Enquête | Val-de-Marne | 30/04/2020
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Fragilisés par la crise du Covid, les fleuristes du Val-de-Marne misent sur le 1er mai

Fragilisés par la crise du Covid, les fleuristes du Val-de-Marne misent sur le 1er mai

Autorisés à ouvrir en drive, c’est-à-dire uniquement pour délivrer des commandes passées à l’avance, les fleuristes espèrent bien que le 1er mai leur portera bonheur. Dans le Val-de-Marne, une bonne partie des 250 artisans de la fleur ont refait leurs stocks.

En raison du confinement, la vente à la sauvette, par des particuliers comme des associations, est interdite, et seuls les commerçants patentés pourront officier ce vendredi 1er mai. De la concurrence en moins pour les fleuristes qui devront néanmoins composer avec la grande distribution, mais aussi les commerces de première nécessité déjà autorisés à ouvrir, lesquels ne sont pas, eux, réduits au seul drive.

Pour beaucoup de fleuristes, le confinement a stoppé net l’activité, laissant les artisans seuls avec leur stock de fleurs fraîches, boutique fermée. “On estime à 15% le nombre de fleuristes en danger, susceptibles de mettre la clef sous la porte, chiffre Florent Moreau, président de la Fédération française des artisans fleuristes (FFAF). Les aides de l’Etat ont évité les faillites immédiates mais le professionnel s’inquiète pour le moyen terme. “Le système de report de charges pour les entreprises, l’activité partielle et le prêt garanti par l’Etat, qui permet que la trésorerie avant confinement ne soit pas impactée, sont de bonnes solutions et permettent une sorte de ‘période blanche’. Pour autant, elle sera insuffisante pour certains commerces”, souligne le professionnel.

La livraison : première planche de salut

Dans ce contexte, la livraison, qui n’a jamais été interdite, a constitué la première planche de salut pour ceux qui sont restés sur le pont. “Au début, j’ai commencé à donner les fleurs pour écouler mon stock, puis des clients m’ont incitée à le vendre alors j’ai pris des photos et proposé mes bouquets à prix bradés sur les différentes communautés Facebook locales. La solidarité a joué et tout est parti! J’ai été livrer chaque bouquet. Cela m’a encouragée et j’ai continué à travailler en livraison, j’ai ainsi fait connaissance avec de nouveaux clients”, témoigne Sonia, qui a ouvert la Rose Bleue à Nogent-sur-Marne il y a quelques années.

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Les couronnes de deuil : produit phare de la pandémie

Parmi les principaux motifs de commande: le deuil… “J’ai toujours fait des couronnes pour les enterrements mais c’était de l’ordre de quelques unes par semaine. Aujourd’hui, j’en suis à quinze par jour”, confie la fleuriste, qui gardera longtemps en mémoire ses livraisons au CHU Mondor, avec ces cercueils à perte de vue.

Même constat pour Julie, du Jardin de Nogent : “Grâce à ma clientèle fidèle et à ma boutique en ligne, j’arrive depuis le début du confinement à maintenir le navire à flot. Les clients que je devais fournir pour leur mariage gardent mes services, qu’ils organisent une petite fête en comité restreint ou qu’ils reportent la cérémonie à l’année prochaine. Je livre aussi beaucoup de couronnes, soit directement à l’église, soit au funérarium, mais les commandes sont de plus petite taille”, précise-t-elle. “Les fleuristes ont dû s’adapter : entre 25 et 30% d’entre eux ont maintenu une activité, grâce aux livraisons effectuées. Ils étaient 8% à assurer ce service, avant le confinement”, relève Florent Moreau.

Eviter le mur de la dette

Un maintien d’activité qui permet au moins de payer les charges pour certains fleuristes. “J’arrive à payer mes charges, et même si c’est insuffisant pour me payer moi, cela m’évite un report de dettes dont je mettrais des années à sortir”, insiste Sonia. “Si on arrive à payer le loyer, on est contents”, abonde le gérant d’un Au Nom de la Rose. Globalement toutefois, le secteur a bu une grosse tasse, surtout dans les premières semaines. “Nous avons perdu 80 à 90% de notre chiffre d’affaires”, indique un fleuriste. Selon l’enquête menée par la FFAF fin mars début avril, 60% des fleuristes ont subi une baisse de 50 à 70% de leurs recettes en mars.

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Les jardineries ont mieux résisté

Pour les mieux lotis, leur commerce fait aussi jardinerie, ce qui leur a permis de rouvrir début avril les plans potagers étant considérés comme des produits de première nécessité. C’est le cas d’Olivier Fleurs, à Villiers-sur-Marne. “Nous vendons beaucoup de tomates et tout ce qui est susceptible d’occuper les gens qui ont un jardin et estiment que les vacances d’été auront lieu à domicile. La demande est telle que nous allons rouvrir tous les jours, dès cette semaine. Le personnel est prêt à reprendre, il n’y aura plus de chômage partiel“, annonce Françoise, la gérante. Et désormais, ce-sont les commandes de muguet qui affluent. “Beaucoup demandent à faire livrer directement chez la personne à qui ils offrent le brin. D’habitude, je commande mon muguet au mois de février mais cette année, je n’en ai commandé que quelques pots et je ne fais pas de muguet coupé, je pense donc en vendre moins que les années précédentes.”

