“Il est 11h, et j’ai déjà le contact de cinq personnes”, se réjouit Mireille Rouquet, entrepreneure en communication. Comme elle, des dizaines de nouveaux entrepreneurs se sont retrouvés ce jeudi aux Rendez-vous de l’entrepreneuriat à Orly pour confronter leur projet et développer leur réseau. Des profils variés allant des demandeurs d’emploi aux auto-entrepreneurs en passant par les Géo Trouvetout.
“J’ai créé ma société en 2017, suite à une formation en communication digitale. Ma cible, les porteurs de projet qui veulent communiquer via les réseaux sociaux. Ma ligne de conduite ? Mettre l’humain au cœur des relations. Je suis venue trouver des outils pour dénicher de nouveaux clients. Le but c’est vraiment de réseauter”, confie-t-elle.
Esaü, lui, a commencé par l’auto-entrepreneuriat. A 39 ans, cet habitant de Villecresnes est à la tête d’une société en communication. “Je suis auto-entrepreneur depuis 2012. Je n’ai rencontré aucun problème lié à ce statut : une fois la prospection réalisée, ça baigne. Je veux lancer une autre société en parallèle, en marketing digital, avec pour objectif de créer à terme une holding. Une amie m’a proposé de l’accompagner à ce rendez-vous, et j’ai bien fait d’y aller car j’ai pu échanger avec pas mal de dirigeants.”
Au programme de cette sixième édition des Rendez-vous de l’entrepreneuriat, organisée par l’association Orly International (cofinancée par les départements de l’Essonne, du Val-de-Marne, la région Ile-de-France et le groupe ADP (Aéroports de Paris) : des ateliers pour apprendre à présenter son projet, le vendre à un banquier, trouver un local, recruter et gérer des ressources humaines, protéger ses innovations, des stands de partenaires, un espace networking, un stop diag flash où l’on peut bénéficier d’un diagnostic de son projet, un lab’café créateurs… Des coachs sont au rendez-vous pour accompagner cette nouvelle garde des chefs et cheffes d’entreprises, reconnaissables à leur foulard orange. Des lycéens sont aussi venus prêter main forte pour l’accueil.
Gros succès pour le match making
A l’espace Networking, Anrifa tente de connecter les personnes présentes sur des projets communs. “Je cherche des ingénieurs en hydraulique pour créer la machine que je veux mettre en place” présente Mohamed, quinquagénaire. “Moi !“, lui répond un futur jeune diplômé. “Je vous laisse ma carte, pour tout ce qui est business plan”, propose une autre. Le projet ? “Soulever des bateaux qui pèsent des milliers de tonnes”.
Puis c’est au tour de Mireille de venir se présenter. Chacun dispose d’une tribune d’1 min 30. Anrifa insiste sur la nécessité d’être direct et concis, “des qualités indispensables pour un bon entrepreneur“, et n’hésite pas à les couper : “La prochaine fois, commencez par ça. Vous avez failli les perdre“, conseille-t-elle à un agent immobilier désireux de lancer une application sur le modèle d’Airbnb, qui répertorie et géolocalise les appartements parisiens disponibles. Chaque membre de l’assemblée a une flèche en main, un smiley jaune sur une face, un point d’interrogation sur l’autre. Le smiley manifeste l’envie d’entrer en contact. En parallèle, les cartes de visites passent de mains en mains, dans l’assemblée.
“Avant de déménager, il faut trier. Et c’est ce que je propose, avec ma future application. Donc vous aurez besoin de moi !”, adresse une participante à l’agent immobilier. Alors que l’ingénieur et le chef d’entreprise en devenir discutent désormais à l’écart du groupe, l’animatrice reprend une responsable dans la grande distribution : “Je coupe court, parce que c’est trop technique. C’est important de bien leur expliquer, pour bien les démarcher. Il faut d’abord leur poser une question, parce que l’humain est fait ainsi : il aime parler de lui, parce qu’il se sent unique et il l’est. Les gens se foutent du classement de telle entreprise sur tel marché.
A l’initiative de cet espace, Anrifa Hassani-Mze, créatrice de Yoostar. “Cet espace, c’est la première fois que je le teste. Je l’ai pensé pour maximiser les opportunités de contacts. On appelle ça du match making. L’histoire de Yoostart a commencé par la création d’une communauté d’entrepreneurs, sur les réseaux, juste avec des copains. Et puis, cela a eu du succès, j’ai décidé de m’y consacrer pleinement il y a un an. Maintenant, je suis à la tête d’un réseau de 1000 entrepreneurs, et même de 20 000 sur Facebook.”
