Débat public | | 05/03/2019
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Le Grand débat national à la prison des femmes de Fresnes

Le Grand débat national à la prison des femmes de Fresnes © CD

Les détenus aussi ont des choses à dire. A la Maison d’arrêt de Fresnes, le Grand débat national a trouvé preneur et après deux premières réunions dans les divisions hommes, c’est à la Maison d’arrêt des femmes (Maf) que l’échange s’est poursuivi ce vendredi 1er mars dans la matinée, tant sur les valeurs de la République et les services publics, que sur les conditions de vie en Guyane dont beaucoup de détenues sont originaires, arrêtées car elles servaient de mules.

«Nous avons reçu 72 candidatures, cela prouve qu’il y avait un certain intérêt pour ce débat. Malheureusement, nous ne pouvions pas accueillir tout le monde», s’excuse le directeur de la Maf, François Marie. Dans la petite salle d’activités aux murs décatis, réchauffée par le piano offert par la chanteuse Barbara, visiteuse discrète de la prison, 25 femmes arrivent tranquillement, en ce début de matinée. Quelques unes se sont même munies de petits livrets compilant les fiches de présentation des quatre thèmes du débat pour pouvoir le préparer avant.

Après un temps de silence, une participante se lance.«Je ne vote pas parce que je n’y vois pas d’intérêt, beaucoup de personnes ont voté pour Macron et aujourd’hui, ils manifestent. J’aime autant ne pas avoir à regretter d’avoir voté pour quelqu’un !» Sa voisine renchérit : «C’est pas de leur faute aux gens s’ils ne votent pas, il y a beaucoup de promesses qui ne se réalisent pas», déplore -t-elle. «Si Marine Le Pen n’était pas raciste, elle ferait peut-être le job», suggère une autre. «Il n’y a pas que des Français en France ! Il faut que tout le monde ait les mêmes droits et puis il y a beaucoup de personnes qui ont des origines étrangères. Nous sommes tous métissés. Dans ma génération, on s’en foutait de la religion ou des origines des gens, aujourd’hui, il y a beaucoup de tension autour de cela», réagit-on immédiatement à ses côtés.

Comment encourager les citoyens à voter, questionne le directeur. «Je pense que l’on est assez intelligent à 16 ans pour pouvoir donner son avis. Il faudrait peut-être abaisser l’âge du droit de vote», propose une première. «J’ai suivi des cours de secrétariat et j’ai eu des cours de droit et d’économie. C’était très intéressant pour comprendre le rôle et le fonctionnement des institutions. Tout le monde devrait savoir comment ça marche. En général, les gens ne sont pas assez informés», relève une autre.

«La liberté, on l’a surtout quand on regarde ce qu’il se passe ailleurs»

De quoi rebondir sur les valeurs de la République. «La liberté, on l’a surtout quand on regarde ce qu’il se passe ailleurs dans le monde où les gens n’ont pas le droit de vote, où la situation est difficile pour les femmes. Ici nous pouvons vivre en paix, voter, s’exprimer librement, créer une entreprise, partir à l’étranger», témoigne une détenue. «La fraternité, il y en a aussi. Les rassemblements sur les ronds points en sont la preuve !» encourage une autre. Quid de l’égalité ? «C’est plus compliqué. Nous sommes traités différemment en fonction de notre argent», lance une jeune femme.

Quelles solutions? demande le directeur. «Faire payer davantage d’impôts par exemple», risque une participante. «Ah ça non ! Il y a des gens qui travaillent toute leur vie, cela n’est pas pour s’entendre dire qu’il faut qu’ils partagent. Par contre, il faut faire en sorte que les plus riches, ceux qui mettent leur argent à l’étranger, payent ce qu’ils doivent à l’État», lui répond-on. Une autre tente la synthèse. «Il faudrait que tout le monde, actif et inactif paye en proportion de ses revenus!» Les participantes réclament aussi une réduction du train de vie de l’État. «Ceux qui nous gouvernent sont beaucoup trop payés. Ils devraient être rémunérés en fonction de leurs performances !»

«De nombreux Guyanais sont contraints de faire les mules»

Alors que de nombreuses détenues de la maison d’arrêt pour femmes de Fresnes ont été condamnées pour avoir tenté de passer de la drogue de Guyane en métropole, plusieurs déplorent le manque de perspectives offertes pour les habitants des territoires d’Outre-mer. «Nous avons énormément de richesses mais elles ne bénéficient pas au développement de notre pays. Il y a des compagnies minières étrangères à la Montagne d’or, nous permettons à d’autres États d’utiliser le centre spatial de Kourou… C’est pour cela que notre territoire ne s’enrichit pas, qu’il offre très peu d’opportunités à sa jeunesse et que de nombreux Guyanais sont contraints de faire les mules» lâche une jeune femme. «Après mon bac pro dans la mode, j’ai cherché un BTS mais il n’y en avait qu’en métropole alors j’ai commencé à chercher du travail en vain. Là encore, il me fallait aller en métropole. Beaucoup d’entre-nous souhaitent rester sur place mais il y a trop peu de possibilités. Il faut que la France permette aux entreprises et aux organismes de formation de s’installer pour éviter la fuite de Guyane», insiste une étudiante. «D’autres territoires d’Outre-mer sont touchés par ces problèmes, et aussi certains territoires en métropole, comme à la campagne par exemple. Il faut maintenir ou développer l’offre de services publics de proximité comme des hôpitaux, des missions locales ou des bureaux de poste», plaide une détenue.

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