Société | Val-de-Marne | 23/04/2020
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Assistance aux bidonvilles roms confinés en Val-de-Marne: maraudes, actions en justice et polémiques

Assistance aux bidonvilles roms confinés en Val-de-Marne: maraudes, actions en justice et polémiques

Depuis le début du confinement, les procédures d’expulsion des campements de fortune ont été ajournées et leurs habitants invités à rester sur place. Dans le Val-de-Marne, des maraudes alimentaires ont été mises en place dans 18 sites et une maraude sanitaire se prépare. Pour le collectif Romeurope 94, les conditions élémentaires d’hygiène ne sont toutefois pas réunies partout. L’association a attaqué plusieurs communes et le préfet au Tribunal Administratif. Celui-ci a ordonné ce lundi de nouvelles mesures d’urgence. Explications.

Au total, 18 sites ont été identifiés comme des campements dans le Val-de-Marne, sur des zac en devenir, des abords d’autoroutes, des friches plus ou moins grandes à Sucy-en-Brie, Valenton, Fresnes, Choisy-le-Roi, Villejuif, L’Haÿ-les-Roses, Vitry-sur-Seine, Ivry-sur-Seine, Fontenay-sous-Bois, Créteil… Comme toutes les populations précaires, le confinement a fragilisé leurs conditions de vie.

Maraudes alimentaires avec la Croix Rouge

Dans ce contexte, des maraudes sont organisées depuis trois semaines par la Croix Rouge à la demande de la préfecture du Val-de-Marne. “La préfecture nous donne des chèques service et nos bénévoles font les courses en début de semaine, mettent en palette le mercredi et distribuent dans 16 sites les jeudi et vendredi. Au total, cela représente 8 à 10 tonnes de distribution alimentaire par semaine”, indique Hervé Pilet, porte-parole de la Croix Rouge du Val-de-Marne. Une logistique qui mobilise 50 bénévoles par semaine. “Nous continuerons jusqu’à la fin du confinement.” Bouteilles d’eau lorsqu’il n’y a pas de point d’eau potable sur place, lait, huile, pâtes, haricots verts, couches bébé, lait bébé, hygiène… Autant de produits de première nécessité.

Pas de cluster Covid a priori

Pour l’instant, aucun foyer de contagion au coronavirus Covid 19 n’a été signalé dans un site. “Deux personnes ont été identifiées comme malades et conduites à l’hôpital. Elles ne sont cependant pas restées. Les personnes sont également sensibilisées sur le renouvellement d’ordonnance en pharmacie”, indique-t-on en préfecture qui précise qu’une maraude spécifique sanitaire est en train d’être montée avec l’opérateur Première Urgence Sanitaire.

Romeurope attaque en justice dans 4 villes

Pour le collectif Romeurope 94, plusieurs bidonvilles ne disposent toutefois pas des conditions élémentaires d’hygiène et le collectif a attaqué en justice la préfecture du Val-de-Marne et les maires de Choisy-le-Roi, L’Haÿ-les-Roses, Villejuif et Vitry-sur-Seine auprès du Tribunal administratif de Melun pour les enjoindre de créer des points d’eau potable, installer des toilettes et des structures pour se laver, ainsi que des containers pour les ordures et l’organisation de leur collecte.

A Choisy-le-Roi, où le campement se situe rue de Lugo, la préfecture a motivé l’absence d’accès à l’eau potable en raison de l’autoroute A 86 tandis que la commune a insisté sur son engagement à livrer une citerne de 1 000 litres d’eau potable et des repas via une association.

A L’Haÿ-les-Roses, le bidonville s’est installé sur la pointe Paul Hochart qui doit accueillir un groupe scolaire afin d’y transférer l’école sise en place de la future gare du Grand Paris Express. La préfecture a fait valoir la mise à disposition de bouteilles d’eau et l’organisation d’une collecte des déchets prochainement. La commune a rappelé que “les personnes occupant ce camp disposent à proximité de toutes les commodités pour mener une vie digne”.

A Villejuif, où les familles se sont installées au Fort de la Redoute, près du parc des Hautes Bruyères, la commune a précisé avoir mis à disposition une citerne d’eau avenue Jean Jaurès et demandé un raccordement avenue de la République. “Les installations dont disposent les occupants sont suffisantes pour leur permettre de se laver et il n’est pas démontré que l’installation de latrines serait nécessaire”, indique la commune dans son mémoire en défense.

A Vitry-sur-Seine enfin, préfecture et commune ont assuré que l’accès à l’eau potable existait déjà et que la collecte des déchets était également effective. “L’absence de latrines n’est pas démontrée et il existe des sanisettes à proximité du campement”, a aussi indiqué la ville.

