Réouverture du collège Saint Exupéry à Vincennes, projet Marne Europe à Villiers… Dans le Val-de-Marne, plusieurs opérations suspendues à de coûteux travaux de dépollution devraient pouvoir s’appuyer sur le fonds friches du plan de relance. Explications.
La pollution occasionnée par les activités passées, qu’il s’agisse d’industries, de garages automobiles, de décharges sauvages ou encore de blanchisseries, plombe le bilan financier de bien des opérations d’aménagement car le principe du pollueur-payeur ne peut pas s’appliquer sur des pollutions anciennes. Et même lorsqu’elles sont récentes avec un pollueur bien identifié, ce dernier n’est pas toujours solvable.
Les normes environnementales et de santé publique, elle, ont évolué. Et il n’est plus possible de construire une école dans une ancienne usine de radium (comme ce fut le cas à Nogent dans les années 1960), ni des lieux d’habitation sur des sites bourrés de PCB, cuivre, plomb, arsenic, mercure, hydrocarbures, et autres solvants chlorés sans prendre des précautions pour contenir ou supprimer ces pollutions.
Désormais, la découverte de pollution lors d’une opération d’aménagement rajoute une ligne de dépenses non négligeable dans le bilan financier, de l’ordre de 15% a même chiffré l’ORF (Observatoire régional foncier)
Lire : Comment la pollution des sols plombe les opérations urbaines du Grand Paris
Parfois, il faut même abandonner. A Limeil-Brévannes par exemple, la commune a renoncé à construire une école aux Temps durables, sur le terrain quelle avait acheté à cet effet, en raison de pollutions sur cet ancien site de l’AP-HP (Voir article).
D’où la demande récurrente des élus locaux de bénéficier d’aides financières de l’Etat pour débloquer des opérations compromises par la pollution. “Jusqu’à présent, nous n’avions pas l’outil financier adéquat, reconnaît le préfet du Val-de-Marne, Raymond Le Deun. Le fonds friche du plan de relance doit permettre de résoudre ces situations.”
Fonds friches : 300 millions € au niveau national
Doté de 300 millions d’euros au niveau national, ce fonds de recyclage des friches et du foncier artificialisé vise à la fois à débrider des projets bloqués par les surcoûts de la dépollution mais aussi inciter à dépolluer des sites pour qu’ils soient “prêts à l’emploi”. Pour hiérarchiser les nombreux projets qui pourraient candidater, la priorité sera donnée aux “territoires où le marché fait défaut”., précise la fiche de présentation de ce fonds. Sur ces 300 millions d’euros, une petite enveloppe de 700 000 euros sera par ailleurs consacrée aux outils d’inventaire développés par le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) comme Cartofriches et UrbanVitaliz.
Localement : des fonds contractualisés dans le cadre du Contrat Plan Etat Région
Concrètement, le fonds va financer d’une part des appels à manifestation d’intérêt (AMI) nationaux concernant par exemple des projets d’aménagement urbain et de relocalisation d’activité, la revitalisation des centres ou périphérie des villes, la dépollution des sites pollués orphelins…, et d’autre part des fonds régionaux contractualisés entre Etat et Région dans le cadre du CPER (Contrat plan Etat Région) 2021-2027.
Voir la fiche détaillée (page 31) dans le dossier de présentation du plan de relance.
En Ile-de-France, deux sites ont déjà été cités en exemples de projets dans la fiche de présentation du fonds : l’ancien centre hospitalier de Gonesse dans le Val d’Oise (95) et le Pont des Gains à Breuillet dans l’Essonne (91).
“En Val-de-Marne, ce fonds permettra par exemple de débloquer les opérations au collège Saint-Exupéry de Vincennes ou à Marne Europe”, indique le préfet du Val-de-Marne.
