiduelles), n’a pas encore pris le pas.» Sur cette question, le président du SIAAP rappelle qu’outre la baisse significative de la prime d’épuration, le syndicat a dû répondre à l’injonction de maîtrise de son endettement faîte lors d’un précédent contrôle de la CRC.
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