Comment revivifier le fonctionnement de notre démocratie ? Une trentaine de personnes ont tenté de répondre à cette vaste question, sans ministre, lors d’une réunion du Grand débat national organisée à Orly ce mardi soir par le Codev 94 (Conseil de développement du Val-de-Marne), à l’invitation de la ville.
«Suite aux mouvements sociaux que nous connaissons et qui ont abouti à l’ouverture d’un grand débat national, le Codev, dont l’ADN est le consensus, a souhaité permettre aux citoyens de se rencontrer pour échanger leur point de vue dans un climat d’écoute», lance Dominique Giry, président du Codev 94. Durant près de deux heures, quelques quadra, des élus, des associatifs et pas mal de retraités ont ensuite planché sur l’ordre du jour dans la salle de l’Orangerie d’Orly. Un public limité, certes, mais 7 réunions du Grand débat national se tenaient en même temps dans le département, dont une avec deux secrétaires d’Etat à Vincennes, et plus de 80 sont programmées depuis début février dans le département.
“Nous sommes écoutés mais pas entendus”
Pour entamer le débat, les participants témoignent d’abord de la façon dont ils vivent aujourd’hui la démocratie. «Je vis la démocratie surtout au niveau local parce qu’à des échelons plus hauts, nous sommes écoutés mais pas entendus», lâche Rose-Marie, fonctionnaire au ministère des Affaires sociales. «Les événements récents témoignent d’un manque dans notre société. Un groupe de citoyens a commencé à faire part de ses problèmes dès cet automne mais leurs demandes n’ont pas été prise en compte assez tôt», abonde Georges Mercadal, ancien vice-président de la CNDP (Commission nationale du débat public). Militant à La République en Marche, Jean-Marie en viendrait même à douter d’Emmanuel Macron pour qui il a pourtant fait campagne. «Je me suis battu pour qu’il soit élu et maintenant, il se comporte comme un monarque. D’ailleurs, il ne s’occupe même plus de son mouvement. Je suis un fondu de démocratie participative et je la vis ici, dans ma commune où n’importe qui peut se mobiliser lorsqu’une décision ne lui convient pas. Avec l’État c’est tout l’inverse.»
Pour Christian, militant syndical, le fonctionnement démocratique est insatisfaisant. «Nous nous sommes habitués à voter une fois de temps en temps puis à accepter les décisions prises par les élus. Nous avons perdu la culture du débat et de la négociation.» Un point de vue partagé par Christian Lopez, l’ancien président du Comité Départemental Olympique Sportif du Val-de-Marne. «Le pêché originel de ce gouvernement a été d’ignorer les corps intermédiaires et on a l’impression que le président de la République découvre enfin leur utilité. Même au sein du mouvement associatif, il est fréquent de voir un président prendre des décisions sans tenir compte de l’avis des adhérents. Il faut prendre des avis consensuels !»
«A la RATP, nous travaillons fréquemment avec les préfectures pour soumettre nos projets à des enquêtes publiques pour que le citoyens puissent donner leur avis mais par expérience, il y a très peu de personnes qui se déplacent. Quand on tend la main, ils ne viennent pas. C’est ensuite, une fois que la décision a été prise que l’on commence à râler. C’est très français», réagit Laurence Le Souffaché, par ailleurs conseillère municipale EELV à Thiais.
Méfiance envers le Ric (Référendum d’initiative citoyenne)
La question du référendum d’initiative citoyenne (Ric) s’invite ensuite parmi les moyens de donner la parole au peuple. Pour Christophe, cadre supérieur, le Ric n’est pas une bonne solution. «Il faut pouvoir laisser du temps au temps. Il est impossible de déterminer l’efficacité d’une loi sans l’avoir vue à l’œuvre. Nous sommes une génération zapping où l’on veut aller trop vite», pointe-t-il. «La démocratie et la citoyenneté ne sont pas pas innés, ça s’apprend et je pense que l’école devrait beaucoup travailler sur ce sujet. Pour le référendum, si vous demandez aux enfants de choisir ce qu’ils veulent manger à la cantine, ils choisiront certainement des frites. Parfois, il faut accepter des décisions qui ne sont pas toujours bonnes pour nous, l’essentiel étant qu’elles soient bonnes pour tous. Enfin, je crains que des référendums ne nous divisent plus qu’ils ne nous rassemblent», ajoute Jean-Paul, un retraité.
Ouvrir la Commission nationale du débat public à la saisine par les citoyens
«Nous disposons déjà de nombreux outils pour faire remonter les problèmes de façon apaisée mais ils ne sont pas suffisamment exploités. Beaucoup de gens trouvent que le défenseur des droits a une voix qui porte et une réelle indépendance. Pourquoi ne pas imaginer un défenseur des groupes. De même, il existe déjà une Commission national du débat public. Or, elle ne peut être saisie que par le gouvernement. Il faudrait certainement ouvrir sa saisine à la société civile», propose Georges Mercadal. Une participante suggère pour sa part de mettre à contribution le Conseil économique, social et environnemental (Cese). «Pendant longtemps, nous avons eu besoin d’un Etat hyper-centralisateur pour bâtir ce pays. Le moment est peut être venu de donner un peu plus de pouvoir aux territoires en amplifiant la décentralisation», suggère Dominique Giry.
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