Depuis le début du confinement, la police a déployé des drones pour adresser des messages aux populations et pour prendre des photos de situation à des fins d’intervention. Un recours que la la Ligue des Droits de l’Homme et La Quadrature du Net estiment non légitimé par des bases légales. Ce mardi 4 mai, les deux associations de défense des libertés fondamentales ont attaqué cette pratique en référé (procédure d’urgence) devant le Tribunal administratif de Paris.
Selon un document d’explication adressé au journal Médiapart pour son article “Avec le confinement, les drones s’immiscent dans l’espace public”, la préfecture de police de Paris dispose d’une quinzaine de drone déployés dans la capitale et son agglomération. Ces derniers ont opérés par la direction opérationnelle des services techniques et logistiques (DOSTL) à deux fins : rappeler aux habitants les obligations de confinement et prendre des photos de situation à des fins d’intervention. Dans ce cas, les images captées et enregistrées par le drone sont transmises directement à la direction opérationnelle sur une tablette. Au niveau national, un rapport d’étape du Sénat indique qu’entre le 24 mars et le 24 avril, 535 missions de police nationale ont recouru à des drones, dont 251 missions de surveillance et 284 missions d’information de la population.
” Les drones sont utilisés pour la très grande majorité des cas en appui de missions de police : leur emploi est alors justifié par les circonstances prévues à l’article dérogatoire* ; l’objectif est de transmettre des images en temps réel au directeur des opérations, via la réalisation de plans d’ensemble permettant une vision élargie d’une situation dans l’espace public qui constitue une aide à la décision pour le commandement”, détaille la préfecture de police de Paris.
* Le cadre dérogatoire dont il est question comprend l’article 8 de l’arrêté relatif à la conception des aéronefs civils sans personne à bord qui stipule que “les aéronefs qui circulent sans personne à bord utilisés pour le compte de l’Etat dans le cadre de missions de secours, de sauvetage, de douane, de police ou de sécurité civile, peuvent évoluer en dérogation aux dispositions du présent arrêté lorsque les circonstances de la mission et les exigences de l’ordre et de la sécurité publics le justifient”, et l’article de l’arrêté relatif à l’utilisation de l’espace aérien par ces aéronefs qui dit à peu près la même chose.
Dans le Val-de-Marne, un agent de la DOSTL est ainsi venu déployer un drone mi-avril dans la cité des Hautes Noues de Villiers-sur-Marne dans un contexte de tensions entre police et jeunes du quartier. L’agent avait été blessé par des tirs de mortier de feu d’artifice. Voir notre article.
De leur côté, la Ligue des Droits de l’Homme et La Quadrature du Net dénoncent l’absence de cadre légal quant à l’usage des images enregistrées et atteinte aux libertés fondamentales que sont le droit à la vie privée et le droit à la protection des données personnelles en raison notamment de l’absence d’information des personnes filmées ni de délai de conservation des images.
“Ce déploiement, en plus d’augmenter de manière inédite les capacités de surveillance de la police, se fait en l’absence de tout cadre légal spécifique quant à l’utilisation des images filmées. Aucun texte ne prévoit un délai de suppression pour ces images ou n’en limite l’accès aux seuls agents de la préfecture pour une mission de police identifiée”, motivent les deux requérantes dans un communiqué, notant que cette absence de texte les a d’abord empêchées d’attaquer en justice, jusqu’à ce que l’article de Médiapart ne publie les réponses écrites de la préfecture de Police. “La préfecture y reconnait notamment qu’il n’existe aucun cadre juridique spécifique pour les images captées par les drones, et cela alors qu’ils sont équipés de caméras haute-résolution permettant « la captation, la transmission et l’enregistrement des images » ainsi que « l’identification d’un individu », détaillent les associations.
La LDH et LQN dénoncent par ailleurs un dispositif disproportionné. Pour les deux associations de défense des libertés fondamentales, l’enjeu de ce recours en justice est de faire jurisprudence sur ce sujet. “Il est évident qu’en cas de victoire, les principes d’une telle décision devront être respectés par l’ensemble de la police et de la gendarmerie, partout en France, et pas seulement par la préfecture de police de Paris”, insistent-elles.
Voir le détail de la requête en justice déposée par les deux associations.
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