Si les médecins de ville qui croulent sous la patientèle se réjouissent de voir arriver de nouveaux confrères, la diminution de la démographie médicale a des effets inverses sur le marché des officines, fragilisé. Les habitants veulent leur pharmacie de quartier mais l’équation n’est pas simple.
Fin décembre 2018, le Tribunal administratif de Melun a annulé un arrêté de l’ARS (Agence régionale de santé) de janvier 2016, autorisant un nouveau professionnel à reprendre la pharmacie du quartier Liberté de Maisons-Alfort dont le précédent gérant était décédé un an avant. A l’initiative de la plainte, une pharmacie, située à deux cent mètres de là, qui voyait d’un mauvais œil la concurrence revenir après un an de fermeture. Depuis, l’agence a fait appel et l’affaire suit son cours mais la nouvelle a vite fait le tour du quartier Liberté et les habitants, attachés au retour de cette officine de proximité au pied de leurs tours, ne sont pas restés sans réagir. Un comité de soutien s’est constitué et une pétition en ligne la été lancée, qui a recueilli plusieurs centaines de signatures.
«On va se battre. On va mettre des gilets verts», commente un client. «On est très attaché à notre pharmacie, même s’il veut partir on ne le laissera pas !» abonde un autre. «Cette pharmacie a toute sa place dans le quartier car elle contribue à son dynamisme et apporte un réel service de proximité très apprécié par la population», insiste la pétition.
Interpellés par les habitants, les maire et député de la ville, Olivier Capitanio et Michel Herbillon ont aussi réagi en écrivant au directeur de l’ARS, lui demandant de les tenir informés des suites données à ce dossier pour que le quartier Liberté puisse continuer à bénéficier de sa pharmacie de quartier.
Si la situation s’est ébruitée du fait de la pétition lancée par les habitants, ce cas de requête en justice n’est pas inédit en France où le marché des pharmacies est réglementé par un numerus clausus qui limite le nombre d’officines par territoire en fonction de la population. Il ne suffit pas en effet d’avoir son diplôme pour s’installer. Cette limitation n’empêche pas une concurrence de plus en plus âpre sur le terrain.
«La désertification médicale qui se met en place commence à produire ses effets. Elle entraîne une diminution de la prescription qui va en parallèle d’une réduction du nombre de médicaments sur les ordonnances, constate Eric Douriez, président de la Chambre syndicale des pharmaciens du Val-de-Marne de l’Uspo (Union des syndicats de pharmaciens d’officine). Les médicaments ne représentent que 13 à 15% de la facture de la Sécurité sociale mais 40% de ses économies réalisées. Toutes les semaines, il y a des baisses de prix de médicament», détaille le pharmacien de Thiais, précisant que ce ne sont pas les génériques qui sont en cause car la marge est la même. La vente de parapharmacie, qui peut représenter de 5% à 30% du chiffre d’affaires en fonction des officines, constitue certes un complément de recettes mais elle se retrouve, elle, soumise à la concurrence d’autres parapharmacies, de la grande distribution et encore d’Internet. D’où la demande des syndicats de pharmaciens de prendre davantage en compte le rôle d’accompagnement et de conseil. «Nous défendons une rémunération par acte, plutôt que qu’en fonction du seul nombre de médicaments sur les ordonnances, qui reconnaisse le rôle du pharmacien. Et nous avons obtenu un avenant en ce sens, qui se met en place depuis un an», explique Eric Douriez. D’ici à l’année prochaine, la prestation des pharmaciens sera également valorisée lorsque les patients sont des enfants, des personnes âgées de plus de 70 ans ou encore des personnes affectées de pathologies lourdes comme la chimiothérapie, qui exigent plus de temps avec son pharmacien. D’autres prestations commencent aussi à faire leur entrée dans les officines comme la vaccination contre la grippe, dès l’année prochaine, ou encore l’accueil de téléconsultations médicales. Progressivement, le métier se transforme. Les officines, qui doivent obligatoirement appartenir au pharmacien autorisé en exercice, adhèrent aussi de plus en plus à des groupements pour mutualiser leur communication ou bénéficier de meilleurs prix sur la parapharmacie.
A Maisons-Alfort, les deux pharmacies tentent désormais de calmer le jeu. «J’ai eu mes autorisations. Une pharmacie ne s’ouvre pas comme cela donc je n’ai rien à craindre», insiste le repreneur de l’officine du quartier Liberté, pour rassurer ses clients, d’autant que la population du quartier ne motive pas qu’il y ait une pharmacie de moins. «La population déforme des choses qu’elle ne comprend pas», regrette pour sa part le pharmacien de l’officine qui a déposé le recours en justice.
Selon le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, le Val-de-Marne comptait 401 pharmacies au 1er mars 2019. Six officines du département ont fermé l’année dernière.
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