Fermée depuis le 21 octobre par arrêté préfectoral, la Grande Mosquée de Pantin, qui accueille quelque 1300 fidèles, a vu la décision confirmée ce mardi 27 octobre par le Tribunal administratif de Montreuil. Explications.
Le 9 octobre, la mosquée avait partagé sur sa page Facebook la vidéo du père d’élève du collège de Conflans-Sainte-Honorine reprochant au professeur Samuel Paty d’avoir montré les caricatures de Mahomet parues dans Charlie Hebdo lors d’un cours sur la liberté d’expression, et appelant à dire stop. Après l’attentat contre le professeur d’histoire géographie le 16 octobre, l’établissement avait dénoncé un “meurtre barbare” et condamné “avec force cette sauvagerie”, appelant à participer au rassemblement place de la République le dimanche 18 octobre, mais le partage de la vidéo et la non modération de commentaires fournissant des éléments d’identification du professeur, une semaine avant l’attentat, a motivé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, à demander au préfet de Seine-Saint-Denis de fermer l’établissement.
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Une fermeture motivée, au-delà du partage d’un post Facebook
Dans son arrêté de fermeture, le préfet Georges-François Leclerc n’a pas seulement motivé sa décision par le partage de la vidéo du père en colère, mais aussi par les personnalités à la tête de la mosquée. Le préfet a ainsi décrit l’imam principal de la mosquée, Ibrahim Doucoure comme “impliqué dans la mouvance islamiste radicale d’Île-de-France”, notant par exemple que que ce dernier “utilise notamment comme vecteur de ses prêches le site« La Voie droite », qui diffuse des fatwas salafistes de cheikhs saoudiens” . L’arrêté de fermeture note aussi que “la grande mosquée de Pantin est fréquentée par des individus appartenant à la mouvance islamiste radicale” .
Recours contre la décision
La Fédération musulmane de Pantin, présidée par M’Hammed Henniche, également secrétaire général de l’Union des Associations
Musulmanes de la Seine-Saint-Denis (UAM93), a fait appel de la décision dans le cadre d’un référé liberté et lancé une pétition sur Change.org, signée à ce jour par environ 1500 personnes. “La Fédération Musulmane de Pantin s’est retrouvée, malgré elle, au milieu d’un déferlement médiatico-politique pour avoir partagé la vidéo d’un parent d’élève qui ne comportait aucun caractère violent ou incitatif à la violence à l’encontre du professeur victime d’un crime abject”, regrettait la mosquée.
Mise en retrait de l’imam Doucouré
En parallèle, l’imam Ibrahim Doucouré, visé dans l’arrêté, a annoncé se mettre en retrait dans un communiqué publié ce dimanche. “Soucieux de l’intérêt des fidèles et de la pérennité de la mosquée j’ai décidé, ce jour, de me mettre en retrait de mes activités. Je ne reprendrai mes activités qu’à l’issue d’un dialogue constructif avec les représentants de la mosquée avec comme seul souci de tout favoriser pour assurer, dans la tranquillité, la pérennité de ses missions et de ses activités”, indique-t-il sur la page Facebook de la mosquée.
Le Tribunal administratif confirme la décisions
Ce mardi 27 octobre, le Tribunal administratif de Montreuil a confirmé la fermeture, estimant que l’arrêté ne portait pas une “atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales” et qu’à ce stade, la mosquée ne présentait pas de garanties suffisantes pour que de telles dérives menaçant l’ordre et la sécurité publique ne se reproduise pas. Lors de l’audience, le préfet a toutefois laissé entrevoir une possible réduction du temps de fermeture, suite au départ de l’imam Doucouré.
“Le retrait de toute activité de l’Imam Monsieur Ibrahim Doucoure constituait un geste fort d’apaisement qui était de nature à répondre aux préoccupations du ministère de l’Intérieur. Ainsi, malgré les efforts entrepris, la grande mosquée de Pantin va rester fermée, privant des milliers de fidèles de leur liberté de culte, à l’heure où les mesures sanitaires restreignent l’accès aux mosquées de façon durable”, ont regretté les avocats de la fédération des musulmans de Bobigny dans un communiqué également publié sur la page Facebook de la mosquée. Les avocats indiquent attendre désormais “du Conseil d’État qu’il corrige la décision rendue sans préjudice bien entendu parallèlement d’un dialogue qui peut et doit se poursuivre avec la Préfecture de Seine-Saint-Denis compte tenu de l’offre de dialogue faite par le Préfet lors de l’audience.”
Sur la page Facebook de la mosquée, le débat reste vif
En dessous du communiqué posté sur le réseau social, la décision a déjà donné lieu à plusieurs dizaines de commentaires de fidèles partagés entre plusieurs positions. L’un d’eux reproche à M’Hammed Henniche d’avoir posté la vidéo sur la page de la mosquée au lieu de son compte personnel. Un autre ne comprend pas pourquoi “en quoi la vidéo est illégale”, donnant lieu à un débat entre d’autres qui abondent dans son sens et une internaute qui rappelle en revanche que “donner le nom et l’adresse d’une personne sur les réseaux sociaux sans son consentement est illégal… quand en plus il se fait décapiter suite à cette diffusion, on voit clairement le problème de la vidéo non?”
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