Le drive : bon compromis en attendant la réouverture

Autorisés à vendre en drive depuis quelques jours, c’est-à-dire de livrer des commandes pré-achetées à la porte de leur magasin, certains fleuristes ont aussi saisi l’opportunité. “Pendant un mois, nous venions juste à la boutique une fois par semaine pour arroser. Depuis que nous avons mis le drive en place, j’alterne entre la remise de commandes depuis mon arrière boutique, et les livraisons directement à domicile”, témoigne Charlène qui tient Val-des-Roses à Créteil. Guillaume, qui tient le magasin G.D Fleurs à Thiais, assure lui aussi ce système depuis trois semaines :“Les commandes que les clients viennent retirer correspondant principalement à des plans potagers, en particulier de poivrons et d’aromates”.

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Le 1er mai: un nouveau départ

En livraison ou en drive, le muguet du 1er mai, les artisans fleuristes du Val-de-Marne entendent ne pas passer à côté, misant sur ce rendez-vous de pré-déconfinement pour lancer vraiment la saison. Et à première vue, la demande est plutôt au rendez-vous. “J’ai mis des affiches un peu partout, les commandes de muguet s’accumulent”, se réjouit la gérante de Lilium, à Nogent-sur-Marne. “J’ai fait pas mal de publicité dans la ville, notamment avec le concours de la mairie, mais aussi via les réseaux sociaux”, indique Boris, à la Maison des Fleurs de Cachan. Au Parc Fleuri de Saint-Maur-des-Fossés aussi, la demande est au rendez-vous. “J’ai reçu plein de commandes ! Moins que les autres années, mais je vendrai au moins les deux tiers de mon muguet”, se rassure l’artisan. “J’ai fait un mini stock de muguet, le minimum vital pour mes clients habituels, qui m’en ont commandé par téléphone ou en ligne. Mais ça ne représente qu’un cinquième de ce que je vends en général”, note toutefois Julie, du Jardin de Nogent. Au niveau national, ces clochettes parfumées ont généré 22 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019.

Pour d’autres, la tradition ne sera pas reconduite cette année. “Je ne livrerai pas de muguet, étant donné que je n’ai pas suffisamment de personnel pour. Et puis, je crois que même si les fleuristes étaient autorisés à en vendre, ce ne sera pas un 1er mai aussi gai que les autres : les gens ne sont pas invités à dîner ici ou là, et les hommes en offriront sûrement moins à leur femme” , estime le tenant de la boutique Eve Fleurs, au Perreux-sur-Marne. Au Jardin des Fleurs de Chennevières-sur-Marne non plus, la livraison ne saurait faire partie du rituel. “Je ne participe pas à ce système de livraison car pour moi, l’achat de muguet est un plaisir que l’on ressent sur place, en le choisissant. Du reste, je n’ai pas reçu tant de commandes que cela. Et puis, je ne me vois pas faire choisir les gens, un par un, domicile après domicile.”

La bataille du muguet

Pour les fleuristes, l’organisation de ce 1er mai a fait l’objet d’un lobbying intense en amont, qui n’a abouti qu’à moitié. “Nous avions fait deux demandes auprès du cabinet du Premier ministre”, explique le président de la FFAF. La première, que la vente à la sauvette de muguet soit interdite cette année car c’est une concurrence encore plus déloyale que d’ordinaire alors que les fleuristes souffrent déjà de la crise. Nous avons obtenu une réponse favorable à cette demande. Nous avions également demandé à ce que la vente de muguet puisse se tenir devant la boutique de chaque fleuriste qui le souhaitait, sur son pas de porte. Cette demande nous a été refusée.” Ce qui a suscité la colère des fleuristes, en revanche, est l’autorisation de vendre du muguet dans les commerces de première nécessité, en plus des grandes surfaces.”Concernant les grandes surfaces, ce n’est pas nouveau, et je ne suis pas sûr qu’ils en vendent en plus grosse quantité cette année. Mais que le muguet puisse être vendu dans les boulangeries, les boucheries ou chez les buralistes est dérangeant. Nous sommes des professionnels du végétal, nous n’aurions pas l’idée de vendre des steak hachés. Et puis, qui nous dit qu’ils n’auront pas l’envie d’en vendre à nouveau l’année prochaine ?” dénonce Florent Moreau. “Tout le monde vend des fleurs, sauf les fleuristes”, ironise la gérante du Monceau Fleurs au Perreux-sur-Marne. “Le 1er mai fait partie de nos trois meilleurs ventes avec la fête des mères, qui aura lieu le 7 juin, et la Saint-Valentin. Il aurait été appréciable que les boulangeries ou les buralistes ne s’en emparent pas”, acquiesce Charlène, du Val-des-Rose.

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Cap sur le déconfinement

Désormais, c’est dans le déconfinement que se projettent les fleuristes, car le 11 mai, c’est presque demain, et il va falloir organiser à nouveau l’accueil en magasin. Boris, dont la boutique fait 25m², anticipe la reprise. “Je ne ferai entrer qu’une seule personne à la fois, d’autant que la mairie a déjà tracé devant la porte d’entrée du magasin plusieurs intervalles d’un mètre de distance.” D’ici le 11 mai, un guide des bonnes pratiques sanitaires, précisant par exemple le nombre de clients autorisés à entrer à l’intérieur du magasin selon sa superficie, sera transmis aux commerçants, indique-t-on à la FFAF.

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