Induite par l’évolution technologie et accélérée par les déserts médicaux, la téléconsultation de médecins, remboursée sous condition depuis le 15 septembre 2018, a vu écore des plate-formes de télé-consultation et applis mobiles comme Qare, Doctolib ou Livi. Un nouveau marché qui pallie en partie à la difficulté de trouver un médecin en ville ou en village, qui suscite à la fois intérêt et réserves de la part des médecins. Dans le Val-de-Marne, le Conseil de l’Ordre a questionné les médecins et pris les devants pour que ces derniers soient parties prenantes de ce nouveau canal, tout en rappelant que cette pratique ne peut rester que marginale. Explications et projets avec Bernard Le Douarin, président de l’Ordre des médecins du Val-de-Marne.
“La téléconsultation inquiète pas mal de médecins mais a le mérite d’exister et il va falloir faire avec, en plus des dispositifs existants. Cette solution n’a toutefois pas vocation à remplacer les rendez-vous en présence. Elle est intéressante pour les pathologies qui encombrent les Sami et services d’urgence comme le rhume, la rhinite, les infections ORL… mais elle doit rester marginale. Pour réaliser un diagnostic, il faut palper, ausculter, voir son patient”, pose Bernard Le Douarin, président de l’Ordre des médecins du Val-de-Marne. Au niveau national, le Conseil de l’Ordre a décidé d’être partenaire dans le respect strict du cadre fixé par la Sécurité sociale qui précise que les médecins libéraux doivent connaître le malade sauf exceptions comme l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous rapidement, rappelle-t-il. La téléconsultation ne peut par ailleurs concerner que certaines pathologies. Voir détails sur Améli. “Et un avenant précise que la plate-forme de téléconsultation doit s’inscrire dans l’organisation territoriale préexistante”, insiste également Bernard Le Douarin, citant dans le Val-de-Marne l’organisation des services de garde, des Sami, du Samu centre 15….
Dans le Val-de-Marne, les médecins sont partagés
Pour veiller à l’ancrage territorial de cette nouvelle pratique, le Conseil de l’ordre des médecins du Val-de-Marne a pris les devants, d’abord en consultant les médecins. “Nous avons reçu 100 réponses également partagées entre ceux qui sont motivés et ceux qui sont complètement opposés”, explique le président du Conseil de l’ordre départemental. Si certains médecins voient l’intérêt de cette possibilité pour pouvoir donner un avis rapide sur certaines pathologies simples, faire un renouvellement d’ordonnance qui ne nécessite pas un examen complet, suivre un patient déjà bien connu d’une maladie chronique, et mieux gérer leur temps, d’autres praticiens jugent cette pratique risquée pour le patient, considérant l’ensemble des informations qui ne peuvent passer que lorsque l’on est en contact réel, et s’alarment pour certains d’une ubérisation de la médecine. D’où l’insistance du représentant départemental de l’Ordre à rappeler qu’il ne s’inscrit dans cette démarche que dans le strict respect de l’avenant 6 qui encadre le sujet et qui a permis une acceptation par la plupart des syndicats de médecins. Ces derniers restent néanmoins très vigilants et à l’automne, l’Ordre des médecins a par exemple mis en demeure la société Qare de faire cesser ses campagnes publicitaires.
Déjà 50 médecins du Val-de-Marne prêts à télé-consulter
Dans ce contexte, la seule manière d’agir est de ne pas attendre que quelques acteurs, futurement concentrés, se soient imposés partout sur le territoire. L’Ordre des médecins du Val-de-Marne planche donc sur la réalisation de plates-formes locales, en parallèle de la signature imminente d’une charte avec Livi pour encadrer ses pratiques sur le territoire. “Le problème des plates-formes nationales est qu’elles ont des médecins de partout, pas spécifiquement du Val-de-Marne”, motive Bernard Le Douarin. Une préoccupation partagée. Dans le questionnaire, une question subsidiaire demandait aux praticiens s’ils seraient prêts à participer eux-mêmes en cas de création d’une plate-forme locale et une cinquantaine de médecins du Val-de-Marne ont d’ores et déjà répondu positivement. “Cette démarche va s’inscrire dans le cadre des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) qui s’organisent dans le cadre de la prévention du suivi du diabète, des personnes âgées, du cancer… 5 sont déjà en cours de construction dans le département dont une très avancée à Champigny-sur-Marne. Nous souhaitons brancher nos plates-formes sur ces CPTS pour créer en quelque sorte des e-Sami. Une CPTS ne pouvant pas s’adresser à plus de 100 000, il en faudra une douzaine pour le département mais nous tablons d’abord sur quelques plates-formes. Nous disposons pour cela d’un budget de l’ARS (Agence régionale de santé) afin de recruter un coordonnateur par CPTS, et les médecins ont aussi un budget pour s’équiper“, détaille le président du Conseil de l’ordre 94.
Les Maisons de santé restent la solution principale
Pas question encore une fois de faire de cette nouvelle pratique l’alpha et l’oméga de la médecine généraliste et la seule solution pour pallier les déserts médicaux. “Nous travaillons aussi avec les maires pour créer des Maisons de santé. Une dizaine sont en création dans le département. La solution viendra de là. Les plates-formes resteront marginales”, rappelle Bernard Le Douarin. L’Ordre travaille en parallèle sur une initiative territoires 91- 77 – 94 pour inciter les médecins généralistes à s’implanter et les accompagner, en les sensibilisant dès leur période de formation. “Il faut soutenir et revaloriser l’image de la médecine de ville. Un médecin généraliste n’est pas quelqu’un qui a échoué au concours de l’Internat. C’est un beau métier difficile, poly-compétent.”
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