Entreprendre pour avoir du boulot
Parmi ceux qui sont prêts à franchir le pas de la création, une bonne proportion se lance pour retrouver un emploi. C’est le cas d’Alexandra, assistante bancaire pendant trente ans, aujourd’hui au chômage. “Je suis venue chercher des informations, des tuyaux pour lancer ma boîte dans l’assistanat virtuel et le digital. Le numérique m’intéresse et je dois suivre une formation. Je ne cherche pas à créer une entreprise avec laquelle faire fortune ! Juste de quoi retravailler jusqu’à la retraite.” C’est Pôle emploi qui lui a fait part de l’événement, tout comme pour Jacqueline. Déjà auto-entrepreneure dans le domaine de l’export à l’international, elle explique vouloir s’y replonger : “J’ai dû arrêter en 2018, à cause de la situation instable au Moyen-Orient. Je sais que c’est dur de trouver du travail. Je veux faire la même chose, mais élargir mes zones géographiques d’échanges pour ne plus avoir ce genre de contraintes.”
“Je veux créer une boîte dans la sécurité informatique et le RGPD, le règlement général sur la protection des données. Je suis au chômage, et je dispose de trois ans pour bénéficier d’une réduction de charges patronales et salariales selon Pôle emploi“, témoigne encore Ahmed, qui travaillait dans l’informatique.
Christine, infographiste venue de Viry-Châtillon, est également sans emploi. ” Je suis restée treize ans dans une boîte qui a été rachetée 4 ou 5 fois. Et les racheteurs, c’est la clientèle qui les intéresse, pas forcément le personnel. Alors, mon idée part d’un ras-le-bol, et j’ai envie de m’y risquer. On ne peut pas savoir si on va s’en sortir, ni comment cela va finir, mais avec Pôle emploi, je suis assurée d’avoir un revenu pendant encore deux ans et demi. C’est d’ailleurs par leur biais que je suis là aujourd’hui. Mon conseiller a pensé que des futurs entrepreneurs auraient besoin de mon concept : créer des logos, des flyers, pour promouvoir leur produit. Ce matin, j’ai assisté à une conférence et à la fin, j’ai pris le micro malgré ma grande timidité, et j’ai passé mon annonce. Oser, ça fait partie des qualités que je me dois d’avoir.”
Donner des conseils après en avoir reçu
“Tout au long de l’année et aujourd’hui en l’occurrence, je suis démarchée pour animer des salons, des conférences. J’oriente les entrepreneurs vers des structures appropriées comme la BGE (Boutique de Gestion), La Miel, Entrepreneurs dans la Ville. Mon vrai gros projet, c’est d’acquérir un espace de coworking qui m’appartienne, pour ne dépendre que de moi-même. Je travaille actuellement avec des freelances, mais à terme l’objectif est de recruter. J’ai par ailleurs changé de statut, en passant au statut d’entreprise et non plus de micro-entreprise : on appelle ça une SASU, une Société à Associé Unique. Il apporte un autre cachet, augmente la crédibilité. Et tout tourne autour de ça, dans entrepreneuriat”.
“Nous sommes venus prodiguer des conseils à notre tour”, expliquent Sandrine Déjardin (photo de une), conseillère en art, et Marie-Pierre Chazelle, responsable administrative et financière. “Je suis la cheffe d’entreprise de Corner Art – chineur de talents depuis 1 an, après avoir travaillé dessus pensant 1 an et demi au sortir de mon licenciement. C’est une plateforme qui recense des créateurs français, tout simplement. Ils s’abonnent, et en échange, nous mettons à leur disposition une vitrine que nous actualisons. Je voulais donner un peu de sens à ma vie, chose que je ne ressentais pas en étant responsable qualité matière pour de la lingerie. J’ai toujours adoré chiner. Pour les démarcher, je vais à des salons, à des vernissages. Je suis une passionnée, ce qui explique peut-être que je ne me sois pas rendu compte du risque de me lancer !” L’entrepreneure atteindra cette année le point mort (équilibre financier), ce qui va lui permettre d’embaucher du personnel et de rechercher des investisseurs.
“Il faut savoir bien s’entourer. Il n’a pas de règle pour savoir si tel projet va être casse-gueule plutôt qu’un autre. J’incite les gens à sauter le pas, en étant conscients des enjeux de cette démarche, parce qu’ils ont le droit d’en avoir marre de galérer à trouver un travail, qui plus est mal payé. C’est ce qui explique un tel engouement”, confie Marie-Pierre Chazelle, dont le cabinet s’occupe de gérer les finances de Corner Art.
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