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Solidarité | Val-de-Marne | 13/06/2019
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Val-de-Marne : les malus plombent les missions locales

Val-de-Marne : les malus plombent les missions locales © A L-D

Lieu d’accueil des jeunes complètement sortis du système scolaire ou en panne de projet, les missions locales travaillent au quotidien à esquisser un avenir avec les publics fragiles et déboussolés qui passent leur porte, de manière inconditionnelle. Mais depuis ce printemps, une diminution des dotations de la préfecture de région reposant sur un système de bonus-malus remet en question le fonctionnement de ces équipes. 

Au niveau Ile-de-France, les missions ont chiffré le malus à 1,5 million d’euros, soit le montant des salaires charges comprises de 70 professionnels à temps plein. En Val-de-Marne, certaines dotations vont chuter de 6 à 12% pour un malus total de 263 449 €.

Ce jeudi, la mission locale des Bords de Marne était en fête (photo). Elle organisait un bus emploi compétences à côté de son antenne du Bois l’Abbé pour faire découvrir une panoplie de métiers, de chauffeur à mécanicien en passant par préparateur de commandes ou ambulancier, sous l’œil attentif du sous-préfet. «Nous avons eu 19 inscriptions à la Garantie jeune (dispositif d’accompagnement des jeunes en grande précarité)», indique une conseillère. «Les jeunes sont demandeurs mais ne sont pas forcément au courant de tout ce qui s’offre à eux», motive une collègue. Au-delà de cette photo réjouissante, la situation des missions locales dans leur ensemble n’est pas à la fête en ce printemps 2019. Certaines viennent de se voir amputer d’une partie de leur dotation de l’Etat en raison d’un nouveau système de bonus-malus, les autres s’inquiètent que cela soit leur tour l’année prochaine.

«C’est un coup dur car les dotations de l’Etat représentent environ 30% du budget d’une mission locale. Historiquement, leur montant était uniquement lié à trois blocs d’indicateurs. Le premier est relatif au contexte, prenant en compte les difficultés du territoire comme la présence de quartiers politique de la ville. Le second chiffre l’activité, à savoir le nombre de jeunes accueillis et suivis. Le troisième évalue les résultats. En 2018, sans aucune concertation préalable, des bonus et malus ont été introduits en fonction des premiers et des derniers du classement. Les 72 missions locales de la région se retrouvent ainsi en concurrence les unes avec les autres alors que nous exerçons une mission de service public. Et en 2019, la règle du jeu a encore changé. Un nouveau malus-bonus calcule désormais la progression d’une année sur l’autre. Mais de tout cela, nous n’avons été informés qu’en avril!», détaille Frédéric Séné, directeur de la mission locale Plaine centrale qui opère sur Créteil, Alfortville, Limeil-Brévannes et Bonneuil-sur-Marne. Une mission qui reçoit un peu plus de 2800 jeunes par an.

1,5 million d’euros de malus au niveau régional

Certaines missions ont bénéficié de bonus, comme par exemple la mission locale des Bords de Marne et celle des villes du  nord du bois de Vincennes, qui ont accepté de fusionner, d’autres ont écopé de malus allant de 6 à 12% dans le département. Au niveau régional, la somme des malus atteint 1,5 million d’euros selon le chiffrage des missions pour qui cela correspond à 70 emplois et 10 000 jeunes accueillis en moins sur les 165 000 suivis chaque année. C’est la Seine-Saint-Denis, département qui accueille le plus de publics jeunes en difficulté, qui prend le plus cher. Voir le détail ci-dessous :


Malus Seine et marne : 279 325€
Malus Yvelines : 147 371€
Malus Essonne : 82 100€
Malus Hauts-de-Seine : 184 710€
Malus Seine-Saint-Denis : 423 552€
Malus Val-de-Marne : 263 449€
Malus Val-d’Oise : 139 815€
Total Ile-de-France : 1 520 322€


Au sein de la mission locale de Plaine centrale, frappée d’un malus de 12%, cela équivaut à une perte de 78 000 euros dans le budget. Même punition pour la mission locale du Val-de-Bièvre. «Le malus de 12% correspond à une perte de 49 000 euros, ce qui est l’équivalent d’un salaire chargé», calcule Nathalie Lenglin, directrice de la mission. «En 2018, nous étions dans le peloton de tête car nous avions démarré, un peu avant les autres, les accompagnements de jeunes dans le cadre des PACEA (ndlr, parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, nouveau cadre contractuel d’accompagnement des jeunes par les missions locales). Mais il y a eu un tassement en 2019. Nous n’avions pas anticipé le deuxième niveau de malus et avons appris la nouvelle en avril. Aujourd’hui, mon prévisionnel n’est plus équilibré. Je comprends que l’on doive rendre des comptes car nous gérons de l’argent public, mais ce changement de règles du jeu qui met tout le monde est concurrence et nous prend au dépourvu est très malsain. En plus, cela crée des différences entre les régions dans les modalités de calcul», réagit la directrice.

Fusions, appels à projets

C’est dans ce contexte que les salariés des missions locales d’Ile-de-France, y compris celles qui ont eu des bonus, ont organisé une journée sans accueil le 3 juin dernier, à l’appel de l’ARML-IdF (Association Régionale des Missions Locales d’Ile-de-France) qui fédère les 72 missions locales de la région, avec une manifestation devant le ministère du Travail. Depuis, des réunions et échanges ont eu lieu mais aucune solution n’a encore été trouvée. Parmi les pistes pour retrouver de la marge de manœuvre, les fusions entre missions permettent de bénéficier de bonus.  «Les fusions, nous allons y venir car il sera impossible de lutter contre ce processus qui est en marche, mais ce ne sont pas aux missions de payer pour les fusions, c’est à l’Etat. Et cela ne peut pas se faire dans la précipitation», invite la directrice de la mission du Val-de-Bièvre.  «La pression à la fusion ne s’appuie que sur le postulat de l’économie d’échelle mais l’efficience ne dépend pas que de la taille et la proximité est essentielle pour une mission locale. Nous avons actuellement quatre antennes qui ont chacune attache avec des partenaires locaux. Si nous en fermons une, les jeunes ne se déplaceront vers celle qui est plus loin. L’autre tendance est celle est des appels à projets. Mais un projet ponctuel ne permet pas de faire fonctionner une mission. Et puis, répondre à un appel à projet, cela a un coût en termes de force de travail et peut générer des problèmes de trésorerie», estime Frédéric Séné.

Question au gouvernement

Début juin, la sénatrice du Val-de-Marne Laurence Cohen (PCF) a adressé une question au gouvernement pour lui demander «d’accorder les moyens nécessaires et durables pour que les missions locales d’Île-de-France puissent continuer à accompagner les jeunes en difficulté et les plus fragiles», relayant également «l’inquiétude quant à la fusion avec Pôle emploi.»

Propos recueillis par Alexis Leclerc-Dalmet et Cécile Dubois.

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