Communes et préfecture ont par ailleurs rappelé le caractère illégal des installations dans leur mémoire en défense.

3 villes et la préfecture condamnées à agir d’urgence

Dans son ordonnance rendue ce lundi 20 avril, le Tribunal administratif a rejeté la requête contre la ville de Vitry-sur-Seine mais a enjoint le préfet et les maires des trois autres commune à prendre des mesures dans les 48 heures.

«Nous avons été conduits à mener cette procédure car depuis le début de la crise sanitaire, alors que nous avions alerté la préfecture et les maires concernés sur la situation des personnes vivant dans ces lieux insalubres, rien n’a été mis en place. La situation de crise sanitaire est vécue de plein fouet par toutes et tous, mais les personnes les plus vulnérables sont d’autant plus fragiles qu’elles sont ignorées par les services de l’État et les communes. Les aides alimentaires sont arrivées tardivement et pas partout. Souvent les citoyens ont eux mêmes mobilisé leurs réseaux afin d’aborder un minimum de vivres aux familles en attendant le passage de la Croix Rouge ou des associations mandatées par la Préfecture», motive Romeurope 94 tout en indiquant être “perplexe” quant à la non-condamnation de Vitry-sur-Seine et réfléchir sur une suite à donner. “Il y a un point d’eau, la collecte des déchets est organisée et le suivi est organisé avec le CCAS”, indique-t-on en mairie de Vitry. La ville de Villejuif, elle, rappelle la mise à disposition de tonnes à eau ainsi que d’un stock de bouteilles permettant de tenir “plusieurs mois”. La commune pointe par ailleurs qu’il s’agit d’un terrain de l’Etat et suggère que celui-ci sollicite le Conseil départemental, propriétaire du parc des Hautes Bruyères voisin, pour permettre l’accès aux sanitaires.

Dans un communiqué publié ce jeudi après-midi sur sa page Facebook, le maire de Choisy-le-Roi, Didier Guillaume (PCF), détaille les actions menées auprès du bidonville.

Colère du maire à L’Haÿ-les-Roses

A L’Haÿ-les-Roses, le maire, Vincent Jeanbrun, dénonce un “jugement injuste” et estime avoir été “lâché par l’Etat”. “Au début de ce campement, nous avons réussi à en contenir la croissance en lien avec le commissariat de L’Haÿ-les-Roses. Nous passions régulièrement enlever les nouveaux baraquements construits illégalement dans les 48 heures qui précédaient. Mais en février, bien avant le début du confinement, la police nationale a subitement reçu l’ordre de ne plus intervenir. J’ai écrit au préfet mais n’ai jamais eu de réponse. Depuis, le campement ne fait que croître. Il y a régulièrement de nouvelles installations et l’espace est suffisamment grand pour en accueillir encore beaucoup. Sur place, s’est crée une véritable fonderie à ciel ouvert pour récupérer les métaux. Et il y a de quoi faire car les occupants s’attellent à désosser étage par étage le bâtiment désaffecté qui était loué à L’Oréal. Cela menace à nouveau de polluer les sols alors que la dépollution de l’ancienne station Total était terminée. Ce site doit accueillir le futur groupe scolaire pour remplacer l’école qui se trouve à l’endroit de la future gare de Grand Paris Express. Sans ce nouveau groupe scolaire, il n’y aura pas de gare!” prévient l’élu qui dénonce l’injonction du tribunal à demande de “fournir gratuitement” les services d’accès demandés, “aux frais du contribuables, alors que la présence de ce campement illégal est dû à l’inaction de l’Etat.”

De son côté, Aline Poupel, porte-parole de Romeurope 94, dénonce l’inaction de la ville. “Nous leur avons écrit deux fois, en janvier puis début mars, sans jamais obtenir de réponse. Je connais bien ces familles car certaines ont été précédemment à Choisy, Bonneuil-sur-Marne ou Vitry. Nous avons entrepris des démarches pour faire scolariser les enfants et cinq d’entre eux ont commencé à y aller une ou deux semaines avant le début du confinement. Nous souhaitions y inscrire encore 5-6 autres mais le contexte a compliqué les choses. Pour l’aide alimentaire, ce-sont des bénévoles de Romeurope qui vont à l’épicerie solidaire de Villejuif”, détaille la militante associative. Selon les comptages des différentes associations qui interviennent, le nombre de personnes qui vivent dans ce bidonville sont entre 80 et 130. “Il n’y a pas d’eau potable sur place mais nous distribuons l’équivalent de 1,5 litre d’eau par personne et par jour ainsi que de la nourriture et des produits d’hygiène”, indique Hervé Pilet pour la Croix Rouge.

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