“Vous nous avez manqués! Il vous reste du pain Polka?” Fermée depuis le début du confinement, l’agence immobilière Orpi de Joinville-le-Pont s’est transformée en boulangerie ce samedi matin, accueillant la famille Alves d’ordinaire installée sur le marché.
Ces artisans boulangers, qui ont leur atelier en Seine-et-Marne, ne travaillent que sur les marchés, à Joinville, Neuilly-Plaisance et Créteil. Trois sites qui ont baissé le rideau depuis la mi-mars. A Joinville, un système de commande avec points de retrait a été mis en place mais cela n’est pas approprié aux petites quantités vendues par le boulanger. “J’ai redécouvert ce qu’était le sommeil, moi qui suis habitué à me lever à 2 heures du matin, mais cette situation ne peut pas s’éterniser”, témoigne Kévin, qui travaille avec ses parents. Quand ils ont été appelés cette semaine pour se voir proposer un emplacement le samedi dans l’agence immobilière parfaitement située sur l’avenue Galliéni, dans le bas de Joinville-le-Pont, les Alves n’ont donc pas hésité une seconde. Et ce matin, les habitués qui ont découvert leur boulanger du marché par hasard en faisant leurs courses n’ont pas boudé leur plaisir, passée la surprise de voir les viennoiseries dressées devant les annonces de maisons à vendre. “Le pain Polka, c’est vraiment ici qu’il est le meilleur”, reprend l’un des fidèles en repartant avec un morceau qui devrait lui faire la semaine. “Moi, c’est les petits pains portugais que je préfère”, enchaîne une passante qui vient de rejoindre la file d’attente.
Proposer aux commerçants qui n’ont pas le droit d’ouvrir de mettre leur local à disposition des commerçants de bouche du marché, il fallait y penser. A Joinville, l’idée a germé dans la tête de Carmen Perez, une colistière de Tony Renucci, candidat aux municipales, inspirée par une initiative déjà mise en place avec succès à Angers. C’était il y a deux semaines. Après, tout a été très vite. “Nous avons discuté avec quelques commerçants de la ville et du marché pour tâter le terrain, partagé l’idée sur Facebook puis écrit au maire pour lui demander son soutien dans cette initiative”, raconte Tony Renucci qui a baptisé l’opération “Adopte un commerçant du marché”. Côté majorité municipale, on a réagi immédiatement. Le lendemain du courrier, une réunion était organisée avec les adjoints en charge des marchés et de la vie économique et la ville s’est occupée de contacter le délégataire du marché et de gérer la partie réglementaire et le relais de l’information. En huit jours chrono, tout était organisé. “Vu le contexte électoral, nous n’étions pas sûrs que nous aurions une réponse. Cela fait plaisir d’avoir pu monter cette opération au-delà des divergences politiques”, reconnaît le candidat qui s’est présenté contre le maire sortant.
“C’est juste normal! Dans une période comme celle-là, tout le monde doit se serrer les coudes”, réagit la gérante de la crêperie de l’allée Raymond Nègre, qui a immédiatement accepté d’accueillir gracieusement le marchand d’olives. “On ne peut pas rester sans rien faire, il faut se bouger, cela fait du bien de voir que cela s’anime un peu. Moi j’ai continué à ouvrir en vente à emporter. Le chiffre d’affaires n’a rien à voir car les gens font leurs crêpes chez eux mais je fais cela quasiment pour le plaisir”, indique la patronne du Rendez-vous Gourmand. Ce matin sur la placette, l’étal d’olives, tapenades et autres épices donne des airs provençaux à la placette, même si tous les produits sont protégés derrière de grandes bâches de film transparent, empêchant les odeurs de se déployer complètement.
Alors que le déconfinement doit intervenir dans une dizaine de jours, l’initiative arrive dans la dernière ligne droite. “Mieux vaut tard que jamais”, insiste le fromager Stéphane Garcia qui a installé sa vitrine réfrigérée devant le restaurant Le Chalet, un peu plus loin sur l’avenue Galliéni. Devant son étal, la file d’attente se recompose en permanence d’habitués qui l’ont repéré depuis l’autre côté de la rue ou sont tombés quasi par hasard nez à nez devant l’empilement de fromages. De 12 mètres linéaire sur le marché, le fromager est passé à 2 mètres, il faut donc sélectionner ce qui part le mieux. “De toutes façons, il y a aussi moins de choix en ce moment à Rungis”, explique le fromager en invitant une cliente à ne pas passer à côté du Morbier, car “pas sûr qu’il y en aura encore la semaine prochaine”.
A total, cinq commerçants ont ouvert leurs locaux gracieusement à des commerçants du marché. “Beaucoup ne sont pas propriétaires de leur magasin donc c’est plus compliqué”, explique Tony Renucci qui pense que de nouveaux devraient franchir le pas dans les semaines qui viennent, au cas où le marché ne rouvrirait pas dès le 11 mai.
Ci-dessous la liste des commerçants du marché installés dans des commerces joinvillais.
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