Promesse de professionnalisation par le compagnonnage, d’accès à l’emploi et de fidélisation des salariés, l’apprentissage, système de formation alternant théorie et travail en entreprise, est régulièrement mis en avant comme solution tout en un pour la jeunesse. Reportage à l’agence Artelia de Fontenay-sous-Bois, une entreprise en ingénierie qui intervient dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie et de l’environnement.
“Je fais des plans sur AutoCAD, un logiciel de conception qui permet de dimensionner notamment les tuyauteries” présente Souel, étudiant campinois en DUT Génie thermique et énergie qui a rejoint l’agence fontenaysienne. Un parcours très spécialisé puisque l’ingénieur saura produire, distribuer et utiliser l’énergie dans l’industrie ou les transports, et maîtriser la thermique des bâtiments (climatisation, chauffage). “Depuis septembre, j’alterne chaque mois entre mes cours et l’apprentissage au sein de l’entreprise. J’ai un parrain, Laurent Narbonne, qui travaille à la Mission locale et grâce à qui j’ai trouvé cet emploi, et un tuteur, qui m’accompagne au quotidien”, détaille l’apprenti. Son parrain est un ancien ingénieur du bois. “Je voulais rendre un peu à la société ce qu’elle a su me donner. J’ai simplement eu à orienter Souel, en définissant son besoin. Pour certains jeunes, l’apprentissage constitue l’opportunité de dépasser un réseau souvent fermé, et de bénéficier d’un cadre structurant.”
Convaincre les jeunes qu’il y a un avenir pour eux
“En 2019, 180 jeunes ont été insérés dans un parcours en apprentissage. 1 050 ont trouvé un emploi, dont 400 étaient durables, chiffre Moncef Jendoubi, directeur de la Mission locale, service dédié à l’insertion professionnelle et sociale des jeunes de 16 à 25 ans sortis du système scolaire. Ces chiffres sont le résultat du démarchage d’entreprises par nos équipes,mais aussi par les jeunes eux-mêmes, et par le réseau des parrains. Nous allons notamment dans les halls d’immeubles, ceux-là même où les jeunes fument leur chicha, eux qui ont peur et qui se disent qu’il n’y a rien pour eux.“
“Il y a un besoin de compétences de la part des entreprises et nous avons des problèmes pour recruter sur cette tranche d’âge, dans ce domaine qui mute à une vitesse allant de pair avec la transition numérique. Même les écoles, toutes confondues, ont du mal à former. L’alternance peut y remédier : en plus de bénéficier des valeurs nouvelles de l’apprenti, notamment numériques, environnementales, ou bien paritaires, nous sommes exonérés de certaines cotisations, ce qui n’est pas négligeable, et nous pouvons créer un lien à travers cette transmission de savoir, pour les retenir”, développe Jean-Pierre Moioli, responsable Ile-de-France du groupe Artelia.
Actuellement, le Val-de-Marne comptabilise 5 707 apprentis, un chiffre qui représente une augmentation de 20% depuis 10 ans. La progression de l’apprentissage entre 2018 et 2019 est de 15,7 %, soit la plus haute de la région Ile-de-France (moyenne à 12,5%), chiffre Bachir Bakhti, sous-préfet de l’arrondissement de Nogent-sur-Marne venu visiter l’entreprise.
L’apprenti, difficile à fidéliser ?
Martin, étudiant en Master d’Ingénierie numérique du bâtiment est lui aussi apprenti chez Artelia, depuis un an et demi. “J’ai postulé à une offre, sans passer par la mission, et en 3 ou 4 heures j’ai eu une réponse positive.” A 26 ans, il confie se projeter au sein du groupe : “Ce qui m’importe, en plus de mon travail, ce sont les avantages, notamment salariaux, mais aussi l’entente avec l’équipe, l’ambiance. Mais c’est vrai aussi que ma génération d’ingénieurs change de job en fonction des projets.”
C’est là que le bât blesse. “Lorsque l’on forme quelqu’un pendant deux ans, on prend du temps sur notre travail, nos dossiers, quitte à perdre un peu en productivité. Mais on sait que compte tenu de notre domaine et de ses opportunités, le diplômé s’implique pour un projet, et non plus pour une boîte, regrette Eric Communal, directeur de l’agence Artelia de Fontenay-sous-Bois Une fois son projet terminé, il s’en va : l’enjeu n’est plus de faire carrière dans une boîte.” Sur ses 6 000 employés, Artelia compte entre 400 et 500 contrats en apprentissage et environ 200 d’entre eux restent travailler jusqu’à trois ans, estime Jean-Pierre Moioli. “On ne peut pas avoir 6000 projets pour nos 6000 employés. Il faut miser sur la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) c’est-à-dire le bien-être au travail, qui peut passer par une salle de sport, par exemple. Et puis, notre groupe opère dans 9 secteurs d’activité, partout dans le monde, et offre ainsi une multitude de métiers. De quoi éveiller les curiosités”, mise le directeur.
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