Collège Saint-Exupéry à Vincennes: une facture dépollution de 20 millions €
A Vincennes, la situation du collège Saint-Exupéry est en effet dans l’impasse. L’établissement a dû fermer du jour au lendemain en novembre 2017 suite à la découverte d’une pollution résiduelle aux solvants chlorés à l’occasion de travaux de rénovation. Une pollution liée à la présence d’une ancienne manufacture d’œillets métalliques pour chaussures… Depuis, les élèves ont été transférés dans un collège provisoire construit à côté du Château de Vincennes et le Conseil départemental, en charge des collèges, a demandé à l’Etat de prendre sa part de la dépollution car c’est l’Etat qui avait la compétence collèges lors de sa construction. (Celle-ci a été transférée aux départements lors de la décentralisation des années 1980). L’enjeu financier est de taille car la seule dépollution se chiffre à 20 millions d’euros, fait savoir le département. Une somme non négligeable alors que la construction d’un collège neuf se situe autour de 25 millions d’euros. Au cabinet de la présidence du département, on se “réjouit” que le préfet ait identifié la situation du collège Saint-Exupéry comme relevant du fonds et que “l’Etat reconnaisse le besoin d’intervenir sur ce dossier” et on attend désormais la concrétisation. La concertation avec le préfet sur le plan de relance devrait démarrer sous peu mais les arbitrages du CPER 2021-2027 ne sont pas attendus avant 2021, au plus tôt.
Voir tous nos articles sur l’affaire des solvants chlorés au collège de Vincennes
Marne Europe : quand la dépollution passe de 5 millions à 17 millions €
Concernant le projet Marne Europe, situé à Villiers-sur-Marne, le surcoût lié à la dépollution était prévu dès le départ, le site étant installé au-dessus d’une ancienne décharge. “Mais la facture initialement prévue de 5 millions d’euros a bondi à 17 millions en raison de nouvelles réglementations”, explique Jacques-Alain Bénisti (LR), maire de Villiers-sur-Marne. De quoi alourdir le bilan de l’opération d’aménagement, portée par l’EPA Marne. Là encore, l’Etat était attendu pour mettre au pot. “C’est l’Etat qui a mis le terrain à disposition, il est donc légitime qu’il prenne sa part”, rappelle le maire de Villiers. Pour l’heure, l’opération reste néanmoins dans le timing, avec de premières livraisons dès 2024, avant la mise en service de la ligne 15 Sud prévue début 2025 pour desservir la nouvelle gare de Bry-Villiers-Champigny.
Un rapport du Sénat préconise une enveloppe pérenne de 75 millions d’euros par an
Au-delà du fonds friche, enveloppe ponctuelle inscrite dans le plan de relance, une commission d’enquête du Sénat a planché depuis le mois de février sur la question de la pollution des sols pour évaluer les enjeux et proposer des réponses pérennes dans le temps. “Nous sommes partis du constat qu’il existe des dispositifs très précis pour gérer la pollution de l’air et la pollution de l’eau, sans équivalent pour la pollution des sols”, motive Laurent Lafon (UDI), président de la commission qui a rendu ses conclusions la semaine dernière. C’est pour combler ce “trou dans la raquette”, que le rapport, “voté à l’unanimité de la commission”, préconise une série de mesures pour mieux identifier et cartographier les sites pollués, veiller sur leur impact de manière transparente, et financer la dépollution. “Nous proposons notamment un fonds national de réhabilitation des sites et des sols pollués doté de 75 millions d’euros par an pour traiter les terrains qui ne peuvent pas l’être dans le cadre d’opérations d’aménagement dont les droits à construire permettent d’amortir le coût de dépollution”, développe l’ancien maire de Vincennes. “Le fonds friche est intéressant mais il ne s’inscrit pas dans la même temporalité. Nous souhaitons une pérennisation du financement dans le temps. Le montant de 75 millions d’euros par an équivaut environ au double de l’effort actuel de l’Etat via l’Ademe (Agence de la transition écologique).” Le rapport, en cours de présentation aux différents ministres concernés, devrait faire l’objet de propositions d’amendements au projet de loi de finance (PLF) 2021 pour trouver sa concrétisation.
En attendant, le fonds friches devrait être largement sollicité. Dans le département, d’autres opérations d’aménagement pourraient réclamer leur part comme par exemple Les Ardoines à Vitry-sur-Seine, où la problématique dépollution est majeure avec, pour commencer, la question du devenir du dépôt pétrolier.
Voir nos articles sur la pollution des sols en Val-de-Marne
Lire aussi :
Si on n’intervient pas tout de suite, le même problème se posera pour la décharge sauvage de la Redoute des Hautes Bruyères à Villejuif :
https://www.villejuif-ecologie.fr/le-depot-sauvage-de-la-redoute-drame-ecologique-humain-et-financier/
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