Avoir un joli kiosque en bas de chez soi pour attraper son journal ou découvrir un magazine, sur le papier, tout le monde le souhaite. En pratique, la lecture de la presse, y compris celle des titres imprimés, passe aujourd’hui d’abord par le numérique. Sur le terrain, le quotidien des kiosquiers n’est pas pavé de roses.
“Ici c’est la catastrophe”, confie Joseph, le nouveau kiosquier de la place Jean-Spire Lemaître à Vincennes, en faisant ses cartons. Il a donné sa démission il y a une semaine. Situé dans un coin assez calme de Vincennes, son kiosque, rouvert au début du mois, ferme à nouveau après à peine vingt jours d’ouverture. Arrivé il y a un an à Paris, le commerçant s’est retrouvé “par coïncidence” dans ce milieu car son cousin tenait un kiosque. Après avoir tenu un an boulevard Rochechouart à Paris, il avait déjà démissionné d’un premier étal à cause de mauvaises ventes.
“Ouvrir à nouveau des kiosques en région parisienne est un pari fou”, estime-t-il. “A Paris au moins, même si c’est compliqué de vendre la presse, il y a toujours des touristes pour acheter des souvenirs”, argue le vendeur. Les loyers, en revanche, sont plus costauds.
“Les ventes ont augmenté de jour en jour avec en moyenne 100 euros de recette par jour, ce qui est bien pour un kiosque qui vient d’ouvrir”, convient pourtant Joseph, pour qui un bon kiosque fait un chiffre d’affaires de 300 à 400 euros la journée, dont 20% reviennent au gérant. “Le problème vient de la rentabilité des stocks”, poursuit-il, fustigeant Presstalis, la messagerie qui approvisionne les vendeurs de journaux*. “Ils ont augmenté mon stock de 10 000 à 20 000 euros en une semaine alors que le kiosque venait d’ouvrir et quand je leur ai demandé de réajuster les stocks, ils répondent ne rien pouvoir faire car c’est la demande des éditeurs”, regrette le kiosquier.
*Contexte
La distribution de la presse au numéro est régie par la loi Bichet de 1947. Celle-ci organise la distribution autour de sociétés devant être détenues majoritairement par des coopératives de journaux et permet à chaque titre de presse de faire partie de ces coopératives et d’être distribué partout, ceci afin de garantir le pluralisme de l’information. Les titres restent en revanche propriétaires de leurs numéros jusqu’à ce qu’ils soient vendus. Aujourd’hui, deux messageries se partagent le marché : Presstalis, qui distribue la totalité des quotidiens et couvre 75% du marché, et les Messageries lyonnaises de presse (MLP). Un marché qui n’est toutefois pas en croissance et Presstalis a connu plusieurs crises financières en raison de la baisse des ventes au numéro conjuguée à une gestion controversée. En quasi-faillite en 2018, c’est l’Etat qui doit venir à la rescousse en amputant sur plusieurs années la moitié du fonds dédié à l’innovation de la presse.
Réforme de la loi Bichet
Une réforme de la loi Bichet, promulguée ce 18 octobre, prévoit désormais de donner plus de marge de manœuvre aux kiosquiers dans leur approvisionnement des titres qui ne sont pas IPG (journaux traitant d’information politique et générale). La loi prévoit également que les sociétés qui assurent la distribution de la presse ne devront plus avoir leur capital majoritairement détenu par les coopératives d’éditeurs. Elle ouvre par ailleurs un volet numérique, obligeant d’une part les kiosques numériques (d’opérateurs téléphoniques par exemple) à mettre à disposition tous les titres de presse IPG, d’autre part les agrégateurs de contenu à faire preuve de transparence sur le choix des titres mis en avant par leurs algorithmes. La régulation du secteur est désormais confiée à l’Arcep, renommée “Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse” Voir le dossier législatif.
Malgré tout, Joseph pense tout de même à continuer ce métier “où quand on cumule les bénéfices, on peut atteindre les 2000 voir 2500 euros par mois, surtout à Paris où les kiosquiers reçoivent une aide municipale”, indique-t-il. A côté de son échoppe, des habitués échangent sur la difficulté de fidéliser leur kiosquier. “J’en ai vu trois différents depuis quelques années, tous ont dû fermer car il y a peu de passage donc peu de vente ici”, témoigne un retraité venu taper la discute avec le vendeur en partance.
Si le kiosque de la place Lemaître va à nouveau devoir trouver un vendeur, un autre s’apprête également à ouvrir sur le parvis de sa gare RER, où l’on peut espérer un peu plus de passage. C’est Abi, kiosquier depuis cinq ans, qui devrait s’en occuper. A la tête d’une entreprise familiale, c’est avec l’aide de sa femme qu’il pense s’occuper de ce nouveau kiosque. «Même si les jeunes sont davantage sur leur téléphone, des clients continuent d’acheter», explique celui qui tient pour l’instant le kiosque près du Château de Vincennes .
« Les gens ont besoin de s’acheter un journal ou un magazine pour s’occuper dans les transports, mais on ne peut pas se contenter des réguliers pour faire fonctionner le kiosque. Il faut qu’il y ait du passage pour que ça marche », estime Abi.
En ville, la présence du kiosque est appréciée, au moins dans le paysage, et alors que ferment les magasins de journaux, les communes accueillent depuis plusieurs années de nouveaux kiosques proposés clefs en main par la société Médiakiosk. Ancienne filiale de Presstalis, désormais détenue à 95% par J-C Decaux, l’entreprise appuie son modèle économique sur la vente des espaces publicitaires sur les faces du kiosque. Cela lui permet de proposer un espace de vente complet d’une vingtaine de m2, en contrepartie d’une redevance symbolique d’occupation de l’espace public à la commune. A Cachan, qui a installé un kiosque cette semaine, Médiakiosk doit par exemple s’acquitter de 500 euros par an.
