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Mouvement social | | 13/06/2019
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Travailleurs sans-papiers de Chronopost à Alfortville : grève, soutiens et garde à vue

Travailleurs sans-papiers de Chronopost à Alfortville : grève, soutiens et garde à vue

Au deuxième jour de la grève des travailleur sans-papiers de sous-traitants de Chronopost à Alfortville, une manifestation était organisée ce mercredi pour réclamer la régularisation des employés. La mobilisation a entre-temps reçu le soutien des élus locaux. Mardi soir, un journaliste et un militant se sont par ailleurs retrouvés une nuit en garde à vue.

Pas épargnés par une météo capricieuse, les grévistes tentent tant bien que mal de se protéger d’une nouvelle averse ce mercredi après-midi. Le groupe d’une quarantaine d’hommes est séparé en deux depuis que Chronopost a fermé à clé et enchaîné le portail d’entrée de son site d’Alfortville. Devant les grilles, à l’extérieur, ils se sont réfugiés sous un barnum. Sur une partie un peu arborée du parking, une bâche a été tendue pour offrir un abri de fortune à ces travailleurs sans-papiers bien décidés à passer les prochaines nuits sur place. «A chaque fois que nous avons essayé de monter une tente, les agents de la sécurité nous en ont empêché», dénonce un gréviste. Mais ces conditions difficiles n’entament pas le moral de ces Maliens, Sénégalais, Guinéens et autres ressortissants d’Afrique subsaharienne qui ont décidé de tenir à tête à leur employeur. «Nous resterons ici pendant des mois s’ils ne veulent pas nous entendre et nous régulariser ! Nous ne lâcherons pas», prévient l’un d’entre eux.

Au sein du groupe, c’est Amadou, un Malien arrivé en France en 2018 qui s’exprime au nom de tous les autres. Si l’histoire de chacun de ces hommes est singulière, ils partagent tous les mêmes galères de la vie dans la clandestinité. «J’ai demandé à mon frère de s’inscrire dans une agence d’intérim. Il a donné ses papiers et c’est grâce à cela que j’ai pu trouver un travail. Les agences et les employeurs savent exactement à qui ils ont à faire. Dans mon groupe d’une dizaine de personnes préposées au déchargement et à la préparation de commande à Alfortville, nous avons tous la même situation administrative. Nous commençons le travail autour de 4 heures du matin, parfois 3 heures, et finissons vers 7 heures, 5 jours par semaine, pour un salaire qui n’excède pas 600 euros. Souvent, on nous promet des primes mais personne n’en reçoit. Les supérieurs nous mettent la pression et nous imposent des cadences infernales. Nous ne pouvons pas nous plaindre, pas prendre de pause, ni prendre un jour pour nous soigner, sinon, c’est la fin de la mission ! Pendant trop longtemps nous avons accepté l’inacceptable», déplore-il. Si le porte-parole en est à 4 mois de travail, d’autres approchent des 2 ans, un cap fatidique pour réclamer sa régularisation. Les grévistes dénoncent toutefois le fait que les employeurs veillent à ne pas dépasser cette durée pour ne pas avoir à titulariser leurs employés. «Ce matin, une dizaine d’employés ont hésité à prendre leur poste parce qu’ils ne voulaient pas être réaffectés aux postes de travail pénibles des grévistes», ajoute Amadou.

«La balle est maintenant dans le camp des entreprises concernées et des services de l’État. Nous disposons aujourd’hui d’une trentaine de dossiers individuels avec des documents tels que des bulletins de paie. Nous demandons à ce qu’ils soient pris en compte pour engager leur régularisation», explique Philippe Cornelis de Sud PTT 94. Au plan national, c’est la confédération Solidaires qui a interpellé le groupe La Poste, qui détient Chronopost. Mais pour l’heure, les discussions sont toujours au point mort.

Des élus politiques ont apporté leur soutien

Entre temps, les soutiens d’élus locaux se sont multipliés. «La situation professionnelle et humaine de ces personnes est inacceptable. Professionnellement, je ne peux pas me contenter des réponses alambiquées des différents employeurs, directs ou indirects, qui se contentent de se décharger de la question sur un tiers. Humainement, je suis solidaire de l’émoi de ces travailleurs et de leurs familles, confrontés au système inique de sous-traitance en cascade. J’ai ainsi demandé ce jour un rendez-vous à la Ministre du Travail ainsi qu’au patron de Chronopost afin d’évoquer avec eux dans les plus brefs délais les moyens pour sortir rapidement de cette crise», a indiqué le député de la circonscription, Luc Carvounas (PS), qui s’est rendu ce mercredi à la manifestation organisée sur le piquet de grève avec le maire d’Alfortville, Michel Gerchinovitz (PS). «Chacun de ces travailleurs doit se voir délivrer le document employeur pour sa régularisation comme salarié, ainsi que le récépissé préfectoral de six mois renouvelables avec autorisation de travail jusqu’à l’étude finale de son dossier. C’est de la responsabilité des pouvoirs publics, et donc de Monsieur le Préfet du Val-de-Marne, d’autant plus que l’entreprise Chronopost est une filière de La Poste dont l’Etat est actionnaire majoritaire», ont insisté les élus départementaux du groupe Val-de-Marne Ensemble – PCF, LFI, Citoyens. Le comité Génération.S d’Alfortville est également venu soutenir les grévistes et le maire PCF de Vitry-sur-Seine, Jean-Claude Kennedy a demandé au gouvernement «un acte fort pour l’amélioration des conditions de travail de l’ensemble de la filière logistique» et «la libération immédiate des soutiens de ces salariés.»

Une nuit en garde à vue pour un journaliste et un militant

Mardi après-midi, la tension est montée autour du piquet de grève alors que des employés de la sécurité de Chronopost tentaient d’enlever des bannières syndicales. Taha Bouhafs, journaliste pour le site Là-bas si j’y suis, capture alors la scène grâce à son téléphone portable avant d’être interpellé par un agent en civil lui demandant de cesser de filmer, expliquent des syndicalistes ayant assisté à la scène. Ce dernier indique alors ne faire «que son travail». Voyant la situation s’envenimer, Christian Schweyer, du collectif des travailleurs sans-papiers de Vitry tente de calmer le jeu en s’interposant, mais les deux hommes sont finalement embarqués et placés en garde à vue au commissariat de police d’Alfortville d’où ils ne seront libérés que le lendemain, mercredi, vers 18h00. Une fois dehors, le journaliste Taha Bouhafs, indique avoir été blessé à l’épaule au cours de son interpellation et compte porter plainte à son tour. Il devra comparaître au tribunal dans quelques mois pour «outrage à agent».

Réunion de soutien ce jeudi à Créteil

Une réunion de soutien se tient ce jeudi à 18h00 à la maison des syndicats de Créteil, salle en sous-sol.

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