Nathalie, 53 ans, habite dans une résidence sociale du Plessis-Trévise avec son mari, sa fille de 28 ans qui part tous les matins faire des toilettes chez des personnes âgées, son fils de 24 ans et sa compagne, et la grand-mère grabataire de 83 ans. Par téléphone ce dimanche, elle a raconté son quotidien et ses questionnements, au sixième jour de confinement.
Dans l’appartement, la grand-mère, les parents et la fille, disposent chacun de leur chambre. Le fils et sa compagne dorment dans la salle à manger. La cuisine sert de pièce commune. “On ne s’est pas imposé d’horaires stricts. Chacun se prépare son plateau repas quand il le souhaite”, explique Nathalie. De fait, tout le monde n’a pas les mêmes horaires. La fille de 28 ans doit se lever tôt le matin pour faire des soins à domicile.
Un masque de chantier, c’est mieux que rien pour aller faire les toilettes à domicile
Employée directement par ses clients, des personnes âgées fragiles, avec des chèques emploi service, elle ne fait pas partie du personnel soignant et ne dispose pas de masques. “Par chance, lors de l’une de ses visites, un papi a retrouvé des masques de chantier dans son établi et les lui a donnés, mais elle n’en a qu’une dizaine alors elle les garde deux-trois jours chacun, en les imbibant régulièrement de gel hydro-alcoolique. Elle ne peut pas laisser ces personnes livrées à elle-même. Si elle n’y allait pas, ils devraient retrouver quelqu’un.”
L’aide-soignante qui vient visiter la grand-mère est un peu mieux lotie, elle a un masque pour la journée. “Elle a aussi pris l’habitude de ne pas sortir sa blouse à l’extérieur. Elle ne la met que chez les patients. De notre côté, on se lave les mains, on les désinfecte. Et si quelqu’un est enrhumé, il ne s’approche pas de la grand-mère.”
En charge de réapprovisionner les rayons d’un hypermarché à Fontenay-sous-Bois, le mari, diabétique, a été arrêté dès la que l’épidémie s’est déclarée, faisant partie des personnes à risque, tout comme sa femme, en invalidité à 50%.
“On essaie de ne pas trop piétiner nos intimités”
Le fils, plombier, venait de finir un contrat et la période de confinement a compliqué sa recherche d’emploi. Quant à sa compagne, 19 ans, étudiante en coiffure, elle ne peut ni retourner à son CFA (Centre de formation des apprentis) ni à son salon de coiffure de Créteil Soleil, les deux ayant momentanément baissé le rideau. “On essaie de ne pas trop piétiner nos intimités. Ce n’est pas très facile car nous n’avons pas les mêmes horaires. Mais pour le moment, ça va. Chacun a sa télé et ses occupations.”
“Ce-sont les enfants qui vont faire les courses en voiture à l’hypermarché d’Ormesson-sur-marne. Sinon il y a aussi un boulanger et un supermarché en centre-ville mais ce n’est pas évident de trouver tous les produits dont on besoin. Le plus difficile est le papier toilette, c’est une catastrophe. Nous mêmes avons du dépanner nos voisins. Heureusement, nous avions acheté quatre paquets de 24 rouleaux, mais nous sommes six!”
De l’entraide, il y en a aussi dans la résidence, pour aider par exemple la mamie de 87 ans qui habite seule au quatrième étage de l’escalier d’à côté. “Ses voisins lui font les courses. On l’aidait déjà avant la crise du coronavirus.”
En quelques jours, les gens ont cessé de se croiser
Mais au fil des jours, les échanges entre voisins se font plus rares. C’est tout l’enjeu du reste de cette période de confinement: la distanciation sociale. “Au début, je voyais des voisins qui discutaient en sortant leurs animaux. Ils se croisaient. Maintenant, ils changent de trottoir ou se mettent sur le côté. Moi même, en allant à la pharmacie, j’ai été au milieu de la route pour éviter des gens qui arrivaient en face sur le trottoir.” La grande allée piétonne qui reliait Le Plessis à Emerainville, elle, a été fermée.
Une distanciation sociale née de la peur du virus, du gendarme ou des deux, mais qui ne va pas de soi. “Ce qui me manque le plus est de ne plus voir des amis qui habitent pourtant tout près, à Chelles et à Sucy-en-Brie. Et aussi ma fille de 33 ans qui habite juste à 600 mètres de chez nous et a une petite-fille de 8 ans. On se voit en vidéo sur Snapchat mais ce n’est pas pareil. On se rend compte de ce qu’est le lien social, et aussi de ne pas pouvoir se déplacer pour faire ce qu’on a envie de faire. Depuis le début de la semaine, je suis sortie une fois une demi-heure pour aller à la pharmacie.”
“Qui croire, ne pas croire ?”
Les précautions n’empêchent pas les doutes. “Est-ce que le virus se propage dans l’air? Est-ce que les produits qu’on ramène à la maison sont sûr? On ne va pas laver nos fruits et légumes avec de l’eau et du savon! On ne sait pas trop à quoi s’en tenir et lorsque l’on regarde la télé, les réponses diffèrent entre le médecin que l’on regarde sur LCI et celui qui parle cinq minutes plus tard sur BFM. Qui croire, ne pas croire ?” Le doute aussi sur soi-même. Est-on porteur ou pas du Covid 19 ? “Je suis enrhumée et j’ai un peu mal à la gorge mais je n’ai pas de température. Est-ce un petit rhume ou les symptômes? Je ne vais pas embêter mon médecin avec cela en ce moment, mais ce n’est pas facile de ne pas de devenir hypocondriaque!”
Dans ces temps flottants où les jours se ressemblent, un instant festif rompt la monotonie tous les soirs. A 20 heures, la résidence est au rendez-vous pour applaudir les soignants, comme dans beaucoup d’endroits de France. “Et depuis vendredi, on met aussi un peu de musique. C’est une période très difficile dans notre vie mais elle peut aussi nous apporter. Nous apprenons sur nous-mêmes, notre environnement familial, la solidarité.”
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