Alors que la situation reste conflictuelle entre les associations de défense de l’environnement et les élus du Syctom (syndicat en charge du traitement des ordures ménagères de 84 communes de l’agglo dont Paris) à propos de la reconstruction de l’incinérateur d’Ivry-sur-Seine, le syndicat a lancé début mars une concertation entre toutes les parties prenantes, y compris les grands producteurs de déchets, pour tenter d’aboutir à une stratégie commune. Pour le Syctom, l’enjeu immédiat est de réussir à réduire suffisamment l’afflux de déchets pour que le futur incinérateur, moitié plus petit, soit capable de faire face. Un objectif qui reste en deçà de ceux fixés par la loi, regrettent les associations. Se pose également la question des moyens pour que ces caps plus ou moins ambitieux ne relèvent pas de la seule méthode Coué. Retour d’expérience.
«Pour s’adapter aux capacités du nouvel incinérateur d’Ivry, nous devons réduire la production de déchets à de 5 à 7% d’ici à 5 ans. Sinon, l’alternative est l’enfouissement. Or, nous nous battons pour éviter les décharges. Pour relever ce défi, il faut accélérer et changer de paradigme. C’est dans cet objectif que nous avons lancé le Grand défi pour co-construire un plan d’action avec toutes les parties prenantes, aussi bien les collectivités que les associations ou les fédérations professionnelles de producteurs de déchets», motive Patrice Furé, directeur de cabinet de la présidence du Syctom. Alors que les requêtes en justice continuent de s’amonceler sur le projet de reconstruction de l’incinérateur d’Ivry Paris 13, le Syctom a décidé de s’appuyer sur une méthode de concertation développée par l’université de technologie de Compiègne pour tenter de sortir des positions irréconciliables. Baptisée PAT Miroir (PAT pour Peur, Attrait, Tentation), la méthode invite à se mettre à la place de l’autre pour débloquer les freins à la coopération. Deux premières réunions se sont déjà tenues les 14 et 21 mars, qui ont permis de lister des propositions qu’il reste à organiser pour s’accorder sur un plan d’action.
«Les premières réunions ont attiré à chaque fois une vingtaine de participants et ont donné lieu à 360 propositions. Des associations comme France Nature Environnement, Collectif 3R, des élus représentants de territoires, la Fédérec (Fédération des entreprises du recyclage), la Fnade (fédération nationale des activités de dépollution)et encore des fédérations liées au logement ou à la restauration collective ont participé. La prochaine réunion se tiendra le 18 avril et devrait réunir plus de monde, de l’ordre de 70 à 80 personnes, pour élaborer un plan d’action», détaille le directeur de cabinet. Objectif : une feuille de route claire avant la fin du mandat des élus du syndicat.
Des associations dénoncent un décalage d’objectifs
Du côté des associations, on regarde l’initiative avec circonspection. «La méthode de concertation qui vise à réconcilier des points de vue divergents prend beaucoup de temps. Il est difficile de pouvoir s’investir pendant quatre jours et demi complets! Du coup, il y avait très peu de participants alors que c’est un projet qui doit être avant tout porté politiquement, et surtout financé», réagit Anne Connan, du collectif 3R, qui a participé à un atelier. «Ce Grand défi est une entreprise de communication», résume également Jacqueline Chemaly, du même collectif, qui a participé à l’autre réunion. Et la militante d’insister sur le fait que l’objectif de réduction de déchets du Syctom reste en deçà de ceux de la loi. «Ce plan d’action ne pourra pas se mettre en place dans les collectivités durant la campagne des municipales 2020 et ce-sont des équipes nouvelles qui devront l’appliquer, ce qui fait beaucoup d’aléas», poursuit la membre du collectif. Zéro Waste France, pour sa part, a carrément décidé de boycotter. «Nous nous interrogeons sur la cohérence entre l’objectif affiché de ce “Grand Défi” et les arbitrages financiers et politiques du Syctom. Nous ne croyons pas en effet qu’il suffise de proposer une méthodologie de travail innovante pour aboutir à des résultats à la hauteur de l’enjeu, si les arbitrages politiques et financiers ne sont pas remis en question. Pour l’instant, ces arbitrages nous indiquent une toute autre direction : celle d’une poursuite du traitement des déchets en mélange que ce soit par l’incinération, le séchage ou encore la co-méthanisation, lesquels totalisent pour la période 2019-2027 des investissements de 1 115 millions d’euros de la part du Syctom, contre 175 millions pour le recyclage et 20 millions pour la prévention. Les dernières projections du Syctom pour l’année 2025 prévoient quant à elles un taux de tri à hauteur de 28% – contre un objectif de 65% fixé par le paquet économie circulaire européen, un texte “ qui nous oblige ” comme le rappelle votre courrier d’invitation. La démarche du “Grand Défi” signifie-t-elle que ces arbitrages financiers, ces projections et objectifs sont-il remis en question ? Est-il prévu que cette feuille de route puisse réorienter certains des investissements mentionnés plus haut vers des options permettant réellement de réduire à la source les déchets ?» questionne Flore Berlingen, directrice de l’association, dans son courrier de refus, rappelant que l’association a déjà fait une proposition, celle du plan B’om, consistant en une réduction drastique des déchets (voir article).
Au-delà des objectifs, quels moyens ?
Maire adjoint d’Ivry-sur-Seine Seine et conseiller territorial, Romain Zavallone (EELV) tempère, convenant que, même si la méthode est «chronophage», elle permet de «rapprocher des positions différentes». Tout en rappelant que les objectifs immédiats du Syctom et des écologistes diffèrent, le scénario volontariste du syndicat restant en deçà des objectifs de la loi, l’élu insiste surtout sur les moyens pour arriver à les atteindre, à commencer par les campagnes de communication. En théorie en effet, le recyclage de la quasi-totalité de la poubelle est à la portée de la société. La collecte des déchets alimentaires, qui représentent 20% des ordures ménagères, commence à se mettre en place, de plus en plus répandue dans les écoles et esquissée en ville. A Ivry-sur-Seine, un tiers de la commune est déjà desservie par cette collecte. Surtout, l’extension des consignes de tri à tous les emballages (au lieu de 40% traditionnellement) devrait faire doubler de volume les bacs jaunes et réduire au strict minimum le tout venant. En pratique, beaucoup reste à faire pour que les foyers opèrent correctement le tri de leurs ordures et une sensibilisation encore plus massive s’impose. «En principe, les filières REP (responsabilité élargie des producteurs) qui collectent des écotaxes, doivent financer ces programmes. Mais concernant l’extension des consignes de tri à tous les emballages par exemple, Citéo, sensé financer cette information, a procédé en organisant des appels à projets. Comme seul Paris a répondu dans un premier temps, seul Paris a bénéficié d’un financement pour communiquer en 2019. Ivry-sur-Seine devra attendre 2020!» pointe Romain Zavallone. Et en temps de corsetage des dépenses de fonctionnement des collectivités, les élus sont plus réticents à prendre sur leurs deniers. Concernant les déchets alimentaires, la ville d’Ivry a décidé de sensibiliser les familles en passant par les élève, qui pratiquent déjà le tri à l’école. «Nous avons distribué directement les seaux aux enfants pour qu’ils motivent leur foyer», explique l’élu.
Au-delà des changements d’habitude en fin de chaîne, le recyclage des produits mis dans les bonnes poubelles ne constitue pas non plus une réponse totalement satisfaisante car il n’est jamais possible de tout recycler tout n’est pas recyclable à l’infini comme le plastique par exemple. L’autre grand levier est la limitation de la production des déchets en amont, ce qui, concernant les emballages, implique une éco-conception pas toujours compatible avec le marketing des produits et les habitudes logistiques. Un changement de pratiques qui se situe à une autre échelle de décision. La future loi sur l’économie circulaire est notamment attendue sur ce sujet.
Meme remarque, les energies centralisées (dechets et géothermie) sont trop présentes en Val de Marne au depens du solaire en milieu pavillonnaire
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