Société | | 17/10/2020
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Conflans-Saint-Honorine: Samuel, 47 ans, décapité pour avoir enseigné la liberté d’expression

Conflans-Saint-Honorine: Samuel, 47 ans, décapité pour avoir enseigné la liberté d’expression

Ce vendredi 16 octobre, Samuel Paty, 47 ans, professeur d’histoire-géographie au collège du Bois d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), a été décapité par un fanatique alors qu’il rentrait chez lui après avoir donné son dernier cours avant les vacances de la Toussaint. Un acte sidérant alors même que se tient en ce moment le procès des attentats de janvier 2015.

16h57, c’est l’heure à laquelle la photo du professeur décapité a été enregistrée par le téléphone de son meurtrier avant d’être postée sur Twitter, à partir du compte @Tchetchene_270, supprimé depuis par le réseau social.

Ce-sont des policiers municipaux d’Eragny qui ont découvert le corps du professeur vers 17 heures et prévenu la police nationale. L’assassin sera alors pris en chasse par la Bac (brigade anticriminalité) et abattu quelques instants plus tard après plusieurs sommations.

Selon les premiers éléments de l’enquête rapportés par Jean-François Ricard, procureur de la République antiterroriste, lors d’une conférence de presse ce samedi après-midi, l’auteur des faits est un jeune homme de 18 ans, prénommé Abdoullak. Né à Moscou, il est de nationalité russe et d’origine tchéchène. Il était porteur d’un titre de séjour délivré en mars dernier et valable jusqu’en 2030, en tant que réfugié. Résidant à Evreux, il était inconnu des services de renseignements et n’a jamais été condamné par la justice. Il avait en revanche été interpellé pour des dégradations de bien public et de violence en réunion alors qu’il était encore mineur.

Le jeune homme était devant le collège dès le début de l’après-midi et avait demandé à des élèves à l’extérieur de lui désigner la victime. Dans son téléphone, le texte de la revendication, posté sur Twitter avec la photo, a été retrouvé, horodaté à 12h17. L’assaillant a suivi le professeur sur le chemin de son domicile avant de l’abattre avec un couteau d’une lame de 35 cm, puis de le décapiter.

Un cours sur la liberté d’expression qui a déclenché la haine

Selon les éléments de contexte qui permettent à ce stade d’expliquer l’inimaginable, le professeur proposait chaque année un cours sur la liberté d’expression à ses élèves de quatrième, et revenait à cette occasion sur republication des caricatures de Mahomet initialement publiées dans un journal danois, qui a conduit aux attentats de Charlie Hebdo, proposant un débat sur l’opportunité ou non de publier ces caricatures dans un journal.

Au moment de montrer les caricatures, le professeur proposait aux élèves musulmans qui le souhaitaient de sortir quelques minutes pour ne pas être obligés de les voir. Si, depuis plusieurs années qu’il proposait ce même cours, il n’avait pas rencontré de problèmes particuliers, il n’en fut pas de même cette rentrée. Le père d’une élève qui rapportait avoir été “choquée” a ainsi été au collège pour demander des explications, accompagné d’une personnalité extérieure connue par ailleurs comme militant radical. Une vidéo, dans laquelle le père de l’élève et le militant qualifient l’enseignant de “voyou”, a ensuite été diffusée et relayée sur les réseaux sociaux.

Dans un post Facebook du 7 octobre au soir, le père indique le nom du collège, celui de la ville, et celui du professeur, puis conclut par “Vous avez l’adresse et nom du professeur pour dire STOP”. Ce post sera ensuite modifié un peu plus tard pour retirer les noms du collège et du professeur.

Une vidéo “mensongère” propulsées par les réseaux sociaux

Le père a également porté plainte pour diffusion d’image pédopornographique Entendu par la police suite à cette plainte, le professeur a détaillé son intervention et apporté le texte complet de son support de cours, précisant également les caricatures qui avaient été présentées aux élèves. L’enseignant a à son tour déposé plainte pour diffamation. Dans la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, le père indique en effet que le professeur a demandé aux élèves musulmans de sortir et évoque la “photo” d’un homme nu pour désigner le prophète, laissant à penser qu’une photographie d’homme nu aurait été diffusée en cours. Dans une conférence de presse de ce jour, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a ainsi dénoncé une vidéo “totalement scandaleuse, mensongère”, “faite pour aboutir à quelque chose probablement de violent ou en tout cas faite pour créer du conflit”.

La demi-soeur du père en colère, partie rejoindre l’Etat islamique en 2014

Neuf personnes ont été mises en garde à vue à date de samedi, a détaillé le procureur : 6 personnes de l’entourage de l’assaillant, le père qui lancé le buzz négatif sur le professeur sur les réseaux sociaux, ainsi que le militant qui l’a accompagné et la compagne de ce dernier, tous deux interpellés à Evry. Le procureur a précise que la demi-sœur du père placé en garde à vue avait rejoint l’organisation Etat Islamique en Syrie en 2014 et fait l’objet à ce titre d’un mandat de rechercher par un juge anti-terroriste.

Un rassemblement hommage s’organise à Paris ce dimanche

Cet attentat a suscité une vague d’indignation et de colère. Des rassemblements se sont organisés spontanément ce samedi, avec notamment un hommage des habitants à Conflans-Sainte-Honorine.

A Paris, SOS Racisme, la FSU, le Sgen-CFDT, l’Unsa-Education, le SNALC, la FCPE, la FIDL (syndicat lycéen) la FAGE, l’UEJF et «Dessinez Créez Liberté» ont lancé un appel au rassemblement ce dimanche à 15 heures pour rendre hommage au professeur, qui est actuellement en attente d’autorisation préfectorale.

Le président de la République, qui s’est rendu sur place ce vendredi soir, a également annoncé qu’un hommage national serait rendu à l’enseignant.

A Conflans-Sainte-Honorine : deux cellules psychologiques

A Conflans-Sainte-Honorine, deux cellules d’accueil ont été mises en place par la Cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP). Des professionnels se tiennent à disposition samedi, dimanche et lundi de 10h à 17h, indique la ville. La première cellule, située au collège Le Bois-d’Aulne (place René-Picard), est réservée aux collégiens, parents d’élèves et professeurs ; la seconde, située dans les locaux du secteur d’action sociale du Département des Yvelines (1, rue de Pologne), est accessible à l’ensemble de la population.

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