Blocage de dépôts de bus, AG dans les écoles, manif à Paris… la mobilisation contre la réforme des retraites s’est poursuivie ce mardi 11 décembre, en légère demi-teinte par rapport à jeudi dernier, tandis que les usagers des transports prennent leur mal en patience. Tout le monde attend les annonces de ce mercredi.
Ce mardi comme ce lundi, c’est par un blocage matinal des dépôts de bus de la RATP que la journée a commencé à Vitry-centre et Thiais Bas-marin en Val-de-Marne, ainsi que dans cinq autres sites de l’agglomération parisienne. Jusqu’à l’intervention des CRS, les véhicules ont été bloqués à l’intérieur des dépôts et le transporteur n’a pas été en mesure d’assurer son objectif d’un tiers de bus aux heures de pointes matinales.
Dans les écoles, collèges, lycées, encore beaucoup d’AG se tiennent, à l’instar du collège Adolphe Chérioux de Vitry-sur-Seine où 100 % des professeurs et des personnels de vie scolaire étaient en grève le jeudi 5 décembre, et 87 % des professeurs et 100 % des personnels de vie scolaire le vendredi 6. “La majorité des professeurs mobilisés réunis en Assemblée Générale ce lundi 9 décembre ont annoncé leur intention de reconduire ce mouvement de grève jusqu’au jeudi 12 décembre a minima”, indique le collectif des personnels et enseignants. Idem au collège Paul Vaillant-Couturier de Champigny-sur-Marne dont l’AG de vendredi avait décidé à 75% de reconduire le mouvement ce mardi. “Nous dénonçons le cynisme du gouvernement qui, devant la réalité de la régression inédite qui s’avance pour les pensions des enseignants, propose une augmentation de 500€ par an pour faire oublier une perte de 500€ par mois !”, motivent les professeurs. Au niveau national, le taux de gréviste dans l’Education nationale était toutefois en décrue, de l’ordre de 13,7% en moyenne contre 41% le jeudi 5 décembre. “Beaucoup attendent de voir les déclarations du gouvernement demain”, analyse Eric Charles, professeur à Champigny délégué Sud Education. “Tout le monde a un cas de conscience en faisant grève, la question est qu’est ce qu’on doit mettre en avant ? C’est l’avenir. Des écoles ont déjà annoncé continuer le mouvement jeudi et vendredi. Notre position reste le retrait de la réforme ou rien”, poursuit le syndicaliste.
Vers midi, 26 bus affrétés par des organisations syndicales du Val-de-Marne ont fait le plein pour partir en direction des Invalides à Paris, d’où s’élançait la manifestation.
Dans le cortège de la CGT du Val-de-Marne, le secrétaire général Cédric Quintin explique lors d’un live-facebook que le retrait de la réforme est à porté de main. “Nous nous situons aujourd’hui dans le prolongement de la puissante journée de manifestation du 5 décembre où l’on a compté 1.5 millions de participants, 270 000 sur Paris, c’est quelque chose d’énorme Le mouvement des colères et des protestation s’enracine dans le pays, notamment en Val-de-Marne, et ce n’est pas terminé parce que nous sommes à la veille des annonces du premier ministre et qu’on s’attend à ce qu’il reste droit dans ses bottes”, prévoit le délégué.
Côté usagers : entre agacement et solidarité
Dans la gare de Champigny-sur-Marne à Saint-Maur-des-Fossés, Lila est assise tête contre le mur dans le photomaton de service. “Je soutiens plus ou moins la grève, c’est à dire jusqu’à une certaine limite”, déclare t-elle. Elle attend depuis quelques minutes déjà son bus pour rentrer. “Le matin, mon trajet quotidien pour aller à Châtelet a été rallongé de 30 minutes et je pars plus tôt du travail pour avoir un train, je me suis arrangée avec ma direction à qui ça ne pose pas de problème”, explique cette logisticienne qui travaille à la Fnac. Même situation pour Fatoumata, 41 ans, qui s’est arrangées au niveau des horaires avec ses camarades du travail. Pour elle, les problèmes de transports imputés à la grève ne sont pas importants. “Ils ont raison de faire la grève, je n’ai pas envie de travailler jusqu’à 90 ans non plus !”, lance cette ASM dans un établissement scolaire à Torcy.
