Traquer les arnaques et abus en partageant les infos entre services déconcentrés de l’Etat, tel est l’enjeu du comité opérationnel départemental anti-fraude (Codaf), qui se réunissait ce mardi. L’occasion d’un point presse pour faire le bilan.
Hormis les grands coups de filet comme les contrôles massifs sur les marchés notamment à Rungis ou les saisies spectaculaires des agents de police ou des douanes (contrefaçon, irrespect des normes,…), la fraude fait peu parler d’elle. Elle gangrène pourtant l’économie en diminuant les recettes fiscales et en mettant parfois en danger la vie d’autrui, alertent les membres du Codaf. Le préjudice pour l’État s’accroît année après année. En Val-de-Marne, il était estimé à 37 millions d’euros en 2018 et est estimé à 44 millions d’euros en 2019.
Depuis plusieurs années, préfecture, parquet, administrations et organismes de protection sociale agissent de concert pour identifier cette délinquance économique et financière. «Parmi les personnes que nous avons pu arrêter l’année dernière, se trouvaient des profils connus des services de police qui s’orientent vers la fraude parce que c’est moins risqué et tout aussi lucratif que le trafic de stupéfiants. Nous avons également des professionnels qui connaissent les subtilités du droit et qui en jouent pour être toujours à la limite. Ils essaient d’avoir tout le temps un coup d’avance sur nous. Enfin, il y a des auteurs de fraude beaucoup moins élaborées», résume la procureure de la République de Créteil, Laure Beccuau.
Qu’est-ce qu’une fraude ? Toute action dont le but est d’échapper aux obligations légales dans le but d’en tirer un avantage indu. Son spectre est large, allant des entorses aux droit de travail (déclaration des revenus, paiement des cotisations, emploi d’étrangers sans titres,…), au droit de la consommation (escroqueries, démarchage abusif, contrebande,…).
Détecter les signaux faibles : le trouble à la tranquillité publique
En 2019, près de 474 opérations ont été menées par le Codaf en Val-de-Marne. Ce nombre a plus que doublé en un an (180 contrôles en 2018) grâce aux directives données aux commissaires, aux moyens supplémentaires obtenus par le parquet et à l’implication des autres acteurs (administrations et organismes sociaux).
Parmi ces contrôles, 52% (soit 245) ont été réalisés dans le secteur de la restauration, des débits de boissons (bars et discothèques) et bar à chicha, et 36% (soit 170) dans le petit commerce (épiceries, salons de coiffure, de massage, de garages automobiles,…). «Les établissements que nous ciblons nous sont généralement signalés par des riverains ou d’autres commerces en raison de nuisances ou de troubles à l’ordre public. Lorsque nous montons des opérations, nous prévenons nos partenaires de l’URSSAF ou de la direction de la protection des populations pour contrôler les salariés, les normes d’hygiène. Nous en profitons pour contrôler les autres entreprises se trouvant à proximité», résume Daniel Padoin, directeur territorial adjoint de la sécurité de proximité. Parmi les autres activités ciblées, figurent les chantiers du BTP, les sociétés de démarchage et de dépannage à domicile, les auto-écoles, les cirques, les salons de massage ainsi que les chauffeurs VTC.
Ces contrôles ont permis d’identifier 239 cas de travail dissimulé, 175 infractions aux normes d’hygiène et de sécurité ainsi que 60 cas de fraude au monopole de l’État sur le tabac et l’alcool. En bout de file, les magistrats de la 9e chambre correctionnelle du TGI de Créteil spécialisée dans les infractions économique, sanctionnent lourdement. Ainsi, une gérante d’un restaurant de l’ouest parisien a été condamnée à 6 mois de prison avec sursis, 5000 euros d’amende et une interdiction d’exercice de 3 ans pour avoir fait travailler des salariés non déclarés et s’est faite surprendre avec 30 000 euros d’argent en espèce dans la caisse. Grâce à la coopération des services, le fisc a également été averti pour procéder à son redressement.
La CAF du Val-de-Marne a récupéré 7,9 millions d’euros de fraude
Avec 1,7 milliards d’euros versés chaque année en prestations sociales, la caisse d’allocations familiales du Val-de-Marne est un des maillons du comité opérationnel départemental de la lutte anti-fraude puisqu’elle dispose déjà d’une expertise en la matière. Ses équipes travaillent en effet sur la détection de fraude à partir du data-mining, à savoir l’analyse fine des données récoltées sur leurs usagers, à la recherche d’anormalités. «Nous contrôlons un dossier sur deux mais grâce à cet outil, nous avons considérablement progressé dans l’identification. Depuis, nous nous sommes dotés d’un nouvel outil qui permet de repérer la présence en dehors du sol français de bénéficiaires de la CAF grâce à l’adresse IP. Le versement des aides est conditionné par des conditions de séjour en France», explique Stéphane Corre, directeur adjoint de la CAF 94.Grâce à la mobilisation des services de la CAF du Val-de-Marne, 778 situations suspectes ont été identifiées et près de 7,9 millions d’euros de fraude ont ainsi pu être récupérés.
N'envoyez que des photos que vous avez prises vous-même, ou libres de tout droit. Les photos sont publiées sous votre responsabilité.