Une chambre et un patient assoupi. Un décor d’hôpital banal, si ce n’étaient les barreaux aux fenêtres et la lourde porte blindée scellée d’une double serrure. Unique en France, l’hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) est devenu le premier centre de traitement des détenus malades du coronavirus.
L’imposant bâtiment en pierres brunes a été érigé quatre ans après l’implantation du centre pénitentiaire de Fresnes, en 1902. Depuis, l’ancienne “infirmerie centrale des prisons” accueille des patients de l’ensemble du territoire, outre-mer compris. “Accessoirement une prison, d’abord un hôpital”, résume en une formule son directeur, Olivier Reillon.
En France, les malades incarcérés sont pour la plupart pris en charge par des unités sanitaires à l’intérieur des prisons pour les soins courants, par des hôpitaux de référence situés à proximité des centres pénitentiaires pour les autres. Ils y intègrent les mêmes services que les patients lambda, mais sous surveillance policière, parfois dans des chambres sécurisées quand l’hôpital en dispose. A titre d’exemple, l’Ile-de-France dispose de 25 places en Unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI).
Un détenu “dans un hôpital, avec des personnes âgées, des enfants… ça peut être compliqué”, note Olivier Reillon. Alors, grâce à son “environnement sécurisé”, son établissement est plus particulièrement dédié aux soins de suite, aux hospitalisations de longue durée, aux maladies chroniques et à la rééducation.
Fresnes accueille les patients-détenus les plus lourds. Ceux “qui se sont défenestrés lors d’interpellations”, qui ont subi des interventions “musclées”
des forces de l’ordre, les grands brûlés, mais aussi les cancéreux, les malades du diabète ou les victimes de pathologies liées à la précarité – VIH, hépatites et tuberculoses. Il recueille aussi les détenus âgés en perte d’autonomie qu‘”on essaie de remettre dans le droit commun”.
Les juges sont souvent “frileux” lorsqu’il s’agit d’accorder un aménagement ou suspension de peine qui permettrait à ces détenus d’intégrer un Ehpad ou une structure en charge des handicapés, note Olivier Reillon. “On récupère ceux pour qui l’aménagement de peine n’est pas possible” en raison de la dangerosité du prisonnier ou de son statut médiatique. “Seul à être en capacité d’apporter des soins de confort et de rééducation” aux détenus, l’hôpital pénitentiaire, sous la double tutelle des ministères de la Justice et de la Santé, a une “vraie nécessité”, insiste son chef.
Quelque 300 surveillants de prison et personnels hospitaliers se croisent dans ce “havre de paix”, comme le qualifie l’infirmière Catherine Charlier, qui y travaille depuis trente ans. “On y voit des détenus qui ne se seraient jamais parlé dans une cour de promenade, peut-être parce que les souffrances et les maladies rapprochent”, ajoute Olivier Reillon. Mineurs et femmes y sont également soignés, protégés spécifiquement par des surveillants, explique le Dr Christophe Pourchez.
Le détenu est “casanier” et rechigne souvent à être hospitalisé, déplore le directeur. Mais, en cas de maladie contagieuse, “on ne peut pas se le permettre”. Avant la pandémie, l’hôpital pénitentiaire s’était déjà spécialisé par nécessité dans le traitement des maladies infectieuses, notamment la tuberculose que beaucoup de détenus contractent au cours d’une vie précaire dans des habitats insalubres. Très contagieuse, elle a aguerri le personnel médical et poussé l’établissement à “rehausser les niveaux de sécurité”, explique un responsable des surveillants, Frédéric Dignan.
Lors de la première vague, l’hôpital pénitentiaire a naturellement été “la première unité d’hospitalisation Covid pour les détenus” en Ile-de-France, traitant une quarantaine de patients, parmi les cas les plus graves signalés en détention.
Par Ornella Lamberti/AFP
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