“Je suis contre le fait qu’on soit pris en otage comme ça, sur le RER ça peut encore aller car il y a le service minimum, mais bon j’ai dû échanger mes horaires avec une collègue pour pouvoir rentrer avec les transports, je serais embêtée à force de devoir demander à ce que mes horaires soient aménagés pour que je puisse rentrer chez moi après le travail”, s’agace pour sa part Anaïs, trentenaire employée dans un cabinet d’esthétique médical et qui attend son bus depuis déjà un moment. Pour ce qui est de la réforme de la retraite, la jeune femme admet “ne pas vraiment s’être posée la question”. “Sur le fond, ils n’ont pas forcément tord de faire grève, c’est surtout la manière dont la grève est menée qui pose problème”, reprend-elle.
Voilà pourquoi, selon Rousseau, « les vrais chrétiens sont faits pour être esclaves [16] ». Contrairement à leurs prédécesseurs païens, ils ne peuvent en aucun cas être des citoyens patriotes.
La religion civique ne saurait donc être chrétienne : elle doit porter sur les choses de ce monde (la République des citoyens), non sur les choses de l’au-delà (le Royaume de Dieu). Elle doit être subordonnée à la politique. Sa fonction, selon son étymologie (religare), est de relier les citoyens en une même communion civique.
C’est pourquoi, elle doit être définie par les citoyens eux-mêmes : « Il y a donc une profession de foi purement civile dont il appartient au Souverain de fixer les articles, non pas précisément comme des dogmes de Religion, mais comme sentiments de sociabilité, sans lesquels il est impossible d’être bon Citoyen ni sujet fidèle [17].
» La religion sert à forger la passion patriotique des citoyens et à unir ceux-ci en une seule et même communauté politique.
Elle permet également de les caractériser par rapport aux autres nations, dont les religions diffèrent.
Mais, dans tous les cas, une religion doit coïncider avec une nation : Athéna est la déesse d’Athènes, et pharaon le roi-dieu d’Égypte.
Une religion transnationale car universelle, comme l’est le christianisme, ne ferait qu’affaiblir ce patriotisme en substituant à la fraternité nationale une fraternité de tous les hommes. De ce point de vue, le chrétien est perçu comme un individu dangereux pour l’État et la cohésion nationale, surtout s’il affirme sa religion individuelle à l’exclusion de la religion civique. Rousseau propose une solution radicale : « quiconque ose dire, hors de l’Église point de Salut, doit être chassé de l’État, à moins que l’État ne soit l’Église, et que le Prince ne soit le Pontife [18]. » Dieu doit plier devant César. C’est dire combien le problème politique caractéristique du christianisme, l’articulation des sphères temporelle et spirituelle, se pose avec acuité dans la philosophie politique de Rousseau.
Religion naturelle, religion civique ; religion de l’homme et religion du citoyen : l’antagonisme semble indépassable. Il n’en demeure pas moins constitutif de la pensée dialectique de Rousseau [19]. À sa théorie de l’homme s’oppose sa théorie du citoyen.
Il existe deux « ordres » : l’ordre moral et l’ordre politique.
Les règles respectives régissant ces derniers diffèrent et, à certains égards, s’opposent. La religion naturelle tend à la singularisation de la personne par l’écoute de la « voix intérieure » ;
la religion civique cherche à ancrer l’individu dans la communauté.
La religion naturelle voit dans tous les hommes ses frères ;
la religion civique consacre la distinction entre « nous » et « eux ».
La religion naturelle sacrifie la communion politique en faveur de la conscience de l’homme ;
la religion civique promeut la volonté générale contre la conscience individuelle. L’opposition entre l’ordre éthique et l’ordre politique est, au final, celle qu’inaugure le christianisme : comment vivre dans le monde sans être du monde ? La présence de cette tension, que vingt siècles d’histoire du christianisme ne sont pas parvenus à trancher, dans l’œuvre du philosophe genevois montre qu’il existe bien un « Rousseau chrétien [20] », restituant dans sa théorie les contradictions propres au christianisme. Ne confie-t-il pas lui-même : « je suis chrétien, et sincèrement Chrétien, selon la doctrine de l’Évangile. Je suis Chrétien non comme un disciple des Prêtres, mais comme un disciple de Jésus-Christ [21] » ?
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