A moins de quatre ans des Jeux olympiques 2024 de Paris, les organisateurs rehaussent le budget consacré à la sécurité, et l’Etat planche d’arrache-pied sur les dispositifs avec la sécurité privée qui est appelée à se renforcer et la reconnaissance faciale qui frappe à la porte.
“La concentration des lieux en région parisienne et en Seine-Saint-Denis va créer des difficultés de sécurisation un peu spécifiques, et tout à fait exceptionnelles”, explique ainsi le délégué interministériel aux JO, Michel Cadot, ex-préfet de la région Ile-de-France mais aussi ex-préfet de police de Paris, pour qui l’enjeu est “majeur” et “prioritaire”.
Certes, l’expérience de l’Euro-2016 de football va servir, mais les JO sont un évènement planétaire, susceptible de drainer plus de douze millions de spectateurs, et dont les festivités vont s’étirer avant et après les quinze jours d’épreuves stricto sensu.
Une partie des épreuves en plein centre de Paris
Une partie des épreuves, comme les sports urbains, vont se dérouler en plein centre de Paris, place de la Concorde, tout près de l’Élysée et de l’Assemblée nationale. D’autres vers la Tour Eiffel ou encore au château de Versailles. De quoi donner quelques sueurs froides aux autorités, dans un contexte de risque d’attentat accru.
Le comité d’organisation des JO de Paris 2024 (Cojo), financé par le privé, est chargé de la sécurité des sites. La plupart sont situés en Ile-de-France, à quelques exceptions comme la voile à Marseille et le football réparti dans plusieurs villes françaises.
Plusieurs sources avaient rapporté à l’AFP en septembre que le budget du Cojo dédié à la sécurité était notoirement insuffisant. Un rapport provisoire de la Cour des Comptes, ayant fuité dans la presse en novembre, dressait le même constat.
“Dans le dossier de candidature, la ligne budgétaire sécurité était un peu sous évaluée, elle a déjà été augmentée de 59%”, a fait savoir Pierre Lieutaud, coordinateur national pour la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques 2024 et des grands événements sportifs internationaux, interrogé par des députés en novembre.
Au final, le Cojo a ajouté 100 millions d’euros de plus aux 200 millions de la précédente version. Est-ce que cela sera suffisant? Difficile de répondre faute d’évaluation publique sur le sujet.
“Si les JO avaient lieu demain, la sécurité privée ne serait pas prête”
Pour établir clairement qui fait quoi, entre les organisateurs, l’Etat, la future police municipale parisienne, et la sécurité privée — ce qui conditionne aussi la facture –, la délégation interministérielle aux JO s’attelle depuis plusieurs semaines à la rédaction d”un protocole de sécurité”.
Qui filtre ? Qui pré-filtre ? Dans quel périmètre ? Toutes ces questions, aux conséquences financières, ne sont pas encore entièrement finalisées.
Un “comité stratégique” réunit tous les acteurs: secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, ministère de l’Intérieur, mairie de Paris, “opérateurs privés ou sportifs”, etc, détaille M. Cadot.
Car sans sécurité privée, pas de JO. “Si les JO avaient lieu demain, la sécurité privée ne serait pas prête”, reconnaît Pierre Lieutaud.
C’est pourquoi la loi “Sécurité globale”, dont l’article 24 a focalisé toute l’attention, comprend aussi un volet important sur la sécurité privée, comme encadrer la sous-traitance ou encore autoriser le cumul emploi/retraite pour d’anciens policiers. Parmi les enjeux de ce secteur très atomisé et peu reconnu, la nécessité aussi de féminiser, indispensable pour fouiller … de nombreuses spectatrices.
Au moins 25 000 agents de sécurité privée
Selon le député LREM et ancien patron du Raid, Jean-Michel Fauvergue, co-rapporteur du texte, il faut “au bas mot 24 000 ou 25 000 agents de sécurité privée. On est loin du compte (…) Il faut recruter”.
Pas question de renouveler le fiasco de Londres en 2012, obligé d’appeler en urgence plus de 4 000 soldats supplémentaires après la défaillance de la société censée fournir des bataillons de vigiles.
Autre question sensible: la cybersécurité, alors que les Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang en 2018 ont fait l’objet de cyberattaques. “Un sujet à part qui pose des problèmes de technologies et de droits”, a récemment observé Michel Cadot, et sur lequel les autorités se montrent discrètes.
De même, “la reconnaissance faciale” sera-t-elle autorisée pour les JO, comme le souhaitent certains acteurs ?
Pour l’instant, la France ne s’est pas engagée dans cette voie, susceptible de susciter un débat public agité sur la défense de la vie privée.
Dans une enquête de la cellule investigation de Radio-France diffusée en septembre, la présidente de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), Marie-Laure Denis, a expliqué que c’était “envisageable”, soit “sur la base d’un consentement réel”, “soit par un texte qui autorise pour une durée limitée et sur un périmètre défini l’utilisation de ces pratiques”.
par Déborah CLAUDE
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