Associations | | 30/01/2020
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Ivry-sur-Seine : le cri de détresse de l’association Atout majeur

Ivry-sur-Seine : le cri de détresse de l’association Atout majeur

Ayant perdu plusieurs subventions, le centre d’accompagnement aux femmes en difficulté Atout majeur, basé à Ivry-sur-Seine, a achevé de licencier son personnel ce jeudi et devrait fermer ses portes sous peu. L’association lance un appel aux dons.

Ce mardi après-midi dans leur local, onze femmes sont venues raconter comment elles ont commencé à rebondir grâce à l’association.

Depuis sa fondation en 2004 par Zoubida Belkebir, Atout majeur accompagne des femmes fragilisées tant sur le plan social qu’économique, dans leurs démarches administratives et de recherche d’emploi. Certaines sont même sans domicile fixe. Pour elles, l’association constitue un havre, un lieu pour repartir, reprendre confiance et encore récemment, 200 d’entre elles, issues de toute l’Ile-de-France, se rendaient quotidiennement dans les locaux du 97 bis, avenue Georges Gosnat, mis à leur disposition par la mairie d’Ivry-sur-Seine.

200 femmes, 57 nationalités

« Nous accueillons des femmes très éloignées de l’emploi, ayant pour la plupart vécu des violences conjugales, économiques ou d’ordre humanitaire », détaille la directrice Zoubida Belkebir. S’y côtoient toutes les nationalités – « on en a compté 57, mais il y en a sûrement plus », s’amuse la fondatrice – et tous les âges, de 18 à 67 ans. Certaines sont couturières, d’autres secrétaires médicales, ingénieures ou musiciennes. Elles ont toutes un talent, et souvent en commun une situation de précarité économique et d’exclusion sociale intenses.

La plus jeune présente ce mardi a 27 ans. Batul avait achevé un Master de marketing en anglais avant de rejoindre son mari en France il y a trois ans. D’origine libyenne, la jeune femme est venue parfaire son Français avant son accouchement, prévu en mars.

D’autres vivent en métropole depuis bien plus longtemps, comme Leangueik, inscrite à la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), arrivée en France en 1981 pour fuir la guerre au Cambodge. « A l’époque, il était plus facile de trouver du travail, même sans parler parfaitement la langue, assure celle qui veut devenir agente d’accueil. C’est plus difficile aujourd’hui. »

Zoubida Belkebir, Maoulida, et Atika

Pour y remédier, ces travailleuses en recherche d’emploi bénéficient d’un suivi d’un an, avec des formations qualifiantes et des rencontres avec des entreprises partenaires… qui sont autant de potentiels employeurs. Chaque jour, elles prennent part à des cours de langue et à des ateliers sur des thèmes aussi variés que l’accès au droit, l’informatique ou l’estime de soi.

Avec le théâtre Aleph, les adhérentes participent aussi à des sessions de trois semaines au cours desquelles elles montent une pièce ou une comédie musicale inspirée de leurs vies. Une manière d’exorciser un passé souvent douloureux.

« On apprend à rédiger un CV, à passer un entretien d’embauche, ou à effectuer certaines démarches administratives, énumère Liliane. Arrivée de la République Démocratique du Congo en 1997, passée un temps par un foyer, elle a exercé comme agente de nettoyage jusqu’à un accident du travail. Depuis, elle a retrouvé une indépendance et une sociabilité « libératrice ». Elle qui se préparait pour un stage d’hôtesse de sécurité prévu en février, craint maintenant de devoir y renoncer, et de basculer à nouveau dans l’isolement.

Licenciements effectifs ce jeudi

Essentiellement financée par l’Union européenne, l’association a appris il y a quelques jours que sa subvention ne serait pas renouvelée cette année et un audit de 2018 conteste une partie des 115 000€ versés en 2016, occasionnant une dette de 80 000 euros. Progressivement, l’association a également vu ses autres subventions diminuer au point d’être prise à la gorge. Désormais, il manque 240 000 euros pour poursuivre, estime Zoubida Belkebir. 

La salle de classe du centre d’Ivry-sur-Seine.

« Une vraie perte publique »

« C’est une vraie perte publique », s’indigne Evelyne, modéliste-couturière dans le luxe. Réfugiée kurde, elle a été confrontée au dédain des recruteurs face à son CV, avant qu’on l’aide à le remanier. Elle souhaite désormais monter sa propre marque et ouvrir sa boutique. « J’ai déjà créé des prototypes », s’enthousiasme-t-elle. Comme elle, d’autres femmes aurait pu bénéficier d’un accompagnement dans leur création d’entreprise, comme Barbara, originaire de Pologne. Formée comme cuisinière, elle rêve d’ouvrir son propre restaurant.

A l’idée de la fermeture, Maoulida, elle, se dit « en deuil ». Cette mère de famille rayonnante veut être assistante maternelle, elle qui est titulaire d’un « bac + sept enfants », comme elle se plait à le formuler. Son parcours a été semé de difficultés, depuis un mariage imposé à 14 ans aux Comores, suivi d’une première grossesse très jeune. Pour échapper à la pauvreté et aux violences conjugales, elle refait plusieurs fois sa vie, sans jamais perdre espoir. Elle ne cesse jamais de travailler, dans le ménage, la garde d’enfants, la vente, la restauration collective.

« Atout Majeur m’a appris à croire en moi, raconte-elle, émue. Si j’avais un message à faire passer à ceux qui sont responsables des subventions, c’est d’abord un grand merci pour nous avoir donné cette chance : mais s’il-vous-plait, ne nous l’arrachez pas. »

Une cagnotte pour rebondir

Pour continuer à exister, l’association a lancé une cagnotte sur HelloAsso. Accéder la cagnotte

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