Vélo | Ile-de-France | 27/08/2020
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Ile-de-France: les coronapistes à l’épreuve du courage politique

Ile-de-France: les coronapistes à l’épreuve du courage politique

Ce jeudi 27 août, élus locaux, département et associations de cyclistes se réunissent pour discuter de l’avenir des pistes cyclables créées temporairement pour éviter que tout le monde ne se masse dans les transports en commun en pleine pandémie de coronavirus. D’ores et déjà, certaines pistes plébiscitées semblent s’être imposées dans le paysage, d’autres sont remises en question par les automobilistes et riverains agacés par les embouteillages.

“Le bilan est très positif. Entre le moment où on l’a déconfiné et la coupure estivale, la fréquentation des pistes n’a cessé d’augmenter et les témoignages affluent de personnes qui se sont mises au vélo grâce aux pistes temporaires. Nous avons compté jusqu’à 5000 cyclistes par jour sur le pont de Neuilly alors même que La Défense tourne encore au ralenti car beaucoup de gens sont restés en télétravail avant l’été. Il reste donc encore une large marge de progression”, pose Louis Belenfant, directeur du collectif Vélo Ile-de-France qui regroupe une trentaine d’associations et est à l’initiative du RER V qui vise à doubler les grands axes RER de pistes cyclables. Les coronapistes, qui ont largement repris son tracé, ont donné un grand coup d’accélérateur au projet.

“La fréquentation est excellente en bordure de Paris, à Montreuil, Pantin, Neuilly-sur-Seine, Boulogne… Il ne manquait que des pistes pour que les cyclistes arrivent. Un retour en arrière serait aller contre le sens de l’histoire!” Il reste à pérenniser et améliorer la sécurisation“, enjoint le directeur du collectif.

Mais si dans les villes immédiatement limitrophes de paris comme Vincennes, Montreuil… l’accueil a été plutôt favorable avec des pistes cyclables locales complémentaires pour prolonger le maillage du RER V, les réticences des riverains et de leurs élus se sont exprimées dans les villes un peu moins proches. C’est le cas par exemple de Créteil où plusieurs aménagements cyclables ont déjà été démontés avant même la rentrée. “C’est dommage car il y aussi une vraie dynamique autour du vélo à Créteil. Les rayons vélos des magasins alentours ont été dévalisés, la vélo école de Créteil ne désemplit pas. Tous les indicateurs disent que des gens vont arriver les mois prochains sur les vélos. Et l’université n’a même pas encore rouvert, regrette Louis Belenfant. Des villes comme Créteil ont certes été pensées pour la voiture mais est-ce une raison pour ne rien changer ? Maisons-Alfort non plus n’a pas vocation à être la ville de délestage de l’autoroute. Il y a déjà plus de 1000 cyclistes par jour sur la RD19 à Maisons-Alfort.”

A Créteil, riverains agacés par les bouchons et entreprises qui circulent en automobile ne voient pas exactement les choses sous cet angle. A la mairie, les courriers se sont accumulés pour dénoncer une solution contre-productive, générant plus de bouchons et de pollution en empêchant la circulation fluide des voitures. Et les habitants de s’agacer de ces voies réservées aux vélos, parfois situées à côté de pistes cyclables existantes. Un paquet de réclamations dont le maire de la ville, Laurent Cathala (PS), s’st fait le porte-voix auprès du Conseil départemental, maître d’ouvrage des coronapistes sur ses voies départementales. Et l’édile d’insister sur la nécessité “que les attentes et des citoyens et acteurs économiques et sociaux du territoire soient entendus et intégrés à la réflexion.” Alors que la période estivale devait être mise à profit pour engager des concertations micro-locales sur les différentes portions du réseau cyclable provisoire, l’élu, qui avait déjà fait voter une motion pour évaluer la pertinence de ces pistes lors du Conseil municipal du 25 mai, a commencé à faire modifier le tracé cyclable provisoire, au niveau du carrefour Pompadour notamment.

“Nous avons dû revoir la copie au niveau du carrefour Pompadour car il y avait un problème d’accès à la zone d’activité. Les camions ne pouvaient plus sortir et cela générait un bouchon sur l’A86. Dès le mois de juillet, nous avons restitué deux files entre cet anneau et l’anneau central de Pompadour”, détaille Pierre Garzon, vice-président du Conseil départemental en charge des transports. D’autres portions ont commencé à être rabotées, comme sur l’avenue du général de Gaulle (artère stratégique qui relie les services publics de la ville et du département comme le rectorat, l’université, la préfecture…) entre l’hôpital Mondor et le Gi-Fi (rue Saint-Simon) en contrepartie d’une zone 30. Sur la D19, les jours de la coronapiste sont également comptés en raison de la piste plus étroite déjà existante sur le trottoir. Quant à l’aménagement sur la RD86, il doit aussi être rediscuté, portion par portion.

Exercice diplomatique au long cours

Créteil, symbolique car il s’agit de la ville préfecture et universitaire du département, n’est pas un cas unique, et reflète les difficultés plus importantes rencontrées par les coronapistes au-delà de l’immédiate première couronne. A Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis) aussi, les coronapistes sont sur la sellette. Ailleurs dans le Val-de-Marne, les pistes ont été supprimées sur la RD7 au niveau de Thiais et Chevilly. “Il y avait un trop faible nombre d’usagers du vélo et la plupart montent sur le trottoir car il y aune moindre densité de piétons, ce qui n’est pas le cas à Villejuif ou au Kremlin-Bicêtre”, justifie Pierre Garzon. Pour le département, le déploiement des pistes cyclables relève de l’exercice diplomatique au long cours. “Nous allons devoir réviser la copie mais nous ne voulons pas revenir à l’état initial. L’enjeu est d’avancer tout en gardant un lien de confiance avec les villes. Nous essayons de maintenir un savant dosage”, résume Pierre Garzon.

“Urbanisme tactique”

Un art du compromis qui peut aboutir. “Le pont de Clichy constituait un point dur car nous avions pris deux voies sur les quatre. Nous avons rétréci légèrement les pistes en contrepartie de les séparer physiquement des voitures en les protégeant avec du béton et nous avons ainsi pu restituer une troisième voie aux automobiles. Il s’agit de faire de l’urbanisme tactique. Ce qui crée le changement est la présence des pistes, il ne faut donc rien lâcher et faire preuve de courage politique”, invite appelle Louis Belenfant, rappelant que “les maires viennent d’être réélus pour six ans”.

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