C’est dans l’un des nombreux pavillons tout en symétrie néoclassique des Hôpitaux de Saint-Maurice, vacant depuis plusieurs années suite à des réorganisations d’unités psychiatriques et en attente de travaux de réfection, qu’un centre pour patients sans abris, malades du coronavirus, a ouvert début avril, opéré par la Croix Rouge. Reportage.
Dans le patio en friche conçu dès l’origine dans l’esprit d’un cloître serein, Philippe Garcia, président de la fédération val-de-marnaise de la Croix Rouge, se souvient avoir accompagné des patients en psychiatrie lorsqu’il était élève infirmier, dans les années 1990. Mais depuis le début du mois, le pavillon a retrouvé une fonction d’asile, de personnes sans domicile cette fois. Issus pour la majorité de structures d’hébergement d’urgence où il est difficile d’isoler des malades contagieux, ces patients Covid peuvent ici se poser quelques jours. D’autres viennent de bidonvilles.
Pour l’instant, onze Covid postifs sont accueillis, mais le centre dispose de vingt places et avec quelques travaux supplémentaires, on pourrait en aménager une dizaine d’autres si nécessaire, indique Emmanuel Arvy, responsable du centre pour la Croix Rouge, ouvrant une porte donnant sur un nouveau corridor. En général assez fatigués, les patients gardent leur chambre, petite mais individuelle. Les repas sont pris à l’intérieur pour éviter les contacts et les pensionnaires ne sortent que pour les sanitaires, se dégourdir les jambes ou se griller une cigarette dans le patio. S’il faut une clef pour rejoindre les allées de ce campus hospitalier, ou regagner la sortie, le jardin reste accessible librement.
Dans sa chambre à la fenêtre ouverte, un homme d’une cinquantaine d’années accepte de se raconter un peu. Il explique sa difficulté à respirer par son obésité, et renvoie celle-ci aux anxiolytiques. Avant d’atterrir ici, il était au centre d’hébergement Cité Notre-Dame, dans le 7ème arrondissement parisien, et encore avant, sur une péniche de la Croix de Malte, équipée en centre d’hébergement et de réinsertion. Arrivé la veille, il s’agace de n’avoir pas ses lunettes, restées dans un de ses lieux de passage. Et ne comprend pas que des médecins ne viennent pas le voir.
“La confusion est fréquente. Les personnes pensent être dans un hôpital, ce qui n’est pas le cas”, explique Emmanuel Arvy. Les patients accueillis ici ne nécessitent pas de soins hospitaliers, même si les locaux sont situés dans l’enceinte d’un hôpital, mais juste d’un suivi. Celui-ci est organisé deux fois par jour avec prise des constantes, à commencer par la saturation en oxygène. S’ils sont en dessous de 93%, on appelle le médecin, et si la situation se dégrade, direction l’hôpital. D’ici, c’est plutôt le CHU Henri Mondor à Créteil ou Bégin à Saint-Mandé.
Et après ? que se passera-t-il pour eux ? “Le lieu n’est pas propice à un travail de réinsertion au long cours car ils restent peu de temps. Mais on essaie de démarrer quelque chose, et surtout, on s’assure qu’ils ne se retrouvent pas à la rue en sortant”, indique Françoise Bousquet, directrice territoriale de la lutte contre les exclusions à la Croix-Rouge, précisant que les structures d’urgence dont ils viennent leur gardent leur place. Les patients qui arrivent de campements préfèrent le plus souvent retrouver leur famille.
Au total, Une dizaine de centres de ce type ont été ouverts en Ile-de-France, en général un par département. “Nous avions déjà identifié le lieu comme hébergement d’urgence mais la principale difficulté est de trouver un opérateur”, souligne le préfet du Val-de-Marne, Raymond Le Deun, venu découvrir la structure occupée, avec la directrice de la Drihl 94, Catherine Larrieu et du sous-préfet de Nogent-sur-Marne, Bachir Bakhti. Pour l’opérationnel, c’est la Croix Rouge, déjà délégataire de l’Etat en Val-de-Marne pour la gestion du 115 au SIAO de Créteil (Service intégré d’accueil et d’orientation) qui a pris les chose sen main avec ses salariés.
D’ici quelques semaines, quelques mois peut-être, l’ancien pavillon de psychiatrie sera à nouveau désaffecté. “Des travaux de réhabilitation sont prévus, à commencer par le désamiantage. Notre souhait est que ce lieu conserve ensuite une vocation psychiatrique”, insiste Nathalie Peynègre, directrice des Hôpitaux de Saint-Maurice.
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