Un tout nouveau kiosque à Cachan
Au 3 rue Camille Desmoulins, à Cachan, le nouveau point de vente a ouvert ce lundi. “Cela va permettre de pallier la fermeture du marchand de journaux rue Guichard, clos depuis le 1er octobre 2017, et de maintenir la diversité commerciale dans le centre-ville de Cachan”, se réjouit la commune dans un communiqué. Fraîchement arrivé, le kiosquier, Nidal, prend ses marques. “Je travaillais dans le bâtiment avant mais cela m’a beaucoup fatigué, c’est la première fois que je suis kiosquier, je suis là pour deux-trois ans jusqu’à je touche ma retraite. Si ce n’est pas rentable, on fermera et puis tant pis”, explique-t-il. Le gérant compte sur les magazines sociétaux et les jeux pour enfants pour faire recette. Les riverains, eux, sont très contents. “Depuis la fermeture du point presse, il manquait vraiment un vendeur dans le coin”, s’enthousiaste une quadra qui promet de repasser plus tard dans l’après-midi pour s’acheter Le Monde. “Ah ça fait plaisir de voir un kiosque ici! Enfin!” s’exclame une autre passante qui s’est arrêtée net sur son trajet en voyant le kiosque.
Billets de loterie, programmes télé…
A Villecresnes, c’est depuis janvier que le nouveau kiosque a ouvert, et tient le coup. Depuis la fermeture il y a deux ans d’une librairie qui vendait la presse, il n’y avait plus de lieu où acheter le journal. C’est ce qui a motivé Yannis, 27 ans à relever le défi au mois d’avril dernier. Originaire de Joinville-le-Pont et restaurateur de formation, il s’est retrouvé kiosquier “un peu par hasard”, ayant envie de gérer un commerce. Catherine, 75 ans, vient ici une à deux fois par semaine pour acheter des magazines et jouer à la Française des jeux. Cette retraité qui tient avec son mari un centre culturel était pourtant un peu récalcitrante à l’ouverture de ce kiosque. “Au début, des personnes se sont plaintes de l’ouverture d’un kiosque sur ce parking, mais toute la semaine il reste des places de libre et les gens viennent acheter, c’est juste une question de changement d’habitude”, explique Yannis. A sa clientèle, composée à 90% de quinquas et au-delà, il vend surtout des programmes télévision et des billets de loterie. Pour lui, tenir un kiosque n’est pas risqué même si la presse se vend de moins en moins. “C’est une caution inversé donc si on sait gérer correctement ses stocks, on n’a pas de risque financier, en plus le loyer n’est pas très cher”.
“Maintenant, on trouve tout à la télé”
Tant bien que mal, les kiosquiers tentent de relever le défi, s’appuyant aussi sur la vente des produits annexes, même s’ils subissent davantage de concurrence sur ce terrain là. «Les gens vont au Monoprix en face pour trouver ce qu’ils veulent», témoigne ainsi un kiosquier de Saint-Mandé, en poste depuis trois mois. Même constat à Saint-Maur-des-Fossés où le kiosque de l’avenue de la République est situé tout près d’un Monoprix. Heureusement qu’il reste quelques accros au programme télé papier. “En début de semaine les programmes TV partent bien, le reste de la semaine c’est plutôt des magazines qui sont vendus avec quelques journaux”, témoigne le kiosquier de Saint-Maur. Une habituée de 80 ans qui achète tous les mercredi “son Télé 7 Jours”, illustre les propos du vendeur, et confie aimer venir “pour dire bonjour à des amis”. Son amie assise près d’elle sur le banc, ne va pour sa part jamais au kiosque : “je ne lis ni journaux, ni magazines. Maintenant on trouve tout à la télé.”
Mise à jour à 17 heures : la maire UDI de Vincennes, Charlotte Libert-Albanel, a réagi sur son fil Facebook à la fermeture du kiosque.
Ce métier est en voix d extinction à cause de la modernisation des sites Internet est cela ne touche pas que la banlieue parisienne Paris a été toucher de la même façon mais la banlieue parisienne n est pas Paris
Je me rend compte que cela n est pas qu un problème en banlieue les kiosque ferment même à Paris il y a un malaise dans la profession en général avec la modernisation qui a fait du tort aux petits métiers mais la banlieue n est pas Paris est c est dramatique la banlieue est le cousin pauvre de Paris
A Charenton, un kiosque vient physiquement d’être installé il y 2/3 semaines à côté de la station de métro Liberté (il n’est pas encore en activité). La Maison de la presse du petit centre commercial adjacent a fermé il y a 2 ans environ et, dans le quartier, plus aucun marchand de presse n’était présent.
Bravo à la municipalité pour cette politique volontariste sur laquelle certains comme moi avaient attiré son attention.
La vie de quartier et la vie démocratique ont besoin de marchands de presse.
C’est un constat simple : dans les banlieues, les gens vont au super-marché et y achètent tout, y compris des revues ; et lorsque l’on prend les transports en commun, on crois des milliers de personnes collées à leur smartphone qui ne lisent plus.
A St Maur, dans le quartier de La Varenne, une maison de la presse a fermé il y a deux ans faute de clients suffisant pour être rentable. Un kiosque a été ouvert près du marché (avec l’aide de la mairie), mais depuis que le parking situé juste à proximité est devenu payant, il n’y a plus personne ou presque …
Seuls fonctionnent encore les points de vente dans les gares.
Une image traditionnelle qui disparait à son tour. “c’était mieux avant” ? pas sur, mais tout le monde lisait dans les transports.
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