RIP. Voilà trois lettres qui s’annoncent funestes pour la privatisation d’Aéroports de Paris. S’il ne s’agit pas de l’acronyme latin pour «repose en paix», la proposition de Référendum d’initiative partagée lancé ce mardi 9 avril par des parlementaires de droite et de gauche pour s’opposer à la privatisation d’ADP, déjà signée par 218 députés et sénateurs, constitue une première. Et même si le parcours de ce RIP ne fait que commencer, il remet sérieusement en question l’une des mesures controversées de la loi Pacte actuellement en cours de discussion au parlement.
«Un aéroport n’est pas une entreprise comme les autres : c’est un outil stratégique de politique économique. Cette vision est partagée par la plupart des pays européens pour lesquels les aéroports restent propriété de la puissance publique (ville, région, Etat…). C’est ainsi qu’en Allemagne, en Espagne ou en Italie, aucun aéroport n’est détenu uniquement par des acteurs privés. Au sein de l’Union européenne, la France, avec le Portugal, la Slovénie, la Hongrie et la Roumanie, fait figure d’exception avec actuellement plus de 40% d’aéroports détenus par des acteurs privés. Récemment, la réflexion sur le positionnement stratégique des infrastructures, et par voie de conséquence leur mode de financement, vient de trouver un nouvel écho au Royaume Uni où la majorité conservatrice a décidé en octobre 2018 de ne plus recourir aux partenariats public-privé pour financer les infrastructures. Afin de ne pas reproduire les erreurs liées à la privatisation d’infrastructures stratégiques en situation de monopole, nous souhaitons avec la présente proposition de loi référendaire donner la possibilité au peuple français de se prononcer quant à l’affirmation du caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Parois, ce qui aura pour conséquence de rendre impossible leur privatisation», tel est l’exposé des motifs de la proposition de loi référendaire déposée ce mardi 9 avril sur le bureau de la présidence de l’Assemblée nationale et cosignée par déjà 218 parlementaires issus de onze groupes politiques différents.
La proposition de loi elle-même se résume à un article unique : «L’aménagement, l’exploitation et le développement des aérodromes de Paris-Charles de Gaulle, Paris-Orly et Le Bourget, revêtent les caractères d’un service public national au sens de l’alinéa 9 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.» A l’Assemblée nationale, elle a été signée par des membres des groupes PS et apparentés, LR, GDR, LT, LFI et des Non inscrits. Au Sénat, se sont associés des élus des groupes PS, LR, CRCE, RDSE, UC.
Ce mardi 9 avril, Gilles Carrez, député LR du Val-de-Marne, comme Robin Réda, député LR de l’Essonne, étaient aux côtés de Boris Vallaud, député PS des Landes et d’autres parlementaires de tous bords, pour défendre l’initiative à l’occasion d’une conférence de presse commune.
Ce coup d’éclat n’est toutefois qu’une première étape. La balle est désormais dans le camp du Conseil constitutionnel qui dispose d’un mois pour vérifier que la proposition s’inscrit bien dans le cadre prévu par le RIP. Ensuite, il faudra encore que 4,7 millions de citoyens (soit 10% du corps électoral français, ce qui est très important au regard des faibles taux de participation des citoyens aux élections en général) apportent leur soutien au projet, lors d’une consultation en ligne organisée par le ministère de l’Intérieur. Cette étape de consultation est prévue sur 9 mois. Sur Internet, la pétition lancée sur Change.or il y a deux semaines contre la privatisation d’ADP, a pour l’heure recueilli un peu plus de 150 000 signatures. Voir la pétition Si toutes ces conditions sont réunies, le parlement pourra aussi éviter le référendum en s’emparant lui-même du sujet dans les 6 mois suivant la validation du référendum par la consultation citoyenne. Au plus tôt, le RIP ne pourra donc pas être mis en oeuvre avant la fin 2020, début 2021.
Cette première étape n’en constitue pas moins une première.
«Face à l’aberration économique et l’erreur stratégique que constitue le projet du gouvernement de privatiser Aéroports de Paris (ADP), nous enclenchons une procédure inédite prévue par l’article 11 de la Constitution en rassemblant des députés et des sénateurs de tous bords. Pendant plusieurs mois, les gilets jaunes ont exprimé leur colère suite à la privatisation des autoroutes : nous ne pouvons pas sortir du grand débat et leur proposer de privatiser Aéroports de Paris ! Pendant plusieurs mois, les Français ont exprimé leur souhait d’être plus directement associés aux décisions politiques : associons les à ce choix stratégique ! Nous proposons donc aux Français de reconnaître, par la voie du référendum, que l’aménagement, l’exploitation et le développement de ces aéroports relèvent d’un service public national. Le préambule de la Constitution de 1946 précisant qu’un service public national est la propriété de la collectivité, le gouvernement ne pourrait plus privatiser les Aéroports de Paris», motivent les députés PS dans un communiqué.
Grande fierté de partager ce travail transpartisan avec mes collègues parlementaires pour défendre l’intérêt des français https://t.co/zfaZocYZeI
— Gilles Carrez (@GillesCarrez) 9 avril 2019
Lors du dernier Conseil départemental du Val-de-Marne, les élus avaient voté à l’unanimité un voeu contre la privatisation des aéroports parisiens.
A lire aussi :
Ce type de referendum est une bouffonnerie, car les conditions à remplir sont quasi impossibles à obtenir.
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.