Dans une longue tribune publiée sur un blog de Médiapart ce jeudi, Jean-Pierre Baro, directeur du Théâtre des Quartiers d’Ivry, a annoncé sa démission mais aussi une action judiciaire contre celui qui a révélé publiquement les soupçons de viol dont il faisait l’objet.
La veille au soir, une centaine de salariés, artistes et spectateurs avaient exigé son départ en se rassemblant devant le théâtre. Lire notre reportage : Crise de direction au Théâtre des Quartiers d’Ivry-sur-Seine: salariés, artistes, spectateurs dans la rue
A l’origine du malaise qui plombait le Centre dramatique national du Val-de-Marne depuis le début de l’année, une plainte pour viol classée sans suite, déposée par une professionnelle du théâtre. Une affaire qui a suscité un cordon sanitaire autour de la manufacture des œillets, conduisant des artistes à se décommander et des abonnés assidus à déserter. Face au désarroi de l’équipe, un accompagnement psycho-social avait été mis en place par les autorités de tutelle, sans réussir à dissiper le malaise, au contraire. Après avoir alerté à plusieurs reprises sur la situation, le personnel avait finalement décidé de se mettre en grève ce mercredi, organisant un rassemblement devant le théâtre le soir.
Si le metteur en scène démissionne, il se défend en revanche de l’accusation de viol dont il a fait l’objet et dénonce un lynchage. ” Je sais bien que, selon l’adage qu’il n’y a pas de fumée sans feu, je suis déjà condamné à l’avance par une grande majorité de personnes qui désirent me croire coupable. Je mesure bien la délicatesse de ma situation. Devenir le bouc émissaire d’une noble cause est un honneur bien paradoxal. Je ne sais pas si je parviendrai à surmonter le sentiment de dégoût, de colère, d’injustice qui me ronge. Je m’apprête à vivre des heures sombres, mais le plus grave, je le mesure, n’est pas là. Le plus grave nous concerne tous, car de cette histoire on peut tirer le constat suivant : on peut aujourd’hui mettre socialement et professionnellement à mort quelqu’un sur la simple base de rumeurs dans la presse et les réseaux sociaux, en dépit d’une décision de justice, et sans aucun recours légal possible. En cédant à cette pression qui m’a amenée à quitter mes fonctions, on a donné sa légitimité à une stratégie de la terreur, du bouc émissaire et des lynchages publics”, dénonce le metteur en scène, dont les derniers spectacles avaient été largement boycottés.
Version des faits contre version des faits
Dans une tribune publiée dans le Club Médiapart, le réalisateur revient en détail sur les circonstances de la relation sexuelle à l’origine de la plainte, donnant sa version des faits. Voir la tribune complète. Une version très différente de celle rapportée par Jean-Pierre Thibaudat, journaliste, écrivain et critique de théâtre, dans un post publié sur son blog de Médiapart fin juin. Une version complétée d’autres témoignages de femmes sous couvert d’anonymat.
Le metteur en scène reprend ensuite la chronologie de son affaire judiciaire pour rappeler que celle-ci est close. “En juin 2018, j’ai été nommé à la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry. Quelques semaines après, en septembre de la même année, l’ancienne administratrice de production de ma compagnie, avec laquelle j’ai travaillé, sans discontinuer de 2010 à 2018, a déposé contre moi, une plainte pour viol. Elle dénonçait pour la première fois à la Police une relation sexuelle que nous avions eue, sept ans auparavant en 2011. Une enquête a été menée. J’ai été longuement interrogé en garde à vue. Une confrontation entre elle et moi a été organisée. Lors de cette confrontation et devant les policiers, il est apparu que je n’avais jamais forcé cette relation. Au terme de cette procédure poussée et aux regards des témoignages apportés, outre une expertise psychiatrique de ma personne, cette plainte a été classée sans suite. L’ancienne administratrice de production de ma compagnie n’a utilisé aucun des deux recours auxquels elle avait droit. Le processus judiciaire est donc allé à son terme et je ne fais plus l’objet aujourd’hui d’aucune poursuite judiciaire d’aucune sorte”.
Action judiciaire contre l’auteur du premier post sur Médiapart
S’estimant victime d’un lynchage médiatique, Jean-Pierre Baro annonce par ailleurs avoir intenté une action de justice contre le critique de théâtre qui a le premier révélé l’affaire au grand jour dans son post #metoo, le théâtre français aussi, avec plusieurs témoignages de femmes. “Je suis au clair avec ma conscience. Je ne renonce à la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry que pour préserver cette magnifique institution mais je ne laisserai ni salir mon honneur ni fouler au pied ma présomption d’innocence que je défends par l’action judiciaire que j’ai, pour ce motif, engagée à l’encontre de Jean-Pierre Thibaudat”, indique le désormais ex-directeur.
Direction par intérim
Suite à la démission de Jean-Pierre Baro, c’est son adjoint Licinio Da Costa qui assurera l’intérim en attendant que soit nommé un nouveau directeur ou une nouvelle directrice.
Mon commentaire a été censuré… politiquement incorrect?
Il faut aller tous dans le même sens ?
Il y a quelques jours, sur France Inter (excellente radio) léa Salamé (excellente journaliste) interrogeait une écrivaine. On en vient à parler des femmes (pas une journée sans que l’on parle des femmes).
Elle s’accordent sur l’importance du phénomène ‘me too’ qui a libéré la parole des femmes. “Oui, mais il y a eu des abus” … “Mais ce n’est pas grave, c’est pour la cause des femmes” a répondu la journaliste médiatique.
Salir et diffamer un homme n’est pas grave, puisque c’est pour la cause des femmes !!!
Je suis une femme , et j’avoue que je suis assez d’accord avec vous : depuis le début de ce mouvement (par ailleurs salutaire) beaucoup d’hommes ont été condamnés par la presse et le public, dès leur mise en cause, sans jugement ni même la moindre enquête. Les abus sont condamnables, dans les deux sens. Les femmes ne sont pas QUE des victimes, de même que tous les hommes ne sont pas des porcs, et ne méritent pas d’être balancés sans raison!
Une plainte pour viol classée sans suite, mais aucune sanction pour diffamation publique, et un homme sali et boycotté, dont la carrière est menacée. Et ce n’est pas le premier.
Vive la libération de la parole des femmes !
Le commentateur precedent oublie qu’une agression sexuelle est un crime…
Des dénonciations d’agressions sexuelles, pas une. 97% des violeurs présumés se drapent dans la présomption d’innocence: quelle valeur a cette dernière?
Ce sont les autorités de tutelle qui ont failli. Il fallait suspendre Mr Baro de suite, étudier calmement son cas, écouter tous et toutes, puis décider en toute serenité. Tout a été fait dans l’opacité, au mépris du personnel, des artistes et du public.
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