Déjà en 2017, la Cour des comptes avait alerté la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) sur des dysfonctionnements susceptibles de mettre en péril ses missions. Considérant que les autorités de tutelle n’ont pas suffisamment pris en compte leurs alertes, les magistrats viennent de proposer 7 remèdes pour prévenir une «crise majeure».
L’exploit des sapeurs-pompiers de Paris, parvenus à sauver la cathédrale Notre-Dame d’un incendie dévastateur en avril dernier, est déjà loin derrière eux. Depuis, ils ont enchaîné les interventions, nuit et jour, victimes parfois de guet-apens.
Des missions parasitées par le secours aux victimes
Cette année, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris est au bord du burn-out. La BSPP qui est bâtie pour réaliser jusqu’à 450 000 interventions annuelle, dépasse ce seuil. C’est le secours aux personnes qui mobilisent majoritairement les effectifs (80,8% des interventions) contre 2,9% pour leur cœur de métier, la lutte contre les incendies. «L’accroissement structurel du secours à victimes (SAV) et des besoins en transport vers les hôpitaux relève de facteurs démographiques et sociaux auxquels s’ajoutent le développement des soins ambulatoires et la dégradation de la présence médicale de proximité, notamment en Seine-Saint-Denis. Il en découle une évolution de fait du métier de sapeur-pompier vers un rôle de quasi-intervenant social, ce qui crée des problèmes d’attractivité et de fidélisation pour les jeunes recrues,qui se sont engagées pour exercer des fonctions plus classiques dans un métier qu’ils imaginaient tout autre», explique la Cour des comptes qui estime entre 70 000 et 100 000, les sorties évitables. Par ailleurs, ces interventions se soldent de plus en plus par des agressions physique (+60% en 2018) contre les pompiers, dont une mortelle à Villeneuve-Saint-Georges l’année dernière.
La Cour des comptes recommande donc à la préfecture de police et à la brigade de limiter ou de facturer les intervention qui ne se rattachent pas aux missions de services public de la BSPP fixée par la loi.
Manque de coordination avec le SAMU et la brigade fluviale
Point positif souligné par la Cour des comptes : la mise en place d’une plateforme unique d’appels d’urgence (PFAU) pour centraliser les 1,2 millions d’appels reçus. Il n’y a en revanche pas d’outil informatique interopérable entre l’aide médicale d’urgence (SAMU) et les pompiers, de sorte que les deux envoient parfois des médecins sur place. Enfin, entre 2011 et 2017, les magistrats ont constatés une augmentation de 61% des appels des SAMU vers la BSPP faute de pouvoir réaliser le transport sanitaire des victimes. Enfin, la Cour a également souligné un manque de coopération entre la BSPP et sa brigade fluviale.
Le rapport recommande donc au ministère de l’Intérieur, à la préfecture de police et à la BSPP de mettre en place les conditions d’une coopération et d’une mutualisation entre la BSPP et les SAMU de Paris et de la petite couronne et de relancer la coopération interservices entre la BSPP et la brigade fluviale.
Un métier moins attractif et des recrues moins fidèles
Depuis quelques années, la brigade des sapeurs-pompiers de Paris éprouve de grandes difficultés à recruter du sang neuf. Un tiers des jeunes recrues quittent la BSPP un an à peine après leur arrivée. Le renouvellement du premier contrat est passé de 75% à 54% entre mi-2015 et mi-2018. Face à cette érosion des ressources humaines de la BSPP, une réflexion porte sur le bassin de recrutement. Seulement un quart des jeunes pompiers s’effectue en Île-de-France. L’axe du logement est clairement envisagé pour permettre aux familles de s’installer et au pompier de faire carrière.
Une grande partie du personnel opérationnel dort en chambrée collective pendant les gardes puis effectue de longs trajets pour retourner en région. Sur les 2500 attributions préférentielles de logements, 12% seulement vont aux militaires du rang. La Cour des comptes recommande à la préfecture de police et à la BSPP de moderniser le cadre juridique de l’attribution de logements, et clarifier les modalités de gestion et les règles d’attribution.
Enfin, les magistrats suggèrent au ministère de l’Intérieur de promouvoir des conventions entre la BSPP et les services départementaux en province de façon à ce que les jeunes recrues justifient d’un certain nombre d’années de service chez les pompiers de Paris, avant de bénéficier ensuite d’une place dans le territoire d’où ils sont originaires.
Une organisation usante du temps de travail
Le personnel du service d’incendie et de secours doit à la BSPP 3040 heures par an qui sont réparties en 120 gardes de 24 heures, souvent deux consécutives. Le personnel en service d’appuie doit quant à lui 2377 heures dont 30 gardes. Pour les magistrats de la Cour des comptes, cette organisation est contraire à la législation européenne sur le temps de travail plafonnée à 2304 heures par an.
«Les autorités françaises ont refusé la transposition de la directive européenne précitée sur le temps de travail aux militaires.Cela ne les dispense cependant pas de revoir l’organisation du travail au sein de la BSPP, sans attendre l’issue des négociations européennes, car sa durée annuelle est excessive et décourage la fidélisation», signale la Cour. A titre de comparaison, les juges citent le cas de la plateforme d’appel où se cotoient policiers et pompiers. Pour assurer une garde de 24 heures, la police met 6 effectifs quand la BSPP en positionne 3,21.
Consulter les recommandation de la Cour des comptes https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-11/20191121-refere-S2019-2207-brigade-sapeurs-pompiers-Paris-BSPP.pdf
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