Société | | 20/12/2019
Réagir Par

Polémique après la déprogrammation de J’accuse à Ivry-sur-Seine

Polémique après la déprogrammation de J’accuse à Ivry-sur-Seine

Cinéma d’art et d’essai communal, le Luxy, qui s’apprêtait à projeter le J’accuse de Polanski pour une troisième séance le 6 décembre dernier, a dû renoncer à allumer le projecteur en raison d’une manifestation de collectifs venus dénoncer les viols dont le réalisateur est accusé, dont l’un sur une mineure de 13 ans en 1977 aux Etats-Unis est reconnu par l’artiste.

Depuis le témoignage de la photographe Valentine Monnier, début novembre, au moment de la sortie du film, d’un viol de la part du réalisateur en 1975, alors qu’elle avait tout juste 18 ans, l’affaire Polanski divise ceux qui veulent aller voir le film en séparant l’oeuvre de l’artiste, ceux qui veulent le boycotter et encore ceux qui souhaitent interdire sa projection. C’est dans de contexte qu’un collectif d’une trentaine de personnes a décidé de marquer le coup le 6 décembre, en investissant le cinéma ivryen jusqu’à ce que la ville décide de déprogrammer le film pour calmer le jeu.

Une déprogrammation qui a aussi fait polémique. “Les graves accusations qui pèsent sur la personne de Roman Polanski peuvent justifier l’appel au boycott du film; mais c’est à chaque citoyen d’en prendre librement la décision. La LDH soutient les demandes de sanctions plus sévères pour les violeurs, mais s’oppose aux atteintes à la liberté d’expression et de création culturelle”, ont dénoncé la section d’Ivry-Vitry-Charenton et la fédération du Val-de-Marne de la Ligue des droits de l’Homme dans un communiqué condamnant “cet acte de brutale censure.” En ville, un collectif d’une cinquantaine de citoyens a également signé un communiqué dénonçant “un acte de censure d’une gravité exceptionnelle”. “Les faits reprochés à Roman Polanski sont d’une gravité que nul ne conteste et nous condamnons les féminicides, les violences faites aux femmes et aux homosexuels, les actes de pédophilie. Il s’agit ici d’autre chose. Roman Polanski a réalisé une oeuvre de cinéma. Le fait d’aller voir ce film voudrait-il dire que nous cautionnons les agissements criminels de l’auteur ? Nous sommes des femmes et des hommes responsables, notre position ne peut en aucun cas être assimilée à une complaisance ou à une inconscience coupable. La liberté de création ne serait pas totale si elle devait s’arrêter là où commence le droit de certains à réclamer des espaces où leurs convictions ne soient pas heurtées. La liberté ne se divise pas. Laisser faire de tels actes est la porte ouverte à de dangereuses dérives. Les sujets de société divisent, les auteurs peuvent avoir des personnalités discutables voire condamnables. Mais la diffusion des oeuvres ne peut être soumise à la vindicte publique. Dans un état de droit, la justice peut interdire des oeuvres faisant l‘apologie d’actes criminels, ce qui n’est pas le cas dans les oeuvres de Polanski. Pour ne pas ouvrir la porte aux dérapages liberticides, nous signataires refusons la censure, souhaitons garder notre liberté de jugement et souhaitons décider de ce que nous voulons lire, écouter, regarder”, défend le collectif de citoyens.

“La ville n’avait pas l’intention de censurer le film et il s’agissait du reste de la troisième projection. Nous n’avons pas censuré le film mais avons dû nous résoudre à le déprogrammer sous la pression. Pour maintenir la projection, il aurait fallu l’imposer par la force. La police a déjà dû intervenir pour calmer le jeu. Nous ne souhaitions pas en arriver là. Je ne souhaite pas mettre en opposition le combat féministe et la liberté de programmation artistique”, explique Philippe Bouyssou, maire PCF de la ville, qui s’est engagé en revanche à organiser un débat public sur le sujet pour prendre le temps de poser le sujet et de laisser chacun déployer ses arguments de façon plus apaisée.

De son côté, Violette, du collectif On arrête toutes 94, à l’initiative de ce happening avec Femmes solidaires, défend le coup de pression exercé ce 6 décembre. “L’objectif de cette action était de faire passer le message, de dénoncer la culture du viol qui consiste à laisser programmes les oeuvres d’un criminel pédophile comme si de rien n’était. Nous voulions prévenir les gens”, insiste la militante, tout en confiant qu’elle ne défendrait pas une censure autoritaire du film partout mais ne comprend pas que la diffusion de l’oeuvre de Polanski ne soit pas assortie d’un avertissement au public.

A Nogent-sur-Marne, où la LDH avait organisé une projection-débat du film J’accuse qui porte sur l’affaire Dreyfus, symbole de l’erreur judiciaire, de l’antisémitisme, mais aussi de la lutte contre les injustices, cet avertissement a lieu. “Je suis membre de la LDH et lorsque j’ai appris qu’il y avait une projection-débat de J’accuse, j’ai insisté pour venir rappeler les faits avant le début de la projection”, témoigne Annie Lahmer, conseillère régionale EELV. “Cela s’est bien passé, il n’y a que une femme, au premier rang, qui s’est bouchée les oreilles pendant que je lisais un texte. Ensuite, la moitié de la salle a applaudi, l’autre est restée silencieuse”, raconte l’élue. “Je ne souhaite pas la censure, mais, personnellement, je ne suis pas restée regarder le film.”

Abonnez-vous pour pouvoir télécharger l'article au format PDF. Déjà abonné ? Cliquez ici.
6 commentaires

N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.

Ajouter une photo
Ajouter une photo

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous chargez l'article suivant