A l’occasion des quinze ans de la loi handicap et de la Conférence nationale qui se tenait à l’Élysée ce mardi, une dizaine de parents et aidants de personnes en situation de handicap ont manifesté devant la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de Créteil pour témoigner des difficultés qui persistent.
« Aujourd’hui, les délais de prise en charge ne sont plus tenables, témoigne Amandine, maman du petit Ruben, 4 ans, atteint de troubles du spectre autistique (TSA). Dans le cas de mon fils, nous avons dû passer 8 mois sans aides financières à partir du diagnostic, relançant sans relâche pour parvenir à les obtenir » Cette habitante de la Queue-en-Brie a été désignée coordinatrice départementale d’un collectif citoyen qui a appelé à des rassemblements devant toutes les Maisons Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) de France. Et ce mardi 11 février, elle a remis un cahier de doléances à celle du Val-de-Marne, située à Créteil.
Le but était surtout de faire pression sur le gouvernement en ce jour de Conférence nationale du handicap (CNH). Décidée le 3 décembre dernier à l’issue du Comité interministériel du handicap (CIH), et présidée à l’Élysée par le Emmanuel Macron, la rencontre a abordé la situation scolaire et professionnelle, et l’accompagnement des personnes en situation de handicap. Ses mesures étaient très attendues par les associations.
La journée coïncide également avec l’anniversaire de la loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » de 2005. Ce texte fondateur a posé les principes de la prise en charge des personnes en situation de handicap : accessibilité, droit à la compensation, et création des MDHP entre autres. Mais quinze ans plus tard, les résultats ne sont pas au-rendez-vous selon les aidants.
Retards et refus incompris
Parmi les principales critiques, reviennent la rupture des droits à cause du dépassement des délais de réponse, et le manque d’explication sur les motivations des décisions rendues par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). «Personne ne m’a expliqué pourquoi la demande d’AVS [Assistant de vie scolaire, ancien nom des AESH] de mon fils avait été refusée, ni pourquoi il a été placé en Institut Médico-Educatif (IME), raconte Sarah, mère d’un petit Daoud de 4 ans handicapé moteur à plus de 80 %, venue de Bretagne, son nouveau lieu de résidence, pour manifester. Ensuite les dates de fin de droits pour le complément qu’on percevait ont été modifiées. Au total, mon fils n’y a droit que 6 mois alors que jusqu’ici, je pensais que la durée était de 3 ans. »
Même incompréhension chez Yassine, grand frère de Salim, aujourd’hui en 3e en classe spécialisée de SEGPA (Section d’enseignement général et professionnel adapté) et qui n’a jamais bénéficié d’AESH malgré son autisme. « Pour obtenir les cartes d’invalidité de mon frère, on a dû saisir le tribunal administratif, raconte le jeune homme qui s’insurge aussi contre le fait que sa mère ait été forcée de « sacrifier 16 ans de sa vie » pour s’occuper de son enfant.
« Le statut d’aidant n’est pas assez reconnu, renchérit le père de Ruben. Je n’ai pu bénéficier que du congé de présence parental de 310 jours pour m’occuper de mon fils. Ce qui est bien trop peu. » Et en moyenne section de maternelle, Ruben ne bénéficie que de 15 heures d’AESH hebdomadaires, indiquent les parents.
Difficultés informatiques
Selon les chiffres de la MDPH de Créteil, les délais de traitement atteignaient 5,2 mois en moyenne en 2019, à compter de la recevabilité du dossier, c’est-à-dire une fois celui-ci administrativement complet et comportant toutes ses pièces. « Nous avons traité 40% des dossiers dans un délai inférieur à 4 mois », précise Daniel Courtois, chef de service adjoint. «Nos délais se sont effectivement allongé en 2019 et nous travaillons activement à la réduire », reconnait-il.
Présente pour recevoir les aidants en colère Brigitte Jeanvoine, vice-présidente du Conseil départemental en charge de la délégation solidarités en faveur de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, invoque les mises à jour logiciels laborieuses pour expliquer ces retards. « En plus de la dématérialisation des procédures [qui sera finalisée d’ici 2021], nous devons gérer la mise en place Système Informatisé Harmonisé des MDPH, commun à toutes les structures, et qui diffère de notre système interne. », développe l’élue. Destinée à uniformiser les statistiques et simplifier les procédures, cette nouvelle interface sur laquelle travaillent encore des éditeurs indépendants n’est pour l’instant pas au point, explique-t-on à la MDPH. « En particulier, elle ne permet pas une personnalisation assez étendue des notifications envoyées par courrier postal aux concernés », déplore Daniel Courtois.
La MDPH indique par ailleurs qu’avec 100 000 ayants-droits et 88 000 demandes dans le département par an, il est matériellement impossible de faire passer tous les cas devant la Commission. La MDPH met également en avant les difficultés informatiques pour instaurer une prorogation automatique des droits dans certains cas, en principe obligatoire depuis décembre 2019. « Il est compliqué de repérer les personnes concernées dans la base de données et de parvenir à les notifier systématiquement », explique Daniel Courtois.
Concernant la présence insuffisante d’auxiliaires de vie, désormais recrutés comme AESH, une promesse d’embauche de 11 500 AESH d’ici 2022 a été faite au niveau national ce mardi, à l’issue de la CNH. A